La Russie se débarrasse activement du dollar tout en augmentant ses
réserves d’or. Vladimir Poutine vient de signer une loi annulant la TVA de
20% sur l’achat d’or par les personnes physiques.
Quelles sont les perspectives de la nouvelle loi signée par le
Président russe qui annule la TVA de 20% sur l’achat d’or?
L’or n’est plus taxé
Selon la nouvelle loi, les opérations concernant de dépôt de métaux
précieux des personnes non seulement morales, mais aussi physiques, sont
désormais libérées de la TVA de 20%. Il s’agit précisément ici des lingots
d’or.
Contrairement aux dépôts en métaux génériques (dans ce cas, la TVA n’est
prélevée que lors du retrait physique des lingots), l’achat de lingots
prévoyait le versement d’une TVA de 20%. Cet impôt nivelait dans les faits
toute utilité des investissements dans l’or physique et torpillait son attractivité
du point de vue des investisseurs.
«La TVA sur les opérations liées aux métaux physiques signifiait que la
différence entre les prix de vente et d’achat était d’au moins 20%, explique
Alexeï Zaïtsev, vice-président de la banque Otkrytie et chef du département
des opérations avec les actifs commerciaux et les produits de refinancement.
Ainsi, l’investisseur éventuel perdait ces 20% en Russie, même si le cours de
l’or sur le marché international restait inchangé. C’est pourquoi il était
absolument irraisonnable d’acheter de l’or afin d’épargner, sans parler d’en
tirer un rendement».
Le ministère des Finances, informé depuis longtemps de cette asymétrie du
marché, a décidé de la corriger. La levée de la TVA constitue un soutien
sérieux à l’industrie de l’or de la Russie, qui est le troisième producteur
mondial de ce métal après la Chine et l’Australie. Les entreprises russes
n’ont pas le droit d’exporter l’or pur et dépendent presque entièrement de la
banque centrale, ainsi que d’autres banques majeures qui assurent jusqu’à 80%
de la demande. Selon les analystes, le marché devrait désormais croître de
10% grâce aux personnes physiques.
Les prix de l’or en hausse
Selon les auteurs de l’initiative, les Russes devraient acheter
annuellement 50 tonnes d’or en lingots contre 3 ou 4 tonnes aujourd’hui. Qui
plus est, le pays a besoin d’un outil d’épargne alternatif au dollar et
l’or pourrait bien jouer ce rôle, assurent les législateurs.
Mais qu’en est-il de la rentabilité de l’or? C’est une question compliquée.
Comme n’importe quel autre outil financier, l’or peut être volatil. Il a
notamment subi toute une série de chutes depuis 2013. Ainsi, son cours a
baissé de 1.260 dollars à 1.170 dollars l’once l’été dernier et de 1.324
dollars à 1.285 dollars l’once au début du printemps 2019. En même temps, on
a constaté en juin dernier un véritable rallye: le prix de l’once a augmenté
de 1.280 dollars l’once à plus de 1.400 dollars, battant le record depuis six
ans. Aujourd’hui, le cours de l’or se chiffre à 1.419 dollars l’once à la
bourse de Londres.
Les experts font remarquer que l’augmentation des prix reflète l’état de
l’économie.
«Quand le marché se ranime, les métaux précieux perdent de leur valeur,
tandis que la demande en métaux industriels augmente. Mais dans un contexte
de ralentissement le cours de l’or grimpe, ce que nous constatons
aujourd’hui», explique Alexeï Kalatchev, analyste du groupe Finam.
Une demande croissante
Dans tous les cas, indépendamment de la force des phénomènes de crise,
les achats d’or dans le monde ne cessent de croître, ce qui indique
que les prix vont continuer de grimper.
«Le rendement réel – proche de zéro – des titres en dollars augmentera
l’intérêt pour l’or, estiment les experts de Goldman Sachs. Le mouvement du
taux de la Fed vers le négatif se soldera certainement par une hausse des
prix de l’or». Selon le groupe britannique Standard Chartered, le cours de
l’or pourrait atteindre 1.450 dollars l’once d’ici le quatrième trimestre de
l’année. La société de conseil Metal Focus indique que l’appétit des
bijoutiers élèvera la demande mondiale à un niveau record depuis quatre
ans.
Alexeï Viazovski, vice-président de Zolotoï monetnyi dom, estime que le
prix de l’once pourrait atteindre 1.800 dollars à moyen terme, c’est-à-dire d’ici
quelques années.
«En ce qui concerne les prix en roubles, ils augmentent quand la monnaie
russe perd de sa valeur par rapport au dollar. C’est pourquoi, si le rouble
continuait de se dévaluer par rapport à la devise américaine – ce qui devrait
avoir lieu à moyen terme – le prix de l’or en Russie augmenterait plus
rapidement que dans le reste du monde à cause de la réévaluation monétaire»,
explique-t-il.
Un actif anticrise
Il faut bien comprendre que l’achat d’or – contrairement aux contrats à
terme en bourse – n’est pas un actif spéculatif mais plutôt un outil défensif
anticrise permettant de mieux protéger l’épargne. Les dépôts en métaux
génériques sont plus propices aux spéculations.
«Si vous apportez un lingot pour le vendre à la banque – il est possible
d’en stocker non seulement dans un coffre-fort à la banque, mais aussi à la
maison – la banque doit évidemment inspecter ce lingot pour vérifier s’il
s’agit du même or et s’il n’y a pas de problèmes. Cela exige naturellement
des dépenses supplémentaires, que la banque inclut déjà au prix. Les
opérations génériques permettent de se passer de ces frais», explique Alexeï
Zaïtsev.
«L’or offre la possibilité de diversifier et de protéger l’épargne en
respectant le principe-clé des investissements: ne pas mettre tous ses œufs
dans le même panier. Les bijoux sont absolument inconvenables: c’est une
option pour la situation la plus critique, quand il faudra dans tous les cas
les vendre plusieurs fois moins chez par rapport au prix d’achat», ajoute
Andreï Kalatchev.
Autrement dit, les investissements dans les lingots d’or sont un jeu à
long terme. Du point de vue de l’accumulation de l’épargne, les experts
conseillent d’envisager une durée d’au moins cinq ans. En ce qui concerne les
volumes d’achat, une banque peut vendre à un individu n’importe quel volume,
ne serait-ce que 50 grammes. Tout dépend de l’épaisseur du porte-monnaie.
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