Il semble bien que l’année 2016 sera celle où de nombreuses "théories du complot" s’avéreront être réelles : trucage des marchés de capitaux par les banques centrales, fraudes lors des élections politiques, manipulation de l’opinion publique par les médias… et maintenant, manipulation du marché de l’argent par les banques commerciales.
Pour faire court, ces paranoïaques qui vivent au sous-sol chez leurs parents avaient raison.
Il y a deux semaines, nous rapportions que l'action en justice contre les banques pour manipulation du prix de l’or allait se poursuivre. Cependant, une banque était exemptée : Deutsche Bank. En avril, Deutsche Bank avait accepté de régler la poursuite en recours collectif de juillet 2014 qui accusait un consortium de banques d’avoir comploté pour manipuler l’or et l’argent. Ci-dessous les accusations que la banque a refusé de contester :
- Allégations d’usage de dispositifs de manipulation
- Trucage d'offres et enrichissement illégitime
- Fixation des prix et restrictions illégales sur les transactions
- Allégations de manipulation des prix
- Allégations de complot et d’agent principal
L’affidavit de Vincent Briganti apporte la lumière sur le processus de règlement :
« Les négociations avec Deutsche Bank sur les conditions matérielles du règlement ont duré plusieurs mois, à partir de décembre 2015, jusqu’à l’exécution de l’accord de règlement, le 6 septembre 2016.
Après un premier contact téléphonique avec les conseillers juridiques de Deutsche Bank en décembre 2015, Lowey and Grant & Eisenhofer ont entamé de longues négociations avec eux au sujet des conditions matérielles de l’accord, incluant le montant de l'indemnité de règlement, l’étendue de la coopération à être fournie par la défenderesse, l’étendue des divulgations, ainsi que les circonstances sous lesquelles les parties auraient le droit de mettre fin au règlement.
Durant ces négociations, les avocats du recours ont présenté ce que nous avons perçu comme les forces et faiblesses des allégations et de la défense, aussi bien que l'exposition de Deutsche Bank aux risques de contentieux. En février, 2016, nous nous sommes entendus avec Deutsche Bank sur le montant du règlement, assujetti à la négociation d’autres modalités de l’accord. Par exemple, étant donné qu’il s’agit ici du premier règlement dans cette affaire, les dispositions en matière de coopération étaient extrêmement importantes, afin de nous permettre de maximiser les récupérations totales des plaignants à l'encontre des autres défendeurs non-réglés. Les négociations sur l’ensemble des dispositions en matière de coopération ont continué plusieurs mois.
Le 13 avril 2016, les avocats des parties ont signé un accord contraignant, un « term sheet ». Ce term sheet a établi les termes sur lesquels les parties se sont entendues, assujettis à un accord global de règlement, pour régler les allégations des plaignants contre la Deutsche Bank. Au moment où ce term sheet fut signé, les avocats du recours étaient bien informés des risques, incertitudes factuelles, dommages potentiels, et d’autres aspects des forces et faiblesses des allégations contre Deutsche Bank.
L’accord de règlement de Deutsche Bank implique une structure et des termes qui sont communs dans les règlements de recours collectif dans ce district. Le montant que Deutsche Bank a accepté de payer se situe dans l’ordre de ce qui est juste et raisonnable, et il est adéquat pour approbation finale. »
Il ne manquait qu'une chose : le montant du règlement. Selon des documents de la Cour, Deutsche Bank a accepté de payer 38 millions $ pour régler une poursuite alléguant qu’elle avait comploté illégalement avec d’autres banques pour fixer le prix de l’argent aux dépens des investisseurs. Le règlement, rendu public par une cour fédérale de Manhattan, boucle une des nombreuses poursuites récentes dans lesquelles les investisseurs accusent les banques de comploter pour manipuler les marchés de métaux précieux. Cependant, jusqu’à maintenant, il n’y avait jamais eu de clôture formelle. Aujourd’hui, cette clôture coûte 38 millions $ à Deutsche Bank.
Bien que ce montant soit relativement faible pour la banque allemande, maintenant que ce cas fait jurisprudence, cela déclenchera des douzaines de poursuites similaires, chacune affinée quelque peu, et chacune réclamant des dizaines de millions de dollars aux banques ayant comploté sur les marchés de l’or et de l’argent. Comme l’indique Reuters, ce règlement était attendu dès avril, même si les termes n’avaient pas encore été révélés. Dans des documents du tribunal, les avocats des investisseurs déclarent que cet accord « brisera la glace » et servira de catalyseur qui incitera les autres banques à régler leurs litiges.
Vincent Briganti, un avocat des investisseurs, a dit que l’accord prévoit « une compensation monétaire substantielle, en plus de la coopération de la Deutsche Bank dans la poursuite de ce cas important contre les défendeurs non-réglés. »
Pour rappel, dans une action en justice dont nous avons parlé récemment, les investisseurs accusaient Deutsche Bank, HSBC Holdings Plc et Bank of Nova Scotia (Scotiabank) d'avoir manipulé les prix de l’argent lors d'une réunion journalière secrète appelée le Silver Fix, et accusaient UBS AG d’exploiter ce fix. Le présumé complot a débuté en 1999, a empêché le prix de grimper d’environ 30 milliards $ en argent et produits financiers sur l’argent échangés chaque année, ce qui aurait permis aux banques d’engranger des rendements proches de 100% par an, selon les investisseurs.
Au début du mois, la juge américaine Valerie Caproni a jugé que les investisseurs avaient suffisamment, « quoique tout juste », allégué que Deutsche Bank, HSBC et Scotiabank avaient violé la loi antitrust américaine en conspirant de manière opportuniste pour déprécier le "fix" de l’argent de janvier 2007 à décembre 2013. En même temps, la juge a écarté UBS de la liste des prévenus, disant qu’il n’y avait rien qui démontrait qu’elle aurait manipulé les prix, même si elle a bénéficié de ces distorsions.
La juge a ajouté que les investisseurs pourraient modifier leurs plaintes, y compris celles contre UBS, et un avocat des investisseurs a déclaré qu’ils songeaient à le faire.
Alors, qui bénéficie de ce règlement ?
« Nous avons des raisons de croire qu’il y a des centaines de personnes ou d’entités dispersées géographiquement qui entrent dans le cadre de ce règlement. Le règlement pourrait inclure des traders de contrats à terme sur le COMEX, quiconque aurait échangé de l’argent physique en se basant sur le « fix », et des traders de produits dérivés variés sur l’argent. »
Les autres bénéficiaires, bien sûr, sont les investisseurs, les gens et les « théoriciens du complot » qui ont toujours prétendu que l’or et l’argent étaient manipulés de différentes manières. Et bien, vous aviez raison. Cependant, nous ne devrions pas nous attendre à récolter une récompense importante… Quand ce règlement sera terminé, il n’y aura probablement que quelques centaines de dollars par plaignant.
La bonne nouvelle, cependant, est que cela déclenchera d’autres poursuites de ce type, maintenant que le sceau a été brisé.
En ce qui concerne les deux autres banques du recours collectif, HSBC et Bank of Nova Scotia, la prochaine conférence préparatoire dans cette poursuite qui a obtenu le feu vert, il y a deux semaines, doit avoir lieu de 28 octobre 2016. Ceux qui voudraient s’y présenter doivent se rendre à 15h à la salle de justice 443 du Thurgood Marshall Courthouse, 40 Foley Square, New York, NY 10007.
Ci-dessous, l’affidavit de Vincent Briganti :
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