La
prochaine étape du « risque moral »
Le coût du transport de conteneurs
depuis la Chine jusqu’aux ports du monde entier sont aujourd’hui au plus bas.
A mesure que les transporteurs rencontrent des difficultés, et souffrent d’une
demande en déclin et de la sur-disponibilité de navires porte-conteneurs, ils
se mènent une guerre des prix accélérée aux conséquences absurdes.
Voici ce que nous en dit Drewry, cabinet de conseil et de recherche maritime :
Selon l’actualité récente, et
les anecdotes que nous avons pu entendre, certains transporteurs proposent
des taux de fret à zéro dollar sur certaines lignes asiatiques. Il est
difficile de savoir s’il s’agit de cas isolés ou si la situation se
généralise, mais il ne fait aucun doute que les taux soient aujourd’hui très
proches de leurs records à la baisse de 2009.
Le World Container Index, qui
mesure les taux de fret de onze routes globales qui relient l’Asie à l’Europe
et aux Etats-Unis, ont plongé la semaine dernière pour atteindre 666 dollars
par conteneur de quarante pieds, soit 73% de moins qu’à la mi-2012.
Le China Containerized Freight
Index (CCFI) nous dresse un portrait similaire de la situation. Cet
indice suit les taux contractuels et au comptant depuis la Chine jusqu’à
quatorze régions du monde. Il a récemment perdu 1,6% pour atteindre 659,19,
son niveau historique le plus bas.
Il a perdu 39% depuis le mois de
février de l’année dernière, et 34% depuis sa mise en place en 1998, date à
laquelle il a été fixé à 1.000.
Pour le moment, les exportateurs
et leurs consommateurs se réjouissent. Mais l’effondrement des taux de fret –
jusqu’à zéro dans certains cas – a de lourdes conséquences pour l’industrie.
Le risque de banqueroutes – qui auraient
l’effet secondaire de multiplier le nombre de cargaisons immobilisées –
augmente selon Drewry « à mesure que diminue la rémunération offerte par
les taux, et certains transporteurs pourraient annuler certaines dessertes pour
éviter ce genre de problème ».
En 2009, quand les opérations de
transport ont failli être suspendues, la survie des transporteurs a dépendu
de l’argent des autres :
Les
transporteurs ont l’habitude de se confronter au risque de banqueroute. En
2009, alors que leur situation était plus précaire encore qu’elle ne l’est
aujourd’hui, ils ont trouvé le moyen de survivre en faisant appel au soutien
financier de leurs actionnaires, des gouvernements et de nouveaux
investisseurs. Des contrats ont été signés avec des banques et des chantiers
de construction navale afin de limiter les pertes, et de nombreux actifs ont
été vendus pour rééquilibrer les bilans.
Mais c’était pendant la crise.
Et la situation a débouché sur une reprise des volumes de transport et des
taux de fret, qui n’ont pas tardé à atteindre de nouveaux records. Aujourd’hui,
nous ne sommes pas officiellement en crise. La Fed n’a émis aucun plan de
sauvetage. L’économie du monde n’a pas été immobilisée, et il n’y aura pas de
reprise. Le processus sera long et épuisant.
Mais les premiers plans de
refinancement nationaux sont déjà discutés :
Bien que l’industrie n’ait dans
son ensemble pas atteint le même précipice qu’en 2009, certains transporteurs
individuels y parviennent bien plus rapidement que d’autres. Le cas le plus
évident est celui de la ligne sud-coréenne Hyundai Merchant Marine (HMM).
Le 17 mars, les actionnaires ont
rejeté la proposition de rééchelonnement de la dette d’HMM, et aucun accord n’a
pour le moment été atteint qui permettrait aux propriétaires de navires de
réduire leurs taux d’affrètements en échange de titres. Le lendemain, la
directrice d’HMM, Hyun Jeong-Eun, a fait une invitation de rachat à Hyundai
Motors, dirigée par Chung Mong-Koo, qui avait précédemment cherché à
contrôler HMM. Son offre a été rejetée, ce qui suggère que le soutien du gouvernement
pourrait être son dernier espoir.
Le gouvernement coréen met déjà
en place un fonds d’1,2 milliard de dollars pour refinancer HMM et Hanjin (l’un
des plus gros transporteurs du monde en termes de capacité). La banque
publique Korea Development Bank devrait également débloquer des fonds :
elle a accepté le 29 mars d’offrir à HMM une extension de trois mois sur le
principal et les intérêts de sa dette.
« Ce qu’il y a de plus
important, c’est la possibilité pour chaque société de survivre, » a
expliqué le Ministre des océans et de la pêche, Kim Toung-suk, lors d’une
interview avec The Korean
Economic Daily le 10 mars dernier.
Les sociétés devraient
préférablement pouvoir survivre en tant que compagnies indépendantes. « Si
elles fusionnaient ou étaient vendues à une société tierce, elles seraient
déliées de leurs alliances globales… ce qui représenterait de lourdes pertes
pour l’industrie des transports coréenne ».
Alors elles seront refinancées.
Les contribuables coréens et quelques créditeurs devront en payer les frais.
Parce que les transports maritimes ne sont pas un marché « libre ».
Et les gouvernements du monde s’attendent déjà à ce que Shanghai force ses
contribuables à soutenir ses sociétés de fret.
Les transporteurs ont mis à l’arrêt
1 million d’EVP (conteneurs de vingt pieds), mais ont également mis en
service de nouveaux navires, dont certains ont une capacité de 19.000 EVP.
Dans l’ensemble, la capacité de l’industrie continue de croître.
Mettre des navires à l’arrêt pour
de longues périodes avant de les remettre en service coûte très cher, comme l’explique
Drewry : « une facture reçue pour un navire de 10.000 EVP amarré
pour six mois (arrêt des systèmes opération et rapatriement de l’équipage
inclus) s’est affichée juste en-dessous d’un million de dollars ».
Une hausse des taux de fret
devrait un jour venir compenser ces coûts. Mais compte tenu du statut actuel
de l’industrie et de l’économie globale, ces paris sont risqués. Jusqu’à
présent, aucun n’a eu les effets attendus. Voici ce que nous en dit Drewry :
Des taux de fret à zéro dollar
impliquent un manque de respect de ces sociétés pour leurs propres services
et une arrogance qui laisse supposer que, si le pire venait à arriver, elles
seraient de toute façon refinancées.
Voilà quelle sera la prochaine
étape du risque moral né aux Etats-Unis, qui s’est répandu tout autour du
monde avec la crise financière.
Mais ce n’était pas là le
scénario attendu. Lisez ceci… World
Trade Collapses in Dollars, Languishes in Volume