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Le
problème de la dette publique en Europe est devenu un écran de
fumée qui cache le vrai problème. En effet, la dette publique
n’est rien d’autre que la conséquence naturelle d’un
ensemble de déséquilibres institutionnels et financiers des
économies européennes.
Payer ou ne
pas payer la dette. Renégocier ou ne pas renégocier la dette.
Nationaliser ou ne pas nationaliser le système bancaire privé.
Peu importe le chemin choisi pour y répondre. Sans réforme des
systèmes fiscal et social et du marché du travail, tout
traitement du problème de la dette se soldera par un échec
cuisant.
La dette
publique s’accumule quand l’État perd le contrôle de
son budget, dépense plus de ce qu’il obtient en impôts, ce
qui aboutit à des
déficits budgétaires. La législation en vigueur limite
les sources de financement de ces déficits au seul marché
privé, cependant l’Etat n’est pas obligé de faire des
déficits et donc de recourir au marché privé. Le
dérapage des dépenses publiques n’a pas donc pour origine l’existence de banques privées ou publiques. En
effet, la dépendance au crédit bancaire vient justement du
dérapage.
Le
système bancaire et financier en place dans les pays européens
en crise est pratiquement le même système qu’ailleurs. Et
pourtant, certains pays arrivent à gérer leur dette publique y
compris en Europe (voir tableau ci-dessous).
Pays ayant un ratio dette
publique brute/PIB de 50% ou moins en 2011
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PAYS
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RATIO
DETTE BRUTE/PIB
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Australie
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22,86
|
Corée
du Sud
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34,14
|
Danemark
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46,43
|
Estonie
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6,04
|
Finlande
|
48,56
|
Luxembourg
|
20,85
|
Norvège
|
49,60
|
Nouvelle
Zélande
|
37,04
|
République
Tchèque
|
41,46
|
Slovaquie
|
44,63
|
Slovénie
|
47,31
|
Suède
|
37,44
|
Suisse
|
48,64
|
Taiwan
|
40,79
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Source : IMF
World Economic Outlook, 2012.
On constate
des caractéristiques communes aux pays développés qui affichent
un ratio dette/PIB relativement bas : des taux d’imposition et de
cotisations sociales relativement bas par rapport aux pays en crise, des
marchés du travail plus flexibles. Il se peut qu’ici et
là, un de ces pays adopte une mesure plus interventionniste, mais
l’impact de cette mesure sera plus que compensé par la
flexibilité existant dans le reste de l’économie.
Par exemple,
l’Australie et le Luxembourg ont les salaires minimums les plus
élevés au monde. Ces pays ont cependant rendu leur économie très
flexible dans presque tous ses autres aspects, de sorte que les effets du salaire minimum y sont
réduits. Depuis une grave crise financières dans les années
1990, le Danemark et la Suède ont maintenu un filet de
sécurité sociale important tout en rendant leur marché
du travail beaucoup plus flexible et leur fiscalité moins
contraignante tant pour les salariés que pour les entreprises.
A quoi sert-il
donc de répudier une dette si les bases structurelles qui permettront
immédiatement d’en créer une autre, restent en
place ? A quoi bon renégocier les échéances et les
intérêts d’une dette, si les dépenses exorbitantes
de l’administration et de la sécurité sociale ne prennent
pas fin ? Enfin, la nationalisation du système bancaire accompagnée
de déficits conduira simplement à financer toutes les
dépenses par la création monétaire et donc à détruire le
pouvoir d’achat et l’épargne de la population. Dans tous
les cas, on remplacera une situation inquiétante par une situation
tout simplement infernale.
Une
réforme du système fiscal et de la sécurité
sociale doit chercher à rendre le système plus simple et moins
onéreux pour les ménages et les entreprises. Plus on est
imposé, fiscalement ou socialement, plus on est incité à
chercher à se soustraire à cette imposition, à
réduire les activités soumises aux taux marginaux les plus
élevés, ou à chercher des niches dont la portée
limitée à un certain nombre d’individus est injuste.
