L'Union européenne
s’est auto-accordé mille milliards de dollars pour s’auto-renflouer
aux premières heures de
l’aube d’hier, plus une fille dans le lit de chaque membre,
gratuitement. Les Allemands vont adorer. Cette annonce a déjà
fait remonter l’euro à 1,3 dollar, juste au moment où
ceux-ci espéraient que la baisse du dollar allait leur permettre de
livrer quelques cargos de plus à l’exportation. Je m’attends à ce que Mme
Merkel soit particulièrement à leur
écoute. Quelques heures plus tôt, sa coalition a reçu une
magnifique raclée à l’élection en Rhénanie
du Nord-Westphalie.
Je mentionne ces
événements à contrecœur, sachant l’aversion
qu’éprouvent mes lecteurs aux nouvelles provenant de la vieille Europe, cet ennuyeux
café d’arrière cour socialiste où l’on vous
sert dans les restaurants des portions pour femmelettes que de vrais hommes
ne mangent pas de toute façon.
La question qui
s’impose ici, bien entendu, est de savoir comment l’Europe a
l’intention de trouver mille milliards de dollars pour se renflouer
elle-même. Va-t-elle vendre
le Portugal à la Chine ? Va-t-elle découper la
Grèce en morceaux, lancer les bouts à la mer comme appât,
attraper et vendre sur les marchés ce qui reste de poissions en
Méditerranée ?
Franchement, je suis perplexe. Parlez de déshabiller Pierre
pour habiller Paul...
Toutes les nations
européennes sont déjà si
désespérément empêtrés dans des
chaînes d’obligations réciproques
indémêlables que ce renflouement pourrait tout aussi bien
être un jeu de chaises musicales joué dans le Grand
collisionneur de particules Hadron sur de la musique de Karlheinz Stockhausen. Le
renflouement européen est, de fait, une absurdité. Je
prédis que l'effet de l'annonce ne durera que quelques jours de
trading sur les marchés boursiers.
La vérité est
que les déséquilibres de la finance mondiale sont devenus si
grotesques que le système monétaire mondial ne tