Le courant dominant commence
lui-aussi à réaliser que les bulles sont une cause importante des récessions
économiques. La question que se posent désormais les experts est de savoir
comment déterminer si une bulle est en train de se former.
Beaucoup sont d’avis que si les
banquiers centraux connaissaient la réponse à cette question, ils tenteraient
d’empêcher les bulles d’apparaître pour ainsi éviter le développement de
récessions.
Le lauréat du Prix Nobel d’économie,
Robert Shiller, est
d'avis que les bulles peuvent être observées au travers de la même
méthodologie que celle utilisée pour diagnostiquer les maladies mentales.
Selon Shiller, une bulle est une
forme de dysfonctionnement psychologique. Ainsi, la solution pourrait être de
préparer une liste de contrôle similaire à celles utilisées par les
psychologues pour déterminer si, par exemple, leur patient souffre d’une
forme de dépression. Voici ce qu’il perçoit comme étant les facteurs clés
caractéristiques d’une bulle :
- Forte hausse
du prix d’un actif.
- Grand
enthousiasme du public face à cette hausse de prix.
- Battage
médiatique connexe.
- Exemples de
réussite financière de certains, qui rendent beaucoup d’autres envieux.
- Intérêt
croissant du public pour l’actif concerné.
- Naissance de
nouvelles « théories » pour justifier la hausse de prix sans
précédent.
- Déclin des
standards de prêts bancaires.
Sont soulignés ici les facteurs
que Shiller pense voir se manifester au cours de la formation d’une bulle. En
revanche, sa description ne fait rien pour nous apporter une meilleure
compréhension des causes de l’émergence de telles bulles.
Afin d’en comprendre les causes,
il est nécessaire d’apporter une définition à l’objet étudié. L’objectif d’une
définition est de présenter l’essence, les caractéristiques distinctes de l’objet
identifié. Une définition a pour objectif de nous en dire plus sur les
origines d’une entité particulière. De ce point de vue, les sept points
soulignés par Shiller ne nous disent rien de l’origine d’une bulle typique.
Ils ne nous apprennent rien de la raison pour laquelle les bulles nuisent à
la croissance économique.
Définir une bulle
Si le prix d’un actif est la
quantité de monnaie versée pour l’obtenir, il est évident que pour un actif
particulier, une hausse de prix ne puisse naître qu’en conséquence d’une
hausse du flux de monnaie vers cet actif.
Plus l’expansion monétaire est
importante, plus le prix de l’actif est élevé. Nous pouvons également dire
que plus l’expansion monétaire gonfle, plus le prix de l’actif gonfle.
L’émergence d’une bulle ou d’une
expansion de monnaie n’est pas nécessairement associée à une hausse de prix –
par exemple, si le taux de croissance des biens correspond au taux de
croissance de la masse monétaire, aucun changement ne survient en termes de
prix.
C’est pourquoi je suis d’avis
que ce qui importe n’est pas le fait que l’émergence d’une bulle soit
associée à une hausse de prix, mais qu’elle donne lieu à l’émergence d’activités
non-productives qui détournent le capital réel d’entre les mains des
créateurs de capital.
L’expansion de la masse
monétaire, la bulle monétaire, permet le détournement du capital réel depuis
les activités qui produisent du capital vers celles qui n’en produisent pas.
A mesure que se renforce la
création monétaire, le rythme de ce détournement s’accélère. Nous qualifions
les diverses activités non-productives qui naissent de cette expansion
monétaire d’activités de bulles – elles ont été formées en conséquence de la
bulle monétaire.
Notez également que ces
activités ne peuvent pas exister sans l’expansion de la masse monétaire qui
détourne le capital réel depuis les activités qui produisent du capital.
Les bulles ne naissent pas d’une
hausse de prix – mais de la mal-allocation de ressources
Nous pouvons en déduire que la
clé de l’apparition d’une bulle est l’expansion de la masse monétaire. Le
résultat de cette expansion est l’émergence d’activités qui ne génèrent pas
de capital.
De la même manière, nous pouvons
en déduire qu’une bulle ne concerne pas tant la hausse du prix d’un actif que
l’expansion de la masse monétaire et la mal-allocation conséquente de
ressources. Les bulles – en tant que produits de la croissance de la masse
monétaire – peuvent donc survenir sans hausse correspondante des prix.
