Drieu Godefridi, Juriste et philosophe, dont j’ai
déjà présenté un ouvrage dans ces colonnes, récidive dans le registre
politiquement incorrect en s’attaquant à la dernière vache sacrée des
mouvements “progressistes” et féministes du monde entier: la théorie “du
genre”. Le titre de son tout dernier ouvrage, paru ce 1er mars aux éditions
Texquis, “De la violence de
genre à la négation du droit”.
avertissement: l’auteur est un ami. Ma lecture
peut donc être biaisée. Vous voilà prévenus.
D'une théorie hallucinante...
Cette théorie, initiée par une philosophe du nom de
Judith Butler, postule sur des bases scientifiquement très contestables qu’il
n’existe aucune différence physique entre hommes et femmes, que toutes les
différences observables sont un produit culturel d’une oppression d’un
modèle dominant phallocratique. Ainsi, le fait que la majorité des couples
soient hétérosexuels ne serait pas le fait d’un déterminant physiologique
mais de la domination du stéréotype hétérosexuel imposé aux enfants dès leur
plus jeune âge. Bref, la “normalité” n’existe pas, elle n’est que le produit
d’une “violence”, laquelle va se nicher jusque dans la langage: Butler voit
dans la domination du “il” l’une des preuves de cette oppression.
Pourquoi un auteur aussi sérieux que Drieu Godefridi prend-il du temps à
déconstruire, avec moult références scientifiques et culturelles solides, et
avec le brio intellectuel qu’on lui connaît, un tel tissu de sornettes ?
... A la perversion du droit pénal
Parce que, malheureusement, et c’est le coeur son ouvrage, lesdites
sornettes, croisées avec quelques concepts tout aussi contestables issus de
la psychanalyse, ont été traduites dans le droit (Espagnol et Français
d’abord, puis sans doute européen via une convention d’Istanbul de mai 2011)
de la façon la plus détestable qui soit, par la création du délit de
“violence psychologique”.
Alors qu’en droit pénal usuel, la tradition et le bon sens suggèrent que ne
peuvent être considérés comme des délits que des actions concrètement
définies, objectivement constatables, pour laquelle des preuves tangibles
peuvent être présentées, et le préjudice explicitement décrit. Le délit de
“violence psychologique” n’obéit pas à cette exigence absolue de précision
législative. Il réinstaure dans le droit pénal ce qui devrait en être la
négation absolue: l’arbitraire.
Pire encore, en noyant le concept de violence, bien réel lorsqu’il s’agit de
violences physiques, dans un sabir psycho-pipeautique, il tend à diluer la
véritable violence dans la fausse. Ainsi, depuis que l’Espagne a instauré le
délit de violence psychologique envers les femmes, mettant en place des
juridictions spécifiques qui ont traité plus de 150 000 dossiers en près de
10 ans, est il devenu bien plus difficile d’évaluer la part des véritables
violences physiques faites aux femmes, contre lesquelles point n’était besoin
d’ajouter de nouvelles lois, parmi tout ce que les théories de l’oppression
assimilent à de la “violence psychologique”. Ce concept peut certes parfois
recouvrir des “menaces” ou des “chantages” répréhensibles, contre lesquels
des lois existaient déjà, et qu'il faut à l'évidence punir. Mais il
peut aussi sanctionner la seule dégradation des rapports dans un couple, des
mots malheureux, voire même, si on en croit les psychiatres qui ont pondu ces
âneries, “des silences inappropriés”. L’appréciation du préjudice est ainsi
intégralement laissé à celles qui trouvent un intérêt à s’en déclarer
victimes, avec l’aide de psychanalystes, profession scientifiquement
sinistrée, qui a pondu tellement de concepts délirants qu’un
“livre noir” lui a été consacré.
La destruction des fondements du droit pénal par des absurdités sans nom
telles que la théorie du genre ouvre la porte à bien des abus, tant de la
part de femmes souhaitant nuire à un homme pour quelque raison que ce soit,
que de la part d’un état désireux de trouver un prétexte pour éliminer un
importun. Voilà pourquoi il est salutaire que des auteurs tels que Drieu
Godefridi osent s’y attaquer.
L’ouvrage est très riche de références, bien écrit. Certains passages sont un
peu ardus (la philosophie n’est pas toujours un champ très facile à
vulgariser) mais reste globalement accessible. Drieu Godefridi est à la fois
philosophe et juriste: son approche de la question de l’intrusion du “genre”
dans le droit est donc complète, sensée et cohérente, là où tant d’essais
philosophiques se perdent en abstrations intellectuellement masturbatoires,
et où trop d’ouvrages de commentaire juridiques oublient la nécessaire quête
de sens qui doit inspirer le droit. L’auteur n’oublie pas de donner un peu de
chair statistique à son propos en délivrant quelques chiffres utiles pour
mettre à mal l’argument des défenseurs de l’utilisation coercitive des
théories du genre. Bref, un ouvrage solide, cultivant et hautement
recommandable.
Réflexion personnelle après lecture
Le seul petit manque, à sa lecture, concerne un élargissement qui ne s’y
trouve pas, ou du moins si peu, juste effleuré en toute fin de conclusion, et
qui m'inspire la réflexion qui suit.
Le schéma chronologique évoqué par Drieu ne me semble pas être unique en
son... genre, ni même le premier. Je le retrouve dans maintes constructions
juridiques qui ont, au fil du temps, perverti ce que le “common sense” avait
par le passé traduit dans la “common law”.
Résumons ce schéma: des facteurs naturels ou historiques engendrent des
inégalités de résultat, et l’inégalité de résultat, pour certaines bonnes
âmes bien pensantes, c’est le mal absolu. Alors dans un premier temps, l’on va
nier les facteurs “de bon sens” qui conduisent à ces inégalités et bâtir un
corpus explicatif totalement bancal mais suffisamment bien enrobé pour faire
illusion. Cette théorie sera forcément fondée sur l’oppression, et servira
par la suite de justification à une intervention législative de l’état
redresseur de torts.
Si vous êtes blanc, homme, chrétien, hétérosexuel, de préférence de droite et
doté d’une bonne situation, voire, pire encore, propriétaire ou patron, alors
il y a de bonnes chances pour que cette construction vous place quoi qu’il
arrive en position d’oppresseur.
Vos "victimes" ? Femmes, mais aussi salariés, syndicalistes,
groupes ethnico-religieux, délinquants, locataires, allocataires sociaux,
etc... toute catégorie pouvant tirer parti d’une victimisation bien
orchestrée deviendra, par la grâce d’une construction théorique ad hoc, votre
victime, et la loi sera appliquée ou adaptée en conséquence. A vos dépens, et
au bonheur des hommes et femmes de l’état, qui trouveront là le moyen d’être
l’intermédiaire indispensable de la réparation des torts que la théorie
oppressive vous forcera à endosser.
La théorie du genre ? Un prétexte comme un autre pour accroître la sphère de
contrôle de l’état sur vos vies.