L’évidence est impossible à ignorer : l’austérité qui fouette les ministères français depuis un moment provoque une disette de fonds aggravée par une conjoncture très méchante qui refuse de plier ses courbes dans le bon sens. À ceci s’ajoute une politique de Gribouille illisible où les coupes décidées à un moment s’évaporent à la faveur d’une actualité chargée (comme dans nos armées récemment où le passage de vigipirate à l’écarlate aura fait fondre les départs prévus). Bref : le gouvernement a vraiment du mal à faire des économies.
Pourtant, il va bien falloir s’y mettre. C’est qu’il s’y est engagé (50 miyards en trois ans, a-t-il assuré, bravache). Et l’une des méthodes (assez habile, je dois dire) pour y parvenir consistera à intervenir de façon ponctuelle, désordonnée et brouillonne dans les entreprises au gré de l’actualité, des polémiques du moment et des urgences gouvernementales de l’heure.
C’est ainsi qu’il a été décidé d’intervenir sur les tarifs autoroutiers. Parce que c’est comme ça. Bien sûr, cela va entraîner des frais pour l’état, et assez probablement, en pure perte tant l’aspect juridique de cette intervention laisse à désirer. Et puis cela va mettre un peu de chaos dans l’organisation de chantiers publics, reportés à des dates ultérieures. Le chômage qui s’en suivra (16.000 emplois menacés) sera bien sûr mis au crédit de la crise et de l’ultra-néo-libéralisme des sociétés d’autoroutes.
L’idée de baisser les taxes sur le carburant, en proportion de la baisse constatée des prix du pétrole, n’a pas été émise. Surtout pas. Faire des économies, c’est d’abord s’assurer que l’argent rentre bien, mais ce n’est pas en faire profiter le peuple. Non mais !
Et puis au fait, la plaisanterie Écomouv’ nous coûtera combien ? Rappelons que si l’idée de départ, parfaitement conne, n’avait jamais été émise, il n’y aurait pas eu le montage financier honteux proposé par quelques sociétés adeptes du capitalisme de connivence vorace caractéristique en France. Et, pour ajouter une cerise avariée au-dessus d’un gâteau déjà fort coûteux, le contrat d’exploitation a été particulièrement mal verrouillé par un État jean-foutre qui doit maintenant s’acquitter d’indemnisations pharaoniques. Voilà une économie qu’on aurait pu faire, dès le début, en ne propulsant pas une idée aussi stupide (un petit merci à Sarkozy et son gouvernement de l’époque), et en ne l’entérinant pas mollement (merci Hollande et son gouvernement – après tout, Cazeneuve pouvait ne pas signer).
On n’est d’ailleurs pas très loin des constats équivalents concernant la PAC où les remboursements dus par l’État français à l’Union Européenne se montent maintenant à près d’un milliard et demi d’euros. Encore une fois, l’absence de contrôle, la gabegie et une décontraction totale de la dépense lorsqu’il s’agit des deniers publics sont à blâmer. Ces économies de contrôles sont au demeurant pratiques lorsqu’un copain-coquin est potentiellement concerné ou lorsqu’un épais groupe d’électeurs risque de se retrouver un trop scruté. Mais voilà : à force, quelques millions par-ci, quelques millions par-là, et rapidement, on parle milliards… qu’il faut rembourser.
Pour donner le change et éviter que ces tristes & coûteuses péripéties reviennent sur la table, la majorité trouve des expédients. Actuellement, elle a lancé un concours de quéquette sur les dépenses des anciens présidents de la République, concours qui met Giscard en haut de l’affiche, talonné par Sarkozy.
C’est intéressant et oui, très clairement, aucune de ces dépenses n’est justifiée ou justifiable alors que l’État devrait se serrer la ceinture. Avoir été oint par le suffrage universel ne devrait pas donner droit à une rente, et certainement pas aussi confortable. Mais le montage en épingle de ces dépenses cache tous les autres robinets à pognon grands ouverts, à commencer par ceux qui abreuvent à grande goulées gargouillantes et épaisses tous nos élus républicains : moyennant quelques coupes, on pourrait économiser 600 millions par an et faire au moins 65 millions d’heureux dans le pays.
