« La
France n’est pas le Japon, qu’un séisme et un tsunami y
ravagent une centrale nucléaire est invraisemblable ». Les
défenseurs de l’électro-nucléaire
s’en sont d’abord tenus à cette seule parade pour
écarter tout risque, inquiétude et raison même de
s’interroger. Craignant – on ne sait jamais – de voir
surgir le fantôme d’une époque maintenant ancienne
où l’option nucléaire était l’objet d’une
vigoureuse contestation.
Fukushima
tombant dans les oubliettes des médias, happés par de nouveaux
sujets tous les deux ou trois jours, des tests de résistance
européens allaient être séance tenante organisés,
afin de lever les derniers soupçons, pour faire oublier
l’alarmisme gouvernemental des premiers jours de la catastrophe,
rétrospectivement sans fondement.
Trop
scrupuleux, un commissaire européen allemand jouait alors les
trouble-fêtes, prétendant élargir aux chutes
d’avion et attentats en tous genres l’éventail des risques
qui devaient être testés. En l’espace de quelques
réunions internationales et sous le poids d’amicales pressions,
il a dû finalement manger son chapeau. Le terrain dégagé,
on respirait alors chez les électro-nucléaires !
Faute de temps, dans le calendrier imparti par les dirigeants politiques, les
opérateurs des centrales allaient utiliser leurs vieux tests pour
démontrer que tout allait bien, l’orage allait
s’éloigner. Tests des banques ou des centrales, la même
recette était utilisée.
Patatras,
les aléas de la politique vinrent alors bousculer ces calculs trop finaux.
Le mal était donc plus profond. Les voisins suisses, puis allemands,
décidaient de sortir du nucléaire… Comme si la simple
mais incontournable leçon de Fukushima avait été
enregistrée et que ceux-là au moins en tiraient les
conséquences : « Décidément, le
nucléaire, c’est bien quand ça va bien. Mais quand cela
tourne mal… »
Un
nouvel argumentaire a du être
improvisé. Faute de pouvoir continuer à magnifier la
sûreté du nucléaire et ses innombrables bienfaits, ne
pouvant pas opposer pour seul argument sa propreté à la
production malfaisante de CO2 des centrales à gaz et à charbon,
les électro-nucléaires ont alors
décidé d’employer l’argument de dernier recours,
comme une banque centrale agitant l’épouvantail de
l’inflation : la référence au porte-monnaie. Non
sans flatter au passage un vieux fond anti-allemand,
nos voisins étant soupçonnés de jouer la facilité
en fermant leurs centrales pour mieux s’approvisionner aux
nôtres.
Une
sortie du nucléaire serait hors de prix ! Voilà la seconde
ligne de défense toute trouvée. Comment les foyers modestes
pourraient-ils y faire face, en raison des énormes investissements qui
seraient nécessaires et de leur répercussion sur les tarifs de
l’électricité ? Nos experts oubliant qu’il y a
quelques semaines, EDF réclamait une hausse impressionnante de ses
tarifs, alors qu’il n’était pas du tout question
d’une telle sortie.
Il
en est du nucléaire comme de la finance. Il y règne à
tout point de vue une grande opacité. Dans les deux cas, leurs
bienfaits sont immenses, jusqu’au jour où… Avec la
même assurance, les risques qui y sont pris sont
maîtrisés, mais…
Ces
deux industries ont donc des points communs. Est-ce étonnant,
puisqu’elles appartiennent au même monde et qu’elles ont
les mêmes hagiographes et farouches défenseurs ? Que
trouve-t-on quand on tire le petit fil rouge de l’électro-nucléaire ?
Un complexe industriel et financier, une bande de compagnies transnationales
et de mégabanques ! Un monde qui ces
temps-ci à tendance à souvent
trébucher.
Billet
rédigé par François Leclerc
Paul Jorion
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alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion
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