Sur le site
Internet de l’économiste Bertrand Lemennicier,
nous pouvons trouver une page
répertoriant des sophismes économiques.
Il y critique
même quelques libéraux du fait des métaphores
contestables qu’ils emploient. Une des plus célèbres est
celle de Gary Becker assimilant les enfants à des biens durables.
Certains principes énoncés
par Becker en termes d’analyse économique de la famille sont
difficilement contestables : le fait que de nombreuses femmes rejoignent
le marché du travail augmente le coût d’avoir un enfant.
Il n’est plus possible de s’y consacrer à plein temps,
d’où la disparition progressive des familles nombreuses dans les
sociétés occidentales. De plus, l’économie
contemporaine nécessite un investissement lourd en éducation et
en formation qu’il est difficile d’assumer financièrement.
Le raccourci
n’en demeure pas moins simpliste. Un authentique bien de consommation
n’a pas les émotions que peut avoir un enfant et, de plus,
l’amour d’un parent pour sa progéniture n’a pas de
prix. Ce qui n’empêche pas les travaux de Gary Becker de
présenter un intérêt inestimable et une véritable
avancée pour la science économique.
On ne peut pas
en dire autant des sophismes de l’économiste
néo-zélandais, William Phillips. Ce dernier, au moyen d’une
métaphore « contestable » (doux
euphémisme…) assimilant l’économie à une
machine faite de tuyaux, de pompes et de robinets, avait dessiné une
courbe établissant l’existence d’une relation entre le
taux de chômage et le taux de variation annuel des salaires nominaux. Ainsi,
lorsque le taux de chômage est faible, les salaires ont tendance
à augmenter fortement.
Cette courbe
sera ensuite revisitée
par certains économistes keynésiens (Robert Solow, Paul
Samuelson…) et prendra une autre forme : désormais, la
politique économique doit lutter contre le chômage ou
l’inflation, mais pas contre les deux. Un choix doit être
opéré. Telle est la recette magique proposée aux
gouvernements : magique car ces derniers vont pouvoir faire un usage
effréné de la « planche à
billets », laquelle est censée conduire à un
ralentissement du chômage.
Il est vrai
que, pendant un certain temps, les faits ont semblé établir la
véracité de cette courbe. Durant les Trente Glorieuses, le
chômage se maintenait à un bas niveau en France et ailleurs, et
les Banques centrales toléraient une croissance monétaire plus
élevée qu’à l’accoutumée. À
partir du milieu des années 1970, cependant, après le premier
choc pétrolier, est apparu le phénomène de la « stagflation ».
Il s’avéra que la croissance des Trente Glorieuses avait
été en partie artificielle car
fondée sur l’inflation. La courbe de Phillips revisitée
montra toutes ses limites mais, assez curieusement, continue
d’être étudiée dans les cours de sciences
économiques...
Un autre
exemple est donné sur le site de Bertrand Lemennicier :
le fait que le capitalisme soit trop souvent qualifié
d’« impersonnel ». Je ne suis pas tout à
fait d’accord avec l’auteur quand il écrit que
« Le marché n’étant pas une personne
consciente, il ne peut donc qu’être impersonnel ». Il
reprend ainsi l’argumentation de Friedrich von
Hayek dans La route de la servitude mais ne tient
pas suffisamment compte du fait que le marché est d’abord
mû par des forces personnelles et non par un mécanisme abstrait.
Il est,
à cet effet, assez curieux que ce soit Hayek qui ait commis cette
erreur : en effet, l’école autrichienne
d’économie – à laquelle adhère le
susvisé – a justement pris ses distances avec les économistes
néo-classiques, en partie parce que ces derniers se bornaient à
considérer les agents économiques comme des
« preneurs de prix » et donc à concevoir le
marché comment étant mû par des forces impersonnelles
sans répondre à la question fondamentale : qui fixe les
prix ?
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