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Published : December 29th, 2010
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Category : Editorials

 

 

 

 

Le silence peut parfois être plus inquiétant qu’autre chose. C’est le cas en Europe, où nous sommes loin d’en avoir fini. La fin de l’année est une occasion choisie par les médias pour faire le point, amenant son lot de rétrospectives.

Revenant sur la fameuse promenade d’Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy sur les planches de Deauville, le 18 octobre dernier, les journalistes du Wall Street Journal viennent de mettre en perspective l’épisode irlandais de la crise européenne et la mise en scène pour les médias de leurs pas de deux. Ils relatent la tentative très politique et maladroite des deux dirigeants européens de maîtriser des événements qui leur échappent des doigts et les poussent à agir. Sous la forme de ce qu’ils savent faire le mieux : passer un compromis. Sans voir plus loin, convaincus une fois de plus que le pouvoir qu’ils expriment sera suffisant.

De quoi est alors fait ce deal, que l’on leur reprochera d’avoir passé à la sauvette et imposé aux autres ? D’un nouveau montage destiné à financer les pays touchés par la tempête, qui prévoit de renouveler et rendre permanent un dispositif de stabilisation financière initialement prévu comme provisoire. De soulager un peu la pression sur les Etats, afin qu’ils réduisent la voilure de leurs déficits, en faisant passer à la trappe l’automaticité des sanctions frappant les réfractaires, mesure souhaitée par les Allemands. Et de faire passer à la caisse les banques européennes, principales créancières des Etats.

On sait depuis comment cette ligne stratégique a dû être remodelée sur ce dernier point très sensible, dont la seule évocation a fait céder les derniers barrages qui protégeaient l’Irlande, qui a alors subi une pression insupportable. Les marchés y ont eu leur part, la BCE aussi.

Rapportée par le Journal, une apostrophe ultérieure de Nicolas Sarkozy à Jean-Claude Trichet résume à elle seule la situation : « Vous parlez peut-être avec des banques, nous sommes responsables devant les citoyens ! ». De fait, c’est à reculons que la BCE a agit, soutenant à bout de bras les banques irlandaises et intervenant sur le marché obligataire afin de stabiliser le taux des titres des pays les plus immédiatement visés. Tout en menaçant de stopper ces dispositifs, afin d’obliger les Etats à prendre leurs responsabilités. De fait encore, à céder aux diktats des marchés afin de renforcer sans plus attendre les plans d’austérité budgétaire.

Deux points de vue se sont durement opposés durant ces dernières semaines, celui des politiques et celui des financiers. Tout à leur logique et leurs préoccupations, ces derniers se soucient moins que les premiers des conséquences sociales et politiques de ces plans et des difficultés à les mettre en oeuvre. On parle beaucoup de l’indépendance de la BCE vis-à-vis des politiques, et des esclandres qui opposent son président à Nicolas Sarkozy, cherchant à desserrer un peu l’étau. Mais on ne parle pas de l’alignement intransigeant de la banque centrale sur les intérêts des milieux financiers. Pourtant, on peut faire confiance à l’un comme à l’autre pour remettre le couvert dès le début de l’année. Signe annonciateur qui ne trompe pas, la banque centrale vient de reprendre ses achats obligataires, en dépit de la faible activité du marché. Cela montre que les tensions persistent, qu’en sera-t-il au réveil après les fêtes ?

A la fin du dernier épisode, le Portugal était sur la sellette et l’Espagne avec lui. Ce nouveau test peut-il rester longtemps en suspens ? Les épisodes précédents ont déjà montré que les marchés avaient les moyens d’imposer leur volonté, c’est à dire de faire rentrer dans le rang les Etats qui refusaient de se plier à une stricte discipline budgétaire, les uns après les autres, en partant des plus vulnérables.

