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Leur logique et la nôtre

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Published : October 31st, 2011
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Plus la dette nous submerge, moins l’on sait quoi faire d’elle ! Ce qui devrait inciter à se poser deux questions toutes simples et liées entre elles : pourquoi a-t-elle pris cette ampleur et comment peut-on s’en débarrasser, puisque l’on ne parvient pas à la rembourser ?


Une remarque préliminaire s’impose : dette publique et dette privée sont tellement enchevêtrées qu’elles devraient être prises en compte sans les distinguer. Montrer du doigt la première et escamoter la seconde, c’est désigner une victime sacrificielle, afin de présenter comme inévitable une rigueur budgétaire destinée à restreindre prioritairement les prestations de l’Etat providence et ses domaines d’intervention, ainsi que de pratiquer des réformes structurelles.


Mais si l’on considère la seule dette publique, d’où provient donc son déséquilibre budgétaire qui n’a fait que s’accentuer au fil des trente dernières années ? Une fois pris en compte l’impact important sur les dépenses que les plans de relance engagés depuis le début de la crise ont représentés, on peut estimer celui des mécanismes fiscaux très orientés qui ont été à l’origine de la baisse des recettes publiques. Doit également être ajoutée à la dette sa charge financière, qui croît au fil de son refinancement. Tout ceci soustrait, la vision que l’on peut avoir de la dette en sort changée. La présentation qui est aujourd’hui faite d’un Etat vivant au dessus de ses moyens est non seulement sommaire, elle est tendancieuse. D’où l’intérêt d’une analyse des causes de l’augmentation des déficits publics, afin de contester les fondements de remèdes présentés comme inévitables et d’en présenter d’autres.


Si le montant de la dette est connu, le coût de son remboursement ne l’est pas. Il ne se mesure pas uniquement en termes financiers mais aussi en coût social, une grandeur que l’on n’a pas l’habitude d’intégrer dans le calcul économique. Les plans de rigueur budgétaire qui se multiplient ont en commun de plonger progressivement dans la précarité des pans entiers de la société et d’accentuer sa polarisation. Ils induisent aussi un ralentissement de l’activité économique, qui diminue encore les recettes fiscales de l’Etat. Créant une spirale descendante qui annonce de longues années de récession et d’austérité.


Cette politique peut-elle aboutir ? Rien n’est moins sûr, si l’on considère la profondeur du trou qu’il faut combler et la nécessité de prêter assistance à des Etats qui ne peuvent plus rembourser leurs dettes, même en multipliant les mesures de rigueur budgétaire. Car leurs besoins financiers cumulés potentiels sont tels que l’Europe ne dispose pas des moyens d’assurer son propre sauvetage. Ce qui la conduit, comme on vient de le constater, à rechercher d’autres soutiens financiers.


Les mécanismes qui sont à l’étude ont un objectif en commun : soustraire des griffes du marché les Etats qui sont tombés dans le trou ainsi que ceux qui pourraient prochainement les y rejoindre. Leur accorder des taux préférentiels pour refinancer leur dette et étaler son remboursement afin d’éviter des défauts atteignant le système financier. Et ne pas renouveler de restructuration de dette. Sans en avoir les moyens, les Etats cherchent à jouer le rôle de prêteurs en dernier ressort, puisque celui-ci n’est plus dévolu que marginalement à leur banque centrale commune. Ne pouvant assumer leur propre risque, vu son ampleur, ils cherchent donc à le faire assumer par d’autres.


A ce sujet, José Manuel Barroso et Herman van Rompuy viennent de faire un appel du pied discret aux membres du G20 en leur adressant une lettre commune. « Nous allons mettre en oeuvre ces mesures de manière rigoureuse et en temps utile, et nous sommes certains qu’elles contribueront à une résolution rapide de la crise. Cependant, le fait que nous, Européens, remplissions notre rôle ne suffira pas à assurer une reprise mondiale et une croissance équilibrée. Il demeure nécessaire que l’ensemble des partenaires du G20 agissent de façon conjointe dans un esprit de responsabilité commune et en poursuivant un objectif commun ».


En effet, il s’agit de réunir quelque mille milliards d’euros pour abonder le principal fonds de sauvetage européen, si ce n’est plus, et les premiers contacts pris avec les dirigeants chinois montrent que cela ne va pas être une mince affaire. Tout le monde est donc sollicité pour mettre au pot, FMI compris, ce qui implique l’accord des Américains.


La vérité est triste à dire, et encore plus à admettre, mais la restructuration de la dette grecque, pour laquelle il a fallu s’y reprendre à deux fois, pourrait faire école. Le Portugal est un client sérieux pour en bénéficier et, l’élan pris, pourquoi s’arrêter là ? José Manuel Barroso vient de déclarer que la seconde décote grecque est « unique et exceptionnelle », mais Charles Dallara l’avait déjà affirmé lors de la négociation de la précédente ! Après tout, pourquoi certains pays bénéficieraient-ils d’une remise de peine et d’autres en seraient exclus ?


Il existe donc une autre logique que celle du refinancement hasardeux de la dette, qui a longtemps été niée avant d’être reconnue du bout des doigts. Certes, elle implique de reconstituer les fonds propres des banques au fur et à mesure qu’elle est engagée. Dans le cas de la nouvelle décote grecque, des fonds publics vont déjà devoir être mobilisés pour remettre à flot certaines banques, mais leur emploi va être limité car il pose immédiatement le délicat problème des conditions qui devraient les accompagner. Les banques ne veulent pas en entendre parler et les Etats ne peuvent plus en écarter le principe.


En poursuivant cette logique et en la généralisant, à quoi aboutirait-on ? A la création sur fonds publics de good banks récupérant les dépôts et les actifs sains des banques actuelles – qui deviendraient des bad banks – afin de laisser leurs actionnaires en tête à tête avec ce qui subsisterait de leurs actifs, dont les titres de la dette souveraine après décote. Ce serait la conséquence ultime d’une restructuration d’ensemble de la dette publique, en guise d’épilogue un juste transfert financier inverse…


L’argent reviendrait ainsi à l’endroit où il est nécessaire.





Billet rédigé par François Leclerc

 

 

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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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