|
Descendant
d'immigrés slovaques, Michael Novak est né en 1933 à Johnstown, en
Pennsylvanie, dans une famille catholique. Il a consacré sa vie à la
théologie, à la philosophie et aux sciences politiques. Après avoir été
diplômé de trois universités prestigieuses, Stonehill College, l'Université
grégorienne à Rome et l'Université Harvard, il a mené une carrière
d'écrivain, de professeur et de chercheur, notamment au sein de l’American
Entreprise Institute. Il est aussi ancien ambassadeur américain et ancien
conseiller à la Maison-Blanche. Il a écrit plus de 25 livres et a été
finaliste du prix Pulitzer en 1979.
Un
théologien du libre marché, venu de la gauche
Michale Novak
est un intellectuel issu de la gauche. Dans les années soixante, il milite
contre la guerre du Vietnam et rédige des discours du président Kennedy. Mais
dans les années soixante-dix, il devient un « néoconservateur ». En
forme de boutade, il décrit le néoconservateur comme « un hippy dont les
enfants sont devenus adolescents ». Il doit son virage idéologique à sa
lecture des écrits d’Irving Kristol, le « parrain » du
néoconservatisme de la première génération. Mais Novak est avant tout un
« théologien du libre marché ». Il rejette la « théologie de
la libération », inspirée du marxisme, comme solution politique pour
l'Amérique latine. Il est convaincu que l'économie libre, telle qu’elle s’est
développée en Amérique du Nord, permet la prospérité pour le plus grand
nombre.
Dans
son œuvre, il s’efforce de mettre en lumière les fondements éthiques et
théologiques du capitalisme. Tandis que la plupart des intellectuels
catholiques défendent une « voie moyenne » entre le capitalisme et le
socialisme, Novak plaide pour un « capitalisme démocratique »,
seule alternative viable au collectivisme socialiste. Il explique notamment
que de nombreux enseignements catholiques sur les problèmes sociaux ont été
formés dans un monde précapitaliste, celui de la société médiévale
aristocratique. De plus, les enseignements pontificaux ont toujours été
focalisés sur la juste répartition des biens disponibles, oubliant la
production de nouvelles richesses. C’est pourquoi les théologiens ont
généralement été critiques du capitalisme.
Mais selon
lui, le capitalisme bien compris est non seulement compatible avec la
doctrine sociale catholique, elle est également la plus grande force de
libération que le monde ait jamais connue. Ce type de capitalisme repose sur
l'inventivité, la découverte, la coopération, l’effort, l'initiative,
l'ouverture au changement, l'adaptabilité, la générosité, l'expérimentation
et la participation volontaire. C’est un capitalisme intrinsèquement social.
Dans sa
réflexion, Michael Novak est également redevable au philosophe thomiste
français Jacques Maritain, qui a vécu et enseigné aux États-Unis un grand
nombre d’années. À son propos, il note : « Dans la pensée politique
et sociale, aucun chrétien n'a jamais écrit une défense plus profonde de
l'idée démocratique et de ses composantes telles que la dignité de la
personne, la distinction nette entre la société et l'État, le rôle de la
sagesse pratique, le bien commun, l'ancrage transcendant de droits de l'homme »
(Michael Novak, « A Salute to Jacques Maritain »).
Une
nouvelle interprétation du capitalisme.
En 1982, Novak
publie un livre qui le rend célèbre, L'esprit du capitalisme
démocratique. Un capitalisme démocratique, selon Novak, est un
capitalisme pluraliste, qu’il envisage comme « un mode de vie » et
qui repose sur trois piliers : l’économique, le politique et
l’éthico-culturel. L’économique se caractérise par le libre marché, le
politique par la garantie des droits individuels et l'éthico-culturel par la
promotion des communautés religieuses, des universités, des associations de
toute sorte.
En effet,
selon Michael Novak, une société libre a besoin pour son entretien et son
épanouissement d’une structure à trois étages : au premier étage, il est
nécessaire de libérer la créativité et l’esprit d’entreprise. Mais
l’économique ne suffit pas, car sans l'autorité de la loi, qui limite le
gouvernement et impose le respect des droits naturels, le progrès économique
est à peine possible. Enfin la culture est elle-même plus fondamentale que la
politique ou l'économie, car sans certaines habitudes du cœur, un amour pour
la discussion argumentée et quelques autres dispositions morales et
spirituelles, ni une république respectant les droits ni une économie
capitaliste dynamique ne peuvent prospérer, ou même survivre.