Dans le cours de cette histoire, le Portugal n’est pas un véritable enjeu, l’Espagne si. De par sa dimension et les moyens qui seraient nécessaires à son sauvetage. Le sort des deux peut-il toutefois être dissocié ? Le mal espagnol est rampant et ne fait que progresser, alimenté par le lent épanchement de sa bulle immobilière. Car c’est l’une des caractéristiques de ce type de bulle que d’inexorablement entraîner par son ruissellement ceux qui l’ont financée dans le gouffre de leurs pertes. C’est donc une simple question de temps, une course de vitesse – de lenteur, vaudrait-il mieux dire – étant engagée entre la mise en place d’un nouveau dispositif financier européen, prévu pour début 2013 si tout va bien, et l’éclatement de ce nouvel anévrisme.

Le premier appel au marché du fonds de stabilité actuel (EFSF), qui devrait intervenir en début d’année, va fournir une première indication sur l’état d’esprit des marchés. D’autres rendez-vous sont plus attendus, dont celui avec l’Espagne, à l’occasion de ses nouvelles émissions obligataires. Les dernières ont été souscrites, mais à des taux très élevés, autour de 5,4%. Qu’en sera-t-il des prochaines ? Si les taux devaient encore augmenter, un arbitrage ne serait-il pas finalement rendu en faveur d’une entrée dans le dispositif d’aide européen, le mettant véritablement à l’épreuve du feu ? Car il offrirait alors, avec le FMI, de meilleures conditions financières ?

L’annonce très politique par le gouvernement chinois de son soutien financier, ainsi que le débat qui a tourné court à propos de la mise en place d’une agence de la dette et de l’émission d’euros-obligations, sont inscrites en toile de fond de la crise européenne, mais elles ne seront pas d’un grand secours dans l’immédiat. Les discussions engagées entre Allemands et Français sur les modalités d’un gouvernement économique ne peuvent pas davantage déboucher sur des réalisations concrètes à court terme, si ce n’est sur des mesures symboliques. Car ce qui est en cause, ce ne sont pas des mécanismes de concertation plus ou moins ajustés, mais une stratégie économique commune, qui fait totalement défaut, assortie de ses moyens.

Après que les gouvernements européens se sont fait peur devant le risque grandissant d’éclatement de la zone euro, toujours présent, ils se sont rendus compte qu’ils ne pouvaient pas l’assumer, mais ils ne s’en donnent pas pour autant les moyens. Ils ont déjà reculé devant des pas en avant qu’ils répugnent à effectuer, des seuils qu’ils ne savent pas franchir. Tout à leur bataille défensive perdue d’avance contre les assauts des marchés, qu’ils redoutent et ménagent, ils sont en retard d’une guerre.

Si un Etat se prépare à illustrer au mieux la dangereuse inconnue que représente la situation européenne, c’est bien le Royaume-Uni, bien qu’il soit hors zone euro. Un redoutable cocktail y est servi, fait de récession et d’inflation, ce qui ne manquera pas d’attiser une crise sociale et politique rampante.

Ce qui est en jeu, c’est l’affirmation d’une stratégie alternative à celle qui est impulsée sous la férule des marchés. Qui en a la ressource ? Les partis se réclamant à la fois de la tradition social-démocrate et de leur statut de parti de gouvernement n’ont pas jusqu’à maintenant fait la preuve qu’ils la possédaient. Sans doute parce qu’ils ne peuvent prétendre réformer le capitalisme que lorsque celui-ci en a les moyens, et que ce n’est plus le cas. C’est la seule certitude que l’on peut aujourd’hui tenir pour acquise, et ce n’est pas suffisant.

La nouvelle livraison des stress tests des banques européennes, évoquée brièvement récemment, est pour l’instant enterrée, faute d’accord sur ses modalités. Car, pour être crédibles, ces nouveaux tests impliqueraient de mettre en évidence des besoins de recapitalisation des banques que celles-ci ne sont pas en mesure d’assumer par leurs propres moyens. Et auxquels les Etats seraient bien en peine de pourvoir dans le contexte actuel. Il ne peut pas être fait appel aux marchés tout le temps et à tout propos…

C’est là que cela coince : les marchés manquent eux aussi d’une ressource, celle de régler leurs propres problèmes par eux-mêmes.



Paul Jorion

pauljorion.com

 

 

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

 

 

Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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