Les banques centrales ont eu
recours à quatre différents stades de création monétaire au travers de leur
horrifiante histoire d’usurpation de l’évaluation de la monnaie et des coûts
d’emprunt, qui a normalement lieu sur les marchés. C’est un comportement
destructeur qui a commencé avec l’abandon de l’étalon or, et qui s’est par le
passé toujours terminé par une hyperinflation et un chaos économique.
Le premier stade est le plus
bénin, mais il dresse la scène pour les effets dévastateurs des trois
suivants. Le premier niveau de création monétaire a recours à l’épargne
artificielle des banquiers centraux pour déterminer les taux d’intérêt de
court terme au travers de l’achat et de la vente de dette gouvernementale à
court terme. Ce stade semble assez peu important à premier abord, mais il est
en réalité assez destructeur, parce qu’il empêche le marché de déterminer le
coût de la monnaie. Ce point à une importance cruciale, parce que tous les
actifs sont évalués en fonction de ces taux de rendements soi-disant
« sans risque ». Un étalon or empêche la base monétaire de gonfler
de plus de quelques points de pourcentage par an, et limite ainsi les prêts
bancaires. En revanche, une devise fiduciaire signifie également une base
monétaire fiduciaire. Ce qui mène à des prêts illimités et à la création de
bulles sur les actifs.
Le deuxième stade de folie
monétaire dure depuis des décennies et est aujourd’hui connu sous le nom
d’assouplissement quantitatif. Après plusieurs cycles de baisse continuelle
des taux d’intérêt dans l’objectif de sortir l’économie de récessions
successives, les banques centrales ont commencé par amarrer les taux
d’intérêt de court terme à zéro pourcent, voire moins. Une fois que les banques
centrales n’ont plus eu la possibilité de faire baisser les taux de court
terme davantage, elles se sont penchées sur la courbe des rendements et ont
tenté de forcer artificiellement à la baisse les coûts d’emprunt de la dette
de long terme. Il est important de noter qu’à ce stade, les banques centrales
n’achètent des actifs que sur les bilans de banques privées, et prétendent
encore qu’elles liquideront un jour ces réserves.
Le troisième stade de folie
monétaire menace aujourd’hui d’être imposé à la population par les banques
centrales du monde. On l’appelle « hélicoptère Ben », un terme que
nous devons à l’économiste Milton Friedman. En réalité, des politiques
similaires ont été employées avant lui. Friedman percevait la distribution monétaire
comme un moyen de combattre la déflation, alors qu’elle avait
traditionnellement été utilisée pour aider les gouvernements insolvables à
rembourser leur dette.
Cette politique se définit
comme étant une émission de dette gouvernementale sans échéance contractuelle
ou une émission directe de crédit à l’intention du public et financée par une
banque centrale. Ces deux formes de distribution monétaire opèrent plus
efficacement si elles contournent complètement le système bancaire. La raison
en est que les banques centrales et les gouvernements n’ont pas à s’inquiéter
de voir les banques privées décider de renoncer à l’achat de dette
gouvernementale et de se tourner plutôt vers l’accumulation de crédit
fiduciaire sous forme d’excès de réserves. Hélicoptère Ben permet aux
citoyens d’avoir un accès direct au nouveau crédit. La différence entre
l’émission de dette sans échéance contractuelle et la distribution directe de
crédit au public est que la première permet au gouvernement de décider qui
obtient cette nouvelle monnaie, et la deuxième permet à la banque centrale de
décider. Dans les deux cas, hélicoptère Ben revient à un gonflement direct de
la masse monétaire, et donc à une inflation.
La Banque du Japon, et
peut-être même la Banque centrale européenne, pensent mettre en place une
telle politique incessamment sous peu. Hélas, une fois le troisième stade de
folie monétaire enclenché, il devient inévitable d’avancer vers le quatrième
stade. Parce que ce troisième stade ne peut rien faire d’autre qu’engendrer
une chute dévastatrice des prix des actifs et un effondrement du marché des
obligations, qui génèrent à leur tour un chaos économique de grande échelle.
Voilà qui nous amène au
dernier stade d’intervention des banques centrales, qui représente des achats
directs et interminables de dette souveraine par une banque centrale dans le
seul objectif de ne pas perdre le contrôle sur ses taux d’intérêt. Ainsi, ce
dernier stade se produit une fois que l’inflation s’est pleinement installée
dans l’économie.
Il ne serait que pure folie de
penser que les banques centrales pourront parvenir à leur objectif
d’inflation de 2% avec précision. Des années de dépenses déficitaires et de
hausse des ratios dette/PIB, ainsi que le gonflement de leurs bilans,
finiront par nous mener jusqu’à une érosion significative de la confiance en
la capacité des banques centrales à maintenir le pouvoir d’achat de leurs
monnaies fiduciaires. Ainsi, l’inflation ne s’arrêtera pas à 2%, elle
franchira ce niveau et continuera de grimper.
Et ce n’est que la moitié du
problème. Les rendements des obligations souveraines ont été tant écrasés par
les banques centrales que près de 30% de la dette émise par les gouvernements
s’échange aujourd’hui à moins de zéro pourcent. Le retour de l’inflation
génèrera certainement un exode sur le marché des obligations, alors même que
les vendeurs à découvert commenceront à accumuler des positions. Le marché
des obligations réagira aussi de manière assez violente – pour faire flamber
les rendements d’une centaine de points de base en un rien de temps – en
raison de l’anticipation d’une diminution des enchères des banques centrales
sur les obligations.
Bien évidemment, la hausse des
remboursements de dette rendront les gouvernements surendettés complètement
insolvables, ce qui forcera les banques centrales à enclencher ce quatrième
stade. Malheureusement, c’est la conclusion qui attend le monde développé.
Les investisseurs ne devraient pas se montrer complaisants face à l’état
inoffensif des rendements des obligations globales. En réalité, ils sont
devenus des bombes à retardement, dont l’explosion aura des implications pour
tous ceux qui ne s’y seront pas préparés.