À la Mairie de Paris, en plus d’une Tour Eiffel qui s’allume et s’éteint à un rythme de plus en plus vif au point de virer stroboscopique, si on n’a pas de pétrole, on a tout de même plein d’idées… Surtout des idées de taxes, comme il se doit dans une mairie socialiste.
Vous me direz qu’après tout, il faut bien trouver un moyen de financer les prochains Jeux Olympiques que l’équipe d’Anne Hidalgo est parvenue à décrocher de haute lutte, la capitale française étant seule en lice pour 2024. Certes oui, j’ai bien lu ici ou là, sous la plume facétieusement cynique (ou complètement naïve) de l’un ou l’autre chroniqueur adoubé par le pouvoir que cette fois-ci, c’est sûr, ces J.O. dégageront un excédent budgétaire et que rien ne sera laissé au hasard. Et si le lait et le miel ne couleront pas en flots continus, on n’en sera pas loin grâce à de savants dosages de sponsoring privé, d’aides d’États et de petites ponctions forcément indolores sur des portefeuilles dodus de contribuables heureux (très, très, beaucoup) de voir d’indispensables sportifs en lycra jaune moulant se dandiner sur les bords de Seine. Certes.
Mais quand bien même : il faudra tout de même trouver quelques millions pour financer la création d’une nouvelle délégation au sein de la ville de Paris, destinée à s’occuper de ces jeux. À raison, certains élus – comme le centriste Éric Azière – s’étonnent de cette nouveauté coûteuse :
« Créer 23 postes pour les JO alors qu’il existe déjà un comité d’organisation des Jeux olympiques, est-ce bien rationnel ? »
… Et ce, alors qu’existent déjà deux pôles, comptant 13 personnes, chargés respectivement de suivre la candidature de Paris aux J.O. et des grands événements.
Peu importe, semble insister l’Anne de Paris qui tient décidément beaucoup à claquer un maximum d’argent gratuit des autres mis à sa disposition. Quant au problème de financement, je l’ai dit, il n’en est pas vraiment un puisqu’à chaque trou budgétaire correspond (comme on l’a vu récemment avec les palpitants épisodes de la série « Les Gros Sous de Bercy ») une nouvelle taxe.
Or, question taxation arbitraire, les occasions ne manquent pas puisqu’il suffira par exemple de taper sur les vilains nouveaux concurrents du Vélib pour régler deux problèmes d’un coup : d’une part, celui de trouver des sous pour les poches percées de nos élus, et d’autre part, celui de casser les jambes de tout concurrent potentiel aux rentes de situation politiques.
Avec l’apparition récente de vélos en libre-service, hors de toute borne encombrante, la mairie tient en effet une occasion en or qu’il suffira d’exploiter en laissant parler la fibre la plus corporatiste et la plus connivente de nos élus : à l’instar d’Uber qui, par l’utilisation intelligente des services de géolocalisation des téléphones mobiles, avait révolutionné l’usage du taxi, de nouvelles sociétés se sont lancées dans l’exploitation de vélos en flotte libre, en concurrence directe et frontale des Vélibs, ces tanks bicycles que la Mairie de Paris essaye de faire passer pour des « petites reines » depuis plusieurs années.
Ces entreprises comme GooBee.bike, oBike, Indigo Weel, Ofo ont ainsi développé des vélos en partage libre qui peuvent être loués avec un téléphone mobile. Au contraire des Vélibs, il s’agit de vélos sans bornes, bien plus maniables et dont le fonctionnement ne repose pas a priori sur une subvention publique, ce qui fait autant d’atouts pour concurrencer les gros biclous de la Mairie, et autant de bonnes raisons pour leur jeter des bâtons dans les roues, ce que n’a pas manqué de faire Christophe Najdovski, adjoint de la Mairie en charge des transports et de l’espace public qui souhaite encadrer ce marché en plein essor.
Par « encadrer », lisez bien évidemment « taxer » au travers d’une « redevance pour occupation commerciale de l’espace public » (redevance que tristement, aucun de nos élus ne paye, même si, question encombrement d’espace public, ils se posent un peu trop là sans plus pouvoir en être expulsé).
Bien sûr, tomber ainsi à bras raccourcis et la taxe à la main sur de nouvelles entreprises tentant de commercer à Paris, ce serait prendre le risque de déclencher des petits mouvements d’urticaire dans une population qui attend avec une ferveur quasi-religieuse (et certainement syntonisée avec Gaïa) l’arrivée de ces nouveaux moyens de transports « doux », non polluants et respectueux des habitants et des petits oiseaux. Il faudra donc enrober cette taxe avec de savants prétextes, comme la lutte contre le « stationnement irrespectueux » et la gestion ou récupération des inévitables épaves que ces services vont engendrer. Enfin, on la renommera en « licence d’exploitation pour les opérateurs », et l’affaire sera dans le sac.
Tout le monde, ici, se fichera de savoir qu’a contrario, les Vélibs de quinze tonnes (mais qu’on retrouve jusqu’à Bamako) n’ont pas cette licence à payer, quand bien même leur coût final draine au bas mot 16 millions d’euros dans les finances municipales. Tout le monde se fichera de comprendre que là où Vélib creuse ses pertes, ces entreprises pourraient faire du bénéfice sans que l’argent du contribuable soit cramé en pure perte.
Tout le monde s’en fichera parce qu’Anne et son équipe l’ont décidé : la concurrence avec sa conséquence de prix bas et de services de qualité à portée de tous, c’est un truc bien trop dangereux pour qu’elle soit laissée sans le moindre encadrement (lisez « taxation »).
Pourtant, question vélos, ce n’est pas la place qui manque à Paris pour les faire trottiner, d’autant plus que des efforts colossaux ont été consentis pour leur laisser de longues pistes… vides, par exemple sur les berges. Au point d’ailleurs que les premiers bilans sont plutôt catastrophiques : la fermeture de cet axe a entraîné d’importants reports de circulation et les inévitables bouchons autour et dans la Capitale, au point de rendre l’air parisien notoirement moins respirable dans un effet de bord diamétralement opposé à celui recherché.
Parions en tout cas que cette lumineuse idée de vexation taxatoire des nouveaux vélos parisiens concurrents du Vélib aidera fortement la capitale à retrouver un air plus pur et à démocratiser l’usage du camion, celui de déménagement pour aller vivre ailleurs.