Il y a en France
plusieurs centaines de milliers de familles au logement très
précaire : amis secourables, squats, caravanes de rebut dans des
campings à l'année, voire même piles de pont creuses.
Juste au dessus, plusieurs millions de personnes
occupent des logements soit gravement vétustes, soit très
surpeuplés, voire les deux.
Toutes ces personnes sont insolvables aux conditions actuelles du
marché immobilier "officiel" et doivent donc se rabattre sur
les solutions "de fortune".
Une situation
paradoxale
Pourtant, dans le même temps, environ 450 à 500 000 logements
vacants (sur les 1,9 millions de logements vacants recensés) sont
habitables sans travaux lourds, situés dans des zones ou existe une demande,
mais ne sont pas loués.
Il y a donc
à la fois une pénurie de logements à prix accessible et
des propriétaires qui préfèrent garder une
immobilisation improductive. Pourquoi ?
Une accumulation de
handicaps sur le locatif
La première explication qui vient à l'esprit est que la chute
des rendements locatifs bruts, divisés par deux pendant les
années bulle, déplace les incitations de la location vers la
vente, pour les propriétaires concernés. Oui, mais ceux qui
laissent leur logement volontairement vacant ne vendent pas. Il y a donc
autre chose.
La seconde
justification est que la fiscalité dissuasive obère fortement
ces mêmes rendements locatifs : un brut faible devient un net
ridicule. Certes, mais pourquoi des propriétaires choisissent ils de
ne pas louer, vu qu'une partie des impôts sur la pierre est payable
même si le logement est vide, et que certaines villes ont
instauré, suite à une loi de 2003, une taxe sur les logements
vacants, "la taxe la plus fraudée de France" selon
Bercy ?
Il y a donc un autre
problème. Ce problème, c'est le "facteur de risque".
Si un bailleur tombe sur un locataire mauvais payeur, et si celui ci est suffisamment habile pour user et abuser de
toutes les voies de recours que la justice lui offre au titre de ses
"difficultés sociales", alors il lui faudra 18 à 24
mois pour récupérer son bien, souvent en mauvais état,
car les mauvais locataires sont rarement les plus respectueux de la
propriété d'autrui.
Un risque
réel de rentabilité négative
Si le bailleur
rencontre un tel problème, son rendement sera négatif :
son logement est invendable tant qu'il est mal occupé, il risque
d'avoir à faire de gros travaux, sans compter la tension nerveuse
qu'il faut supporter dans ce genre de situation.
Bien que ces
"incidents de location" ne touchent encore qu'une
"petite" partie du parc, 3%, la publicité autour des cas
difficiles et le fait qu'un nombre croissant de propriétaires aient
connu une difficulté de ce genre fait qu'environ 10% du parc locatif
privé potentiel est volontairement stérilisé par ses
propriétaires, qui préfèrent conserver leur logement
comme une réserve de valeur transmissible à ses enfants ou
vendable plus tard, si le besoin s'en fait sentir.
Solutions
gouvernementales : dirigistes et vouées à l'échec
Face à ce
gâchis, les solutions imaginées par les gouvernements successifs
sont épouvantablement mauvaises :
- Créer un droit au logement opposable : c'est une pure
malfaisance démagogique
- Réquisitionner les logements vacants : autant
décréter la fin de l'investissement locatif privé tout
de suite.
- Renforcer le contrôle des loyers : Ceux qui proposent cela sont
des démagogues de la pire espèce, le contrôle des loyers
est, avec les bombes incendiaires, le meilleur moyen de sinistrer
une ville.
On pourrait encore
citer le développement forcé du logement social, une garantie
publique sur le risque locatif, etc... Toutes ces propositions dirigistes
veulent traiter les symptômes du mal et sont vouées à
l'échec. C'est la racine des problèmes qu'il faut traiter.
Que faire ?
Le marché du
logement ne jouera pas efficacement son rôle tant que l'état le
fragmentera en plusieurs sous marchés artificiellement
séparés et mettra en chacun d'eux tant de barrières
législatives et fiscales qu'aucun ne pourra fonctionner correctement.
Pour revenir à un marché du logement sain en 5 ans, il faut,
dans cet ordre :
- Une loi de
libération foncière, faisant chuter les prix en
périphérie urbaine, et donc, par concurrence entre
périphérie et centres urbains, obligeant les prix en centre ville à revenir à plus de raison.
Par ricochet, les loyers devront également descendre, pour rester
compétitifs avec l'achat.
- Permettre aux
bailleurs de récupérer un logement en 60 jours maximum en cas
de non paiement de loyers, même en hiver,
comme au Canada. Ainsi, les propriétaires ne demanderont plus des
dossiers, des cautions et des garanties longues comme le bras. En cas de
souci financier, un ménage occupant un logement devenu trop cher pour
lui n'aura pas de difficulté à s'ajuster dans un logement plus
petit ou moins bien situé, en attendant que des jours plus fastes
reviennent. De fait, à Montréal, ou l'expulsion rapide est
appliquée sans états d'âme, elle est également
très rare, car les locataires s'adaptent facilement en cas de
difficultés. Expulser les mauvais payeurs n'est donc pas un acte
"indigne" ou "sans coeur", mais
au contraire un très grand service à rendre à ceux
qui sont aujourd'hui cantonnés dans des logement
précaires.
- Relâcher la
pression fiscale sur les revenus de l'épargne et sur le capital, et
donc sur les revenus de l'épargne-pierre. Le locatif, qui a vocation
à avoir des rentabilités brutes assez faibles, doit redevenir
un placement à rendement limité mais régulier et sans
risque majeur. Aujourd'hui, l'état en a fait un placement à
rendement très faible et à haut niveau de risque
perçu !
C'est en retrouvant
les chemins du respect du droit de propriété, qui a
fondé le développement de la civilisation occidentale pendant
des siècles, que les gouvernements résoudront la crise du
logement. Malheureusement, les solutions qu'ils préconisent vont
à l'opposé et ne ferons qu'accroître la détresse
des familles trop modestes pour bien se loger, et pas suffisamment habiles
pour profiter des dispositifs sociaux.
Vincent
Bénard
Article
originellement publié sur abcbourse.com
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