La
simplicité de la fiscalité élimine des coûts de
transaction pour tous en réduisant la bureaucratie et en faisant
gagner du temps aux contribuables. Une fiscalité légère
rend le pays plus attractif que d’autres qui auraient une structure
économique similaire mais une fiscalité plus lourde. En outre,
une fiscalité allégée pour le contribuable diminue les
avantages de l’évasion fiscale.
La
flexibilité du marché du travail est elle-aussi indispensable.
Elle permet d’adapter plus facilement l’offre de travail aux
changements de plus en plus fréquents de l’économie
moderne. Sans coût de licenciement significatif, il n’y a pas non
plus de coût à l’embauche.
Si l’employeur sait qu’en cas de coup dur ou d’’incompétence
de l’employé, il n’aura pas de coût financier et
psychologique trop important à assumer, il embauchera avec
d’autant plus de facilité. Pourquoi perdre son temps et son
argent afin de trouver l’employé idéal quand on peut
tenter sa chance à moindre frais ? De surcroît, une plus
grande flexibilité dans le licenciement incite les employés
à être plus attentifs à leur contrat de travail et se
focalisent davantage sur leurs compétences que sur une
sécurité de l’emploi garantie par une législation
dépassée par la réalité des circonstances.
En outre, un
marché du travail plus flexible se traduit aussi par un temps du
travail plus flexible et la neutralisation des salaires minimum voire leur
abolition. L’Allemagne, le Danemark, la Suède et la Suisse s’y
sont mis et on ne peut pas dire qu’il s’agisse de pays pauvres et
exploiteurs. Certes, ce genre de réformes peut se traduire par une
baisse de la masse salariale dans certains secteurs, mais elle ouvre aussi les
portes de l’emploi à d’autres catégories de
travailleurs qui se trouvent aujourd’hui
au chômage. Cela permet aussi de réduire ce fléau
qu’est le chômage de longue durée. Car plus de
flexibilité implique moins de réticence à faire appel au
travail plutôt qu’aux machines. En fait, dans un système
de travail flexible, les machines assistent le travail des individus en le
rendant plus productif et ne visent pas à le remplacer car ce dernier
serait devenu artificiellement cher du fait de la législation en
vigueur. En plus, un marché du travail flexible est un marché
où les travailleurs ont davantage tendance à se former en
continu, à être plus innovateurs et même plus
entreprenants.
Finalement, une
fiscalité simple et peu onéreuse et un marché du travail
flexible et adaptable sont les deux grandes caractéristiques des économies dynamiques et
entreprenantes. Les incitations à l’immobilisme dans le travail
disparaissent. L’individu qui veut développer ses
capacités et ses idées trouve plus facile de quitter son travail
de salarié et devenir entrepreneur. Les coûts de formation et de
développement de l’entreprise étant plus bas, les
individus seront moins à la recherche d’une
sécurité légale que sur un épanouissement
basé sur leurs compétences et leur capacité d’innovation.
Avec plus d’individus entreprenants, la concurrence augmente, les « grands
intérêts » se voient menacés par des groupes
plus petits. La quête de l’efficience devient ainsi la
règle pour tous, petits et grands.
Dans une
économie réformée, devenue plus souple et dynamique, les
richesses ainsi libérées se diffuseront plus rapidement et plus
largement. Avec plus de richesses, la dette peut être payée ou
alors si elle est répudiée, l’économie peut
repartir sur des bases plus solides. Une économie plus dynamique et
riche peut renégocier ses obligations plus facilement. Un État
qui ose ce type de réformes, rend l’économie du pays plus
productives sur les plans qualitatifs et quantitatifs et devient alors un
État qui n’a plus besoin de financer ses déficits car le
budget est en équilibre. La question de la nationalisation des banques
et de la monétisation des déficits ne se pose même plus.
Osons le vrai
changement, celui d’une économie interventionniste et immobile
vers celui d’une économie flexible et dynamique. Le problème
de la dette pourra ensuite être traité de façon durable.
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