L'activité
fondamentale du capitalisme est dans la vision de l’entrepreneur qui découvre
la meilleure façon de répondre à un besoin : « Capital (das
Kapital) ne veut plus dire uniquement bétail, terre et même ces choses
matérielles que sont les instruments de production. Sa principale
signification est désormais Capital Humain, esprit humain, créativité,
connaissance, qualification, savoir-faire, esprit d'entreprise, capacité à
organiser. On peut dire que Weber parla de cette dimension du capitalisme.
Mais on ne peut pas dire qu'il a perçu l'importance centrale du capital
humain ni la nature spécifique de l'intelligence capitaliste. Il insista sur
la rationalité (cette sorte de calcul qui avance sur un rail) mais il
ignora, manqua ou minimisa, la créativité et l'enthousiasme, le goût pour le
nouveau, le libre et le flexible. Il cru que l'essence du raisonnement
capitaliste réside dans une rationalité calculatrice, une arithmétique entre
les moyens et les fins » (The Catholic Ethic and the Spirit of Capitalism).
Une
influence considérable
En
1985, le syndicat Solidarité en Pologne publie clandestinement un livre de
Novak, Pensée sociale catholique et institutions libérales. En Tchécoslovaquie,
le Forum civique de Vaclav Havel place L'esprit du capitalisme
démocratique, dans son programme d’études clandestines. Margaret
Thatcher, enfin, a reconnu dans le penseur américain « celui qui l'a
aidé à développer ses arguments sociaux pour le libre marché ».
De
plus, les travaux de Novak auraient influencé, dit-on, la réflexion du pape
Jean-Paul II dans son encyclique Centesimus Annus de 1991. En
effet, c’est dans ce texte que, pour la première fois, l'économie libre est
qualifiée par un pape de « modèle qu'il faut proposer aux pays du Tiers
Monde qui cherchent la voie du vrai progrès ». Il n’est plus question
d’une troisième voie entre capitalisme et socialisme.
Quoi
qu’il en soit, Michael Novak aura apporté une contribution originale au
développement de la pensée sociale catholique contemporaine, principalement
en aidant l’Église à mieux comprendre la signification chrétienne du
capitalisme et ses relations avec la culture.
Pour
ses travaux, Michael Novak a reçu en 1994 le prestigieux prix Templeton, d’un
montant d'un million de dollars. C'est un prix qui encourage le « progrès
en religion ». Mère Térésa l'a reçu pour avoir « aidé les enfants
oubliés de Calcutta ». Michael Novak l’a reçu pour « avoir élargi
la réflexion religieuse au domaine de la démocratie et du libre marché ».
Lors de la réception de son prix, il a prononcé ces mots : « J'ai essayé
d'orienter ma théologie et mes connaissances économiques en conservant la
lutte contre la pauvreté au premier rang de mes priorités. La pauvreté de ma
famille d'abord, mais aussi celle des pays d'Amérique Latine, d'Asie et
d'ailleurs... Je souhaite que ce soient les pauvres qui bénéficient de ces
recherches quant au système politique et économique le plus à même de les
sortir de la misère et de la maladie ».
À
lire :
Michael
Novak, The Spirit of Democratic Capitalism, Madison Books, 1982. Traduit en français : Une
Éthique économique, les valeurs de l'économie de marché, Le Cerf, 1987.
Michael
Novak, Free Persons and the Common Good, Madison Books, 1988. Traduit en français : Démocratie
et bien commun, Le Cerf, 1991.
Michael Novak,
A Salute to Jacques Maritain. In The Catholic Writer: The
Proceedings of the Wethersfield Institute 2 (1989): 65-82.
Michael
Novak, The Catholic Ethic and the Spirit of
Capitalism,
Free Press, 1993.
Michael
Novak, Business as a Calling: Work and the Examined Life, Free Press,
1996.
Michael
Novak, On Two Wings: Humble Faith and Common Sense at the American
Founding, 2001.
|
|