Elon Musk, le nouveau
génie de la Silicon Valley venu remplacer le défunt Steve Jobs, nous a
présenté en grande pompe la semaine dernière sa nouvelle batterie PowerWall,
et a ainsi joué un rôle dans la promotion et le soutien des espoirs
illusoires d’une nation incapable d’échapper aux griffes de la
techno-grandeur. L’illusion première est que nous puissions résoudre les
problèmes de notre société techno-industrielle au travers d’une technologie
meilleure et toujours plus répandue.
Musk, qui a passé les
premières années de sa vie en Afrique du Sud, où il est né, est mieux connu
pour avoir fondé Tesla Motors, le fabricant de voitures électriques
ultrasophistiquées. Les citoyens de la Silicon Valley jurent par la Tesla. Il
n’y a dans le nord de la Californie, où un épais brouillard d’illusions
enveloppe la voie vers l’avenir, pas de meilleur étalon de statut social. Tous
sont persuadés, comme le leur a lui-même déclaré Musk, que la Tesla ne « brûle
pas d’hydrocarbures ». Cette déclaration est bien évidemment absurde, et
Musk, diplômé de physique à l’université de Pennsylvanie, doit sans doute rougir
à l’idée d’avoir pu affirmer une chose pareille. Après tout, il est
nécessaire de la brancher quelque part sur le réseau électrique des
Etats-Unis pour pouvoir recharger ses batteries.
Seuls six pourcent de l’énergie
électrique des Etats-Unis proviennent d’une production hydraulique « propre ».
Le reste provient du charbon (48%) et du gaz naturel (21%), ou encore des
énergies « renouvelables » et du pétrole (ces énergies
renouvelables ne peuvent certainement pas être régénérées sans une économie d’énergie
fossile). Une majorité de l’énergie consommée aux Etats-Unis provient des
hydrocarbures. Et n’oublions pas le rôle joué par le nucléaire, qui est
souvent ignoré parce que les génies technologiques et les politiciens des
Etats-Unis n’ont aucune idée de la manière dont fermer les centrales
vieillissantes, ou de comment se débarrasser sans risque des inventaires de
barres de combustibles qui sont, et nous le savons, susceptibles de
contaminer la planète toute entière.
L’inauguration de PowerBall
a mis l’accent sur le caractère « abordable » de la batterie au
lithium, qui se vendra 3.500 dollars l’unité. L’individu moyen susceptible d’avoir
regardé la performance de Musk sur le web a certainement pu penser qu’il
pourrait l’utiliser pour alimenter toute sa maison en électricité. Musk a omis
quelques points. Comme par exemple les panneaux solaires nécessaires à l’alimentation
de cette batterie. Prévoyez de dépenser entre 25.000 et 40.000 dollars
supplémentaires pour vous en accaparer, selon qu’ils soient fabriqués en
Chine (mauvaise qualité) ou en Allemagne ou aux Etats-Unis (installation
laborieuse et coûteuse). Sachez également que vous aurez besoin d’un
contrôleur de charge et d’un onduleur pour contrôler les flux électriques et
convertir le courant direct (énergie solaire) en courant alternatif – comptez
donc encore 3.500 dollars supplémentaires. Le coût total de cette
installation est donc bien plus proche des 50.000 dollars.
Et que se passera-t-il
lorsque les panneaux solaires ou la batterie arrivent en fin de vie, disons
au bout de vingt-cinq ans, à une heure où l’énergie fossile se fera rare (ou
simplement les industries capables de nous en fournir à prix abordable) ?
Comment pourrez-vous obtenir des pièces de rechange ? D’ici là, nos
sorcier industriels auront certainement inventé un remède magique. Croyez-y
si vous voulez, mais n’oubliez pas de considérer que vous puissiez être déçu
de la manière dont tout ça tournera.
Ce qui me dépasse en ce
qui concerne les divers produits Tesla est qu’ils n’ont pour objectif que d’étendre
les rackets de la vie contemporaine, notamment notre dépendance à la
motorisation et au développement des banlieues. Notre dépendance à la
motorisation devrait s’achever sur un plan financier avant même que la
question de savoir avec quoi alimenter nos voitures ne devienne urgente. Le
principal problème économique auquel nous faisons face est la fin de la
croissance telle que nous la connaissons, la fin de la croissance qui génère
du capital réel et permet l’expansion des prêts bancaires. Nous avons aujourd’hui
de moins en moins de prêts, accordés à de moins en moins d’emprunteurs qualifiés.
Le gouvernement finira par ne plus pouvoir financer la réparation de la
hiérarchie élaborée d’autoroutes, de voies rapides et de routes sur
lesquelles les voitures se déplacent. Imaginez à quel point nos milliardaires
de la Silicon Valley pourraient souffrir s’ils avaient à conduire leur Tesla
P85D de 87.000 dollars sur une autoroute que l’Etat de Californie n’a plus
réparée depuis cinq ans.