Tranches de vie ordinaires en République Démocratique (et Populaire) Française, imaginées mais pas dénuées de réalité – Épisode 10 : « Manuel, son chien, ses valseuses »
Même si la France est un paradis, les méchants tentent parfois d’y faire entrer des substances vénéneuses. Heureusement, la maréchaussée veille, judicieusement armée qu’elle est d’outils puissants et efficaces tout autant que d’animaux précis et bien dressés, répondant au doigt et à l’œil.
C’est ce qu’a pu vérifier Manuel.
Manuel, c’est ce jeune élève infirmier qui pense maintenant qu’il y a des jours où l’on ferait mieux de rester chez soi, mais qui était un brin plus optimiste la semaine dernière. Revenant d’un week-end de camping entre amis, arrosé certes, mais avec modération et responsabilité, Manuel et ses amis se font contrôler en sortie de péage par un peloton de gendarmerie mobile. Les dernières quarante-huit heures ont été bien remplies, et si le triplet de copains est parfaitement sobre, il n’en est pas moins fatigué. C’est donc avec des mines défaites et des bouches pâteuses que nos protagonistes accueillent les gendarmes qui, notant leurs yeux rouges leur air fatigué, décident d’inspecter le véhicule. Après tout, peut-être les forces de l’ordre, qui en ont vu d’autres, pourront-elles lors du contrôle découvrir des choses intéressantes, voire … stupéfiantes.
Il ne faut qu’une poignée de minutes pour inspecter les papiers du véhicule et du conducteur, qui sont (malencontreusement ?) en règle. Pour la gendarmerie, repartir bredouille aussi vite serait un aveu d’échec. Les quatre jeunes sont donc rapidement sommés de sortir du véhicule. Le triplet s’exécute sans joie, le froid et la bruine s’ajoutant à la fatigue du weekend et du trajet et à l’ambiance somme toute morose de cette aire d’autoroute aussi ravissante qu’une robe de Nicole Bricq. À peine descendus, le brigadier en charge de l’opération leur explique par une phrase courte qu’ils vont subir une inspection en règle par Snoop, le berger allemand spécialement dressé pour ça, et dont la mission officielle est de leur renifler poliment les parties et l’arrière-train.
Dernière gamelle de croquettes mal digérée ? Mot « poliment » lu trop vite sur son ordre de mission ? Poupette, le berger allemand femelle de l’autre brigade cynophile, lui a refusé ses avances ? On ne sait pas, mais en tout cas, Snoop semble cette fois irrité, contrarié, voire agressif envers le petit trio matutinal.
Les craintes des jeunes sont rapidement balayées par un maître-chien qui a lui aussi peut-être mal digéré ses croquettes et se montre aussi agressif :
Je connais mon boulot et mon chien. Un peu de respect !
Certes, mais en attendant, Snoop ne montre aucune gentillesse envers Manuel. Déjà, lorsqu’il reniflait ses amis, il le fixait d’un air mauvais, sans que son maître n’y trouver à redire. Lorsque le tour de Manuel vient, ça ne loupe pas : le chien, déjà bien nerveux, décide de tenter de lui croquer une fesse. Les protestations de Manuel n’enlèvent rien à la sérénité auto-satisfaite du maître-chien, désormais convaincu que le jeune cache des stupéfiants dans son pantalon.
Sans hésiter plus, il avance à nouveau le chien, qui, cette fois, mord sévèrement les testicules de Manuel ; ce dernier hurle de douleur alors que ses amis, courageux mais pas téméraires, reculent vivement. Bien sûr, le chien est rappelé et placé en vitesse dans sa cage ; malgré l’incident, ce serait dommage de s’arrêter là et le chef du peloton sait que Snoop aime bien boulotter du fumeur de chichons, une fois de temps en temps. Il tente donc, malgré les cris de Manuel, de l’interroger, ce qui s’avèrera impossible alors que les protestations des jeunes se mêlent aux cris étouffés d’un Manuel recroquevillé en position fœtale. Devant cette scène, le brigadier comprend finalement que quelque chose ne tourne pas rond et se laisse convaincre que le contrôle pourra être remis à plus tard. En attendant, il faut transporter un Manuel désormais inconscient à l’hôpital.
L’équipe médicale qui prend Manuel en charge est tout d’abord étonnée par les explications goguenardes des gendarmes, toujours persuadés d’être tombés sur un trafiquant de drogue. Au bloc, les médecins s’agitent, mais rien n’y fait : si son pronostic vital n’est plus du tout engagé, le pronostic génital, lui, n’est pas franchement folichon. Il faudra plusieurs mois pour savoir si, finalement, il pourra retrouver ses capacités de devenir père. En attendant, une semaine d’arrêt de travail est prescrit au blessé. Ça lui suffira pour s’asseoir à nouveau, mais il lui faudra de toute façon plus longtemps pour ne pas être réveillé par la douleur à la moindre érection nocturne.
Avant que sa petite amie ne le quitte, prétendument à cause de son égoïsme et de sa peur des chiens récemment acquise, Manuel déposera plainte au commissariat pour violences volontaires :
Le chien m’a mordu délibérément !
Sauf qu’en France, on ne mélange pas les torchons des animaux avec les serviettes des forces de l’ordre. Sa plainte ne peut apparemment être reçue :
Au commissariat, on m’a dit que le maître-chien n’était pas responsable des actes de son chien. Si c’était un policier qui m’avait mordu directement, il se serait exposé à des sanctions disciplinaires.
Manuel est stupéfait. Son père ne comprend pas, d’ailleurs, comment on peut considérer qu’un propriétaire est responsable des actes de son chien, mais pas un maître-chien. Les gendarmes du peloton, eux, n’en démordent pas :
Le jeune avait forcément sur lui des produits stupéfiants, ce qui explique la réaction du chien.
Quoi qu’il en soit, les mois qui viennent guériront peut-être les blessures du jeune homme et diront si, finalement, Manuel en a ou pas.
Vous vous reconnaissez dans cette histoire ? Vous pensez qu’elle ressemble à des douzaines de cas relatés par la presse ? Vous lui trouvez une résonance particulière dans votre vie ? N’hésitez pas à en faire part dans les commentaires ci-dessous !
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