Tout de même, il va bien falloir raboter quelque peu certains postes. Des pistes existent : en diminuant les achats de trombones et de stylos à bille, Bercy compte certainement réaliser de belles économies. Mais comme les grandes masses se comptent en milliards, il va falloir trouver mieux…
Ça tombe bien, des idées, il y en a. Pas au gouvernement, terrorisé à l’idée qu’il faille faire de vraies économies. Mais en voici quelques unes.
Par exemple, on distribue deux milliards d’euros à la presse. Fleur Pellerin a récemment annoncé vouloir modifier les règles de cette distribution. Vu tout le bien qu’elle fait, pourquoi ne pas garder les deux milliards et arrêter cette dépense ? Les Français sont-ils trop stupides pour ne pas savoir qu’une presse de qualité suppose un prix adéquat ? Sont-ils à ce points taillables et corvéables qu’on leur impose de financer des épaves journalistes mourantes et illisibles comme L’Humanité ou Libération ? En ces temps de disette, n’est-il pas temps de recentrer l’État sur ses vraies missions, régaliennes, dans lesquelles ne figure pas l’arrosage des journalistes pour en faire de bons petits soldats ?
Et tant qu’à parler milliards d’euros, plus généralement, on se demande pourquoi sept d’entre eux sont consacrés à la « Culture » en France. Certes, si l’on peut admettre aisément conserver en état des fleurons internationaux comme nos principaux musées, théâtres et grands monuments, on a bien du mal à rassembler sous le même vocable de culture les myriades d’associations lucratives sans but dont personne n’entend parler si ce n’est le Trésorier général lorsqu’il s’agit de faire les transferts de fonds une fois de temps en temps, ou, plus à propos encore, les chaînes de France Télévision dont on rappelle qu’elles peinent franchement à conserver leur audience (sans même parler de France Ô, bientôt synonyme de France 0 – zéro, comme sa part de marché de plus en plus fréquente sur les ondes). Un État moderne, recentré sur ses vraies missions, peut-il encore s’encombrer, au 21ème siècle, d’un ORTF aux petits côtés « voix de son maître » que de poussiéreuses dictatures conserveraient de peur de perdre le pouvoir ?
Mine de rien, voilà déjà de solides économies, et on n’a pas vraiment entamé les plus conséquentes…
Pour la plupart de nos ministères, « Nous sommes à l’os » chantent en cœur les ministres (ir)responsables. L’analyse, menée régulièrement par la Cour des Comptes, et les petites saillies de députés malins fins connaisseurs des arcanes budgétaires du pays, montrent d’une part qu’il n’en est rien, et d’autre part que des budgets, conséquents et parfaitement inadéquats, sont régulièrement dilapidés dans des actions dont la République pourrait largement se passer sans même écorner son image, son prestige et la qualité de service envers ses administrés, voire n’y trouverait que bénéfice et retrouverait un peu de noblesse dans son action.
Mais voilà : entre les privilèges des uns, énormes et institués de si longue date qu’ils sont devenus des habitudes mécaniques, et la distribution clientéliste de l’argent des autres ou de l’emprunt, on se rend compte qu’il devient impossible de toucher quoi que ce soit. En réalité, lorsqu’un politicien déclare, l’œil embué de larmes crocodilesques, « je suis à l’os », il veut simplement signifier que toute diminution de ses budgets aura un effet direct sur la clientèle qui tète goulûment à ses robinets, et qu’en définitive, en diminuant son budget, on diminue ses chances électorales de conserver le pouvoir. Intenable.
Il faut se rendre à l’évidence : depuis un moment déjà, nos politiciens ne travaillent plus pour le bien commun, si tant est qu’il existe. Ils ne s’embarrassent plus du collectif et de la chose publique. Ils s’en servent, ils se servent, ils se font servir, mais n’ont plus, pour l’écrasante majorité d’entre eux, d’autres buts que celui de continuer à en profiter allègrement. Les économies, les grosses, leur sont impossibles idéologiquement (« L’austérité ? C’est troporibl ! »). Les petites économies, symboliques mais ô combien indispensables pour restaurer un minimum de confiance dans les institutions, ne sont même pas à leur portée.
Sur les 10 dernières années, les économies n’ont toujours pas eu lieu. Ce pays est foutu.
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