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En quelques
semaines, les économies occidentales ont affiché, malgré
elles, toute l’ampleur de leurs faiblesses. Dans la
précipitation, les dirigeants européens et américains
doivent courir après leur dette afin d’en stopper
l’hémorragie.
L’Histoire
dresse parfois de saisissants contrastes. Il y a à peine un
siècle, le monde occidental était au sommet de sa gloire. En
1911, Les menaces de la première guerre mondiale étaient encore
loin. C’était le temps insouciant de la Belle Epoque. Cent ans
plus tard, en 2011, l’ordre du monde s’est inversé. Les
puissances d’antan se sont affaiblies et les pays émergents
se ruent avec aplomb à la conquête d’un millénaire
qui sera le leur.
Symbole de cet
affaiblissement, les Etats-Unis, première puissance économique
du monde, ont perdu leur précieux AAA pour la première fois de
leur histoire, le 5 août 2011. Une dégradation qui fait suite au
douloureux débat sur le relèvement du plafond de la dette qui a
mis à jour un clivage
profond au sein de la société étasunienne. A
Londres, la sauvagerie a régné en maître dans les rues
pendant plusieurs jours, début août, et le pouvoir britannique
s’est révélé impuissant face aux émeutiers.
La scène n’est guère plus réjouissante sur le
continent européen. De vieilles démocraties, affaiblies
moralement et économiquement, se débattent dans la
mélasse où les ont entrainées des décennies de
dépenses et de gaspillages. Et pour parachever ce tableau, les bourses
occidentales n’en finissent pas de dégringoler. Envolés,
les 4000 points du CAC40. Le 11 août dernier, le marché parisien
luttait pour ne pas tomber sous la barre des 3000.
Dans le reste
du monde, on observe. Mais déjà, l’admiration
d’antan a cédé la place à une forme de
défiance. Le chef du gouvernement brésilien Gleisi Hoffmann ne déclarait-il
pas, lundi 8 août, que les dirigeants européens et
américains ne sont « pas
à la hauteur » pour faire face à la crise de la
dette ? Loin de ces difficultés, les pays émergents continuent à afficher des
bons chiffres de croissance : 9,5%
en Chine, 8,6% en Inde selon les dernières prévisions. En
comparaison, le 12 août dernier, les chiffres de la croissance
française tombaient : 0% au deuxième trimestre 2011.
Bien sûr, ces chiffres ne décrivent pas tous les aspects
d’une économie, mais ils décrivent une tendance où
le potentiel de développement économique est en train de
changer de camp.
Chez les occidentaux, on cherche les coupables
d’un tel retournement. En 2008, les responsables étaient tout
désignés : les marchés, les hedge funds,
les financiers, les banques. Ils constituaient des boucs émissaires
aussi commodes qu’anonymes. Mais à la lumière de la crise
de 2011, la cupidité des marchés ne suffit plus à
comprendre les fondements des bouleversements qui affectent nos
économies. La tempête que traverse le monde occidental
n’est pas de nature financière, elle est de nature politique,
liée à une crise
des déficits. On a longtemps voulu croire que les Etats
répondaient à des règles économiques
différentes de celles des autres acteurs et que la course à
l’endettement était finalement soutenable. Il n’en est
rien.
Bien sûr, l’on peut accuser les
marchés ou les agences de notation de tous les maux. Ils ne sont
certes pas exempts de reproches. Loin s’en faut. Mais à jeter
sur eux une bile vengeresse, nous accablons le praticien qui
révèle les symptômes du malade. Nous devrions
plutôt tirer les enseignements de leur verdict et procéder au
plus vite à la réduction de nos déficits publics.
Toutefois, la simple diminution des dépenses des vieux Etats
providence ne sera sans doute pas suffisante.
C’est vers un nouveau paradigme qu’il
faut s’acheminer, vers une société où l’Etat
fera moins, mais mieux. A ce titre, le projet de « Big
society » de David Cameron
ne manque pas d’intérêt et vise, notamment, à
déléguer un certain nombre de services sociaux à des
associations de terrain. Reste à savoir comment le mettre en
œuvre dans de bonnes conditions. Pour le moment, la politique du premier
ministre britannique n’a pas encore donné ses fruits. Mais
substituer la société civile à l’action de
l’Etat, voilà une idée innovante qui mériterait
que l’on s’y attarde.
Benoit Toussaint
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