Ce qu’il y a de biens avec les interventions incessantes des politiciens
dans la vie des Français, c’est qu’on sait, avant même qu’ils commencent leurs
exactions, qu’elles aboutiront immanquablement à des effets impromptus et
généralement indésirables. Et c’est d’autant plus vrai lorsque leurs
agitations nerveuses se traduisent en textes de lois qui, une fois
appliquées, provoquent parfois l’hilarité et souvent des situations
regrettables.
Benoît Hamon n’est pas resté très longtemps ministre du gouvernement. On
se souvient qu’avant d’avoir réussi le pari (un peu fou et franchement
humoristique) d’être ministre de l’Éducation Nationale seulement pendant les
grandes vacances en 2014 (bien joué, Ben !), il avait été ministre
délégué à l’Économie sociale et solidaire et à la Consommation, charmant
maroquin fourre-tout qui autorisait à notre impétrant une assez franche
latitude pour pondre une loi qui, enfin, porterait son nom dans les livres
d’Histoire.
Le dogmatique ministre n’avait donc pas tardé à pondre un corpus
législatif roboratif destiné à – enfin ! – bouter les affreux producteurs
capitalistes irrespectueux et fraudeurs hors de France, et à fournir – enfin
! – d’importants moyens au consommateur, petit mammifère chétif toujours
malencontreusement placé entre le marteau pneumatique du capitalisme et
l’enclume impitoyable du marché. Moyennant quoi, on découvrait une Loi Consommation dont les principales
avancées législatives permettaient de résolument placer le consommateur
français dans le XXIème siècle social-démocrate, avec de pleines brouettées
de nouveaux droits, un gros barbouillage de déresponsabilisation et l’idée
des actions de groupe qui déboulait pour donner – enfin ! – aux groupes de
consommateurs spoliés une arme décisive contre les super-multinationales
surpuissantes aux services juridiques surarmés et aux pratiques surlouches.
L’entrée en vigueur de la loi, en mars 2014, aura donc marqué le début de
l’application de certains de ses aspects, avec le complément au premier
janvier 2015. À cette occasion, le gouvernement a bien évidemment communiqué
tout ce qu’il a pu pour bien rappeler aux consommateurs / citoyens /
électeurs l’importance de ces nouvelles avancées progressistes et a donc mis
à disposition des internautes compulsifs du clic un petit
site dédié, proposant une batterie de petites vidéos dont le graphisme,
les textes et le ton employé laissent penser qu’elles s’adressent à des
enfants de 6 à 12 ans… Ce qui n’est probablement pas faux, tant la loi
elle-même semble vouloir tout faire pour protéger l’adulescent
français des méchantes réalités du monde palpable, plein de meubles aux coins
pointus, d’aspérités imprévues et de clauses écrites en petit sur
d’interminables contrats qu’il faudrait avoir la folie de lire pour
comprendre.
Au passage, je vous encourage à cliquer, à votre prochaine pause, sur ces
palpitantes petites vidéos. On y apprend plein de choses sympathiques, et on
peut voir à quel point notre ministre et ses nombreux sbires se sont activés
pour à la fois mettre leurs petits doigts dans une quantité invraisemblable
d’endroits où on ne les attendait pas trop, et nous présenter le résultat de
leurs tripotages avec un brio coloré qui serait presque revigorant s’il ne
camouflait pas, de temps en temps, des abominations assez catastrophiques.
Par exemple, on se réjouira (peut-être) qu’une action de groupe soit
maintenant possible (à l’heure des bad buzz et des réseaux sociaux, elle peut
tout de même constituer une alternative intéressante à de longs procès qui
tiennent leurs coûts et leur pénibilité d’un engorgement déjà inquiétant et
que cette loi ne risque pas d’améliorer) ; on se réjouira moins
d’apprendre, au milieu de petits personnages aussi bigarrés que simplistes
s’agitant de façon un peu mécanique, que – toujours pour protéger le faible
consommateur – la DGCCRF pourra infliger des amendes à de méchants
commerçants fraudeurs sans plus s’embarrasser d’encombrantes procédures
judiciaires qui avaient le désavantage d’obliger les agents de cette noble
institution à respecter un cadre juridique contraignant et éviter de se
comporter comme des cow-boys (avec plus ou moins de bonheur, on le
reconnaîtra aisément) et de coûter une blinde au système. Alors qu’avec la
Loi Consommation, la distribution de prunes en mode accéléré va certainement
permettre de faire rentrer de l’argent dans des caisses bien vides. Y’a pas,
c’est win-win c’t’histoire.
Mais voilà, comme je l’expliquais en introduction, même dans la République
Démocratique du Bisounoursland, tout ne se passe pas toujours bien, et
rapidement des effets de bord apparaissent.
Ainsi, lorsqu’on chante avec emphase les joies de la souplesse
contractuelle retrouvée, cette loi permettant par exemple de rompre avec des
assurances du jour au lendemain après la première année passée, on comprend
bien que cette souplesse sera, en réalité, facturée d’une façon ou d’une
autre par les assurances qui doivent maintenant tenir compte d’un facteur
nouveau : un contrat qui venait d’être renouvelé tacitement signifiait
jusqu’alors qu’un client serait pris en compte pour une nouvelle année. Avec
la nouvelle loi, l’assureur n’aura plus aucune certitude concernant ce client
et devra donc factoriser ce risque dans la prime du contrat. Il y a fort à
parier que, comme bien souvent, cette liberté toute relative se traduise
concrètement par une hausse des tarifs.
Le plus intéressant ici est que ce qui est imaginable pour cet aspect de
la loi n’a pas tardé à se concrétiser pour un autre : depuis que les
tarifs de parking sont calculés au quart d’heure, et selon les relevés d’Auto
Plus repris dans cet article, ils ont assez sérieusement augmenté.
En effet, l’article 113.7 de la Loi Consommation prévoit que « tout
exploitant de parc de stationnement affecté à un usage public applique au
consommateur, pour les stationnements d’une durée inférieure à douze heures
et payés à la durée, une tarification par tranche de quinze minutes au
plus ». Manque de pot ou inconséquence juridique lourde, cette loi
ne prévoyait aucune contrainte de tarif (et c’est logique, l’économie
planifiée n’ayant officiellement plus cours en France et en Europe, suite –
probablement ? – à son succès retentissant). Oh, zut et flûte, certaines
communes en ont alors profité pour recalculer leurs tarifs de parking … à la
hausse ! Ici, au passage, notez qu’on parle autant de groupes immobiliers
spécialisés dans les parkings que de communes où ils sont situés, les uns
étant en contrat avec les autres et leur reversant un pourcentage rarement
négligeable qui viendra abonder aux caisses communales parfois stressées en
ces temps de disette et d’emprunts toxiques en franc suisse trop vigoureux…
Le consommateur va-t-il se regrouper pour utiliser, justement, les belles
possibilités de Class Action pour attaquer les méchants commerçants et les
gentilles communes qui se gavent ainsi au passage ? Ou mieux, ce même
consommateur, utilisant habilement les facilités d’une loi taillée pour lui,
va-t-il aller trouver la DGCCRF pour qu’elle envoie Super-Inspecteur péter
les rotules d’exploitants et de maires un peu trop gourmands ?
En tout cas, il est certain que cette nouvelle brassée de droits obtenus
par le consommateur sur le reste de la société recèle en elle une quantité
impressionnante d’opportunités juridiques croustillantes et d’effets
indésirables rigolos. Parions que les prochains mois nous fourniront d’autres
exemples.
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