Le Conseil d’orientation des retraites (COR) a publié le
19 décembre 2012 son 11ème rapport. Celui-ci
dresse un état des lieux de notre système de retraite et effectue
différentes projections sur ses besoins de financement jusqu’à
l’horizon 2060. Il devrait également servir de base de
discussion entre les partenaires sociaux dès début 2013.
C’est l’occasion de faire un point sur les
différents modes de fonctionnement des systèmes de retraite qui
peuvent exister et de voir quels pourraient être les compléments
ou les alternatives au modèle français qui semble à bout
de souffle. Évidemment, ces systèmes ne s’excluent pas
l’un l’autre, c’est-à-dire qu’ils peuvent
coexister et s’additionner dans un même pays.
Les systèmes de retraite peuvent d’abord se
décomposer en deux grandes familles : il s’agit de la
répartition et de la capitalisation.
Dans un système de retraite par répartition, les actifs payent des cotisations qui sont
redistribuées aux retraités sous forme de prestations. Par son
fonctionnement, la retraite par répartition peut donc être
considérée comme un système pyramidal de type Ponzi-Madoff. Le cotisant d’aujourd’hui
n’a aucun droit réel et dépend entièrement des générations
futures et de leur capacité à payer.
À l’inverse, la retraite par capitalisation consiste en un placement de l’épargne
du cotisant dans des fonds investis sur le long terme, ce qui est
d’ailleurs très bénéfique pour l’économie.
Les fonds placés peuvent rester propriété des
déposants ou être collectivisés. Ils sont investis dans
différentes classes d’actifs comme les actions, les obligations,
l’immobiliers, les matières premières (par exemple
l’or) etc.
La retraite, qu’elle soit par répartition ou par
capitalisation, peut être à cotisation
définie ou à prestation définie.
Un régime à cotisation
définie est par nature équilibré : les
pensionnés se partagent les cotisations des actifs. Dans un
système par répartition, les retraités se partagent les
cotisations annuelles. Dans un système par capitalisation, ils sont
rémunérés par des fonds alimentés des cotisations
de l’année en cours et des années antérieures.
Dans un régime à prestations
définies, les cotisants acquièrent des droits à des prestations
qui leur sont versées indépendamment de
l’équilibre financier du régime, le déficit
étant le plus souvent comblé par le budget étatique ou
par la dette sociale.
Le régime français de retraites actuel est un
système par répartition à prestations définies. Des
sociétés de secours mutuels furent développées en
France dès le début du 19ème siècle
pour protéger les ouvriers, mais la réglementation
contraignante a longtemps entravé le développement de ces
dernières qui finissent par voir leurs fonds siphonnés par le
régime de Vichy. La répartition est en effet instaurée
le 15 mars 1941 par René Belin, ministre du Travail de Pétain
et intègre la Sécurité sociale en 1945. Les
dépenses de retraites sont croissantes depuis de nombreuses années,
même si le COR pronostique une stabilisation et même une
légère régression à moyen-long terme.
Frédéric Bastiat avait averti en son temps des dangers
d’une mutualisation excessive associée à une
déresponsabilisation croissante [1] :
« J'ai
vu surgir spontanément des sociétés de secours mutuel,
il y a plus de vingt-cinq ans, parmi les ouvriers et les artisans les plus
dénués, dans les villages les plus pauvres du
département des Landes [...] Dans toutes les localités
où elles existent, elles ont fait un bien immense [...]
Leur
écueil naturel est dans le déplacement de la
Responsabilité. Ce n'est jamais sans créer pour l'avenir de
grands dangers et de grandes difficultés qu'on soustrait l'individu
aux conséquences de ses propres actes. »
Le système déresponsabilisant de la répartition
associé à son fonctionnement par prestations définies a inévitablement
abouti à un déséquilibre financier. Les
difficultés de gestion du système ont été accentuées
par la multiplicité des régimes existants, chacun tirant la
couverture à soi et essayant de faire porter les efforts financiers
sur les autres. Les dernières simulations du COR ont ainsi pris en
compte 33 des principaux régimes de retraite obligatoires (de base et complémentaires) :
Un rééquilibrage du système peut se
réaliser en jouant sur trois paramètres. On peut d’abord allonger
la durée de cotisation (reculer l’âge de départ
à la retraite), ce qui permet à la fois d’augmenter le
volume de cotisations et de diminuer la masse des pensions. On peut ensuite accroître
les versements de cotisations en augmentant le taux de cotisation. Enfin, une
diminution des pensions versées peut s’effectuer en limitant ou
gelant les revalorisations des retraites. Évidemment, il existe une
quatrième piste qui consiste à ne pas avoir un système
équilibré, et donc à devoir recourir à
l’impôt et à la dette pour verser les retraites. Mais il
est difficile de déterminer précisément l’ampleur
de cette subvention publique dans la mesure où les
déséquilibres des retraites des agents de l’État peuvent
être compensés par une augmentation de la cotisation employeur,
ce dernier étant …l’État.
Pour assurer sa pérennité, le système
français a besoin de trouver un équilibre financier, ce qui
nécessitera des réformes courageuses. Il faudra notamment
introduire, le plus tôt possible, la retraite individuelle par
capitalisation et remettre à plat le système par
répartition. S’inspirant du modèle suédois, il
devra être transformé en un système unique par points,
fusionnant tous les régimes, et à cotisations définies.
[1] Les Harmonies
Économiques - 1850
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