Maintenant que nous avons établi
que les bulles naissent d’une expansion de la masse monétaire, nous pouvons dire
que les dommages générés par les bulles naissent du développement d’activités
non-productives, ou « de bulle », qu’elles génèrent.
Et maintenant que nous avons
établi que l’apparition de bulles est liée à l’expansion de la masse
monétaire, il est évident que ce sont la banque centrale et le système de
réserve fractionnaire qui sont responsables de leur formation. C’est donc la
création de monnaie par la banque centrale qui génère l’expansion de bulles
monétaires.
Les banques centrales : le
facteur clé des bulles
Ainsi, pour empêcher des bulles
de se développer, il est nécessaire de mettre fin à la création monétaire par
les banques centrales et à la capacité des banques commerciales à s’engager
dans des activités de réserve fractionnaire, c’est-à-dire à prêter de l’argent
à partir de rien.
Une fois que le rythme de création
monétaire se trouve ralenti, en réponse à une réduction de la création
monétaire des banques centrales ou de l’expansion du crédit par les banques
commerciales, l’explosion inévitable des bulles peut commencer.
Souvenez-vous qu’une activité de
bulle ne peut pas se financer indépendamment de l’expansion monétaire qui
redirige vers elle du capital issu des activités productives. Ainsi, les
activités de bulle ne sont pas des activités productrices de capital.
La récession économique associée
à la disparition des activités de bulle est une bonne nouvelle pour les
créateurs de capital, parce que davantage de capital leur est rendu disponible.
Une récession économique, qui affaiblit les activités de bulle, coule les
fondations nécessaires à une croissance économique véritable.
Notez que c’est l’expansion de
la masse monétaire qui donne naissance aux activités de bulle, et non la
disposition psychologique des acteurs du marché.
Psychologie et économie
La psychologie a été intégrée à
l’économie dans l’idée que les deux disciplines soient liées. En revanche, il
existe une différence distincte entre l’économie et la psychologie. La
psychologie traite du contenu des fins.
L’économie, en revanche, estime
avant tout que les individus agissent de manière intentionnelle. Il s’agit d’un
phénomène de comportement – qui ne se penche pas sur les fins particulières.
Selon Rothbard,
Les fins d’un individu peuvent
être « égoïstes » ou « altruistes », « raffinées »
ou « vulgaires ». Elles peuvent souligner le plaisir apporté par
des « biens matériels », ou par une vie ascétique. L’économie ne se
soucie pas de leur contenu, et ses lois s’appliquent quelle que soit la
nature de ces fins.
Alors que,
La psychologie et l’éthique se
penchent sur le contenu des fins humaines ; elles se demandent pourquoi
un individu choisit telle ou telle fin, et quelles fins les individus
devraient rechercher.2
Ainsi, l’économie estime que les
individus ont des fins et utilisent des moyens pour y parvenir. En
conséquence, l’économie est une discipline distincte de la psychologie.
Par l’introduction de la
psychologie dans l’économie, la généralité de la théorie se trouve oblitérée
et rendue inutile. Ainsi, l’usage de la psychologie est contreproductif dans
le cadre d’analyses économiques.
Contrairement à ce que nous dit
Shiller, afin de déterminer l’existence d’une bulle, il ne faut pas appliquer
la même méthode que celle employée par les psychologues. Ce qui est
nécessaire, c’est d’établir une définition correcte des bulles.
Une fois cette définition
établie, nous comprenons que, contrairement à ce que veut la conscience
populaire, les bulles n’ont rien à voir avec le dysfonctionnement
psychologique des individus – elles sont la conséquence des politiques
monétaires laxistes des banques centrales.
Lorsque nous observons une
hausse du taux de croissance de la masse monétaire, nous pouvons en déduire
qu’elle établit la plateforme nécessaire à l’apparition d’activités de bulles
– une expansion économique.
A l’inverse, lorsque le taux de
croissance de la masse monétaire décline, il coule les fondations nécessaires
à la disparition de ces activités de bulles – une récession économique.