Les
parallèles n’ont pas manqué d’être
soulignés entre la crise économique et financière
mondiale que nous continuons de subir et la catastrophe nucléaire de
Fukushima qui se poursuit. Toutes deux mises dans le même sac, celui
d’un système dont les justifications ont été dans
les faits mises brutalement en cause et dont les supposés bienfaits
s’effacent dans les deux cas devant les désastres qu’il
suscite.
Une
nouvelle opportunité vient de se présenter permettant
d’opérer un autre rapprochement : des stress tests (tests
de résistance) vont être presque simultanément
menés en Europe dans le but d’éprouver la solidité
des banques et celle des centrales nucléaires. Avec en commun de
chercher à démontrer qu’elles le sont, tout du moins dans
leur grand majorité, à l’exception éventuelle de
quelques victimes expiatoires. Illustrations un peu trop criantes de ces
opérations de propagande qui semblent désormais être
l’âme même de l’action politique, que l’on
préfère appeler plus noblement stratégie de
communication.
On
avait déjà remarqué, lors des précédents
tests bancaires, qu’ils obéissaient à une
méthodologie biaisée, n’ayant pas comme objectif de
déterminer des points de rupture – leur fonction
présumée – mais de se limiter à tester des cas
calibrés pour aboutir à des résultats connus
d’avance. Au regrettable risque de laisser croire que ces cas ont
été choisis pour les besoins de la cause, celle bien entendu
des ordonnateurs. Qu’est-ce qui pourrait nous laisser penser que cela
sera cette fois-ci différent, si l’on
ne tient pas compte des sempiternelles promesses qui les accompagnent ?
Il
y a cependant une différence notable entre ces deux tests. La
méthodologie de ceux des banques a été
élaborée par l’European Banking Authority (EBA) et rendue
publique au terme de consultations qui ne l’ont pas été.
Elles sont d’une technicité financière à faire
fuir. Celle des centrales nucléaires n’a pu être encore
adoptée au sein du collège des responsables européens de
la sûreté nucléaire, faute d’accord entre eux. Nous
en connaissons mieux les arguments, notamment grâce à
Günter Oettingher, le commissaire
européen, qui a clairement refusé d’apposer sa signature
sur ce qu’il a appelé devant les députés
européens « un test de résistance
allégé ». Les mêmes responsables devront se
réunir une nouvelle fois, les 19 et 20 mai. « Le contenu
est plus important que le calendrier. Le public souhaite des tests de
résistance crédibles couvrant un large éventail de
risques et répondant aux questions de
sécurité. » a déclaré le commissaire.
Le
débat a porté sur l’inclusion ou nom dans les tests des
risques de chute d’avion ou d’attentat terroriste (les deux
n’étant pas incompatibles). Deux hypothèses
rejetées, au prétexte d’un calendrier serré
à respecter, qui permettrait uniquement de tester les effets de
catastrophes naturelles (en utilisant des données pré-existantes,
a-t-il été précisé).
Le
commissaire demandait également que les résultats fournis par
chaque pays soient validés par un autre, comme lorsque
l’équipage vérifie l’amorçage des toboggans
dans un avion ! Parmi ses opposants figuraient les pays les plus nucléarisés
d’Europe, dont la France et la Grande-Bretagne. L’autre argument
utilisé pour refuser de tester ces risques qualifiés d’humains
: les adopter reviendrait à recaler en bloc tout le parc
européen des centrales nucléaires… Autre variante : en
raison de leur objet, on ne pourrait pas en publier leurs résultats,
à quoi bon donc les mener ?
Que
peut-il maintenant se passer ? Pour les tests des banques, nous savons
déjà qu’un risque qui fait pourtant les manchettes et sur
lequel planche tous les analystes en a été exclu : celui
de décotes de la dette souveraine. Pour les centrales
nucléaires, nous sommes dans un autre monde que celui feutré de
la finance et nous pouvons en prédire un peu plus.
Faute
d’un accord entre la Commission et les régulateurs
européens, le dossier sera renvoyé devant le Conseil
européen, où siègent les 27 chefs d’Etat ou de
gouvernement. Le prochain se tient justement fin juin. Dans la grande
tradition des négociations européennes, on parle
déjà de la possibilité d’utiliser une formule du
type actions imputables à l’homme, afin d’obtenir
un accord dont l’application sera ensuite laissé à la
discrétion de ceux qui auront à le mettre en musique…
Que
vont donc à coup sûr révéler les stress tests des
banques et des centrales nucléaires ? Que ces deux univers sont
parties prenantes de mondes opaques, n’entendent pas rendre de comptes
et veulent se soustraire à toute procédure de contrôle
public.
S’agirait-il
alors d’un même monde, expression d’un unique modèle
de société ? Il serait alors justifié de les mettre dans
le même sac.
Billet
rédigé par François Leclerc
Paul Jorion
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alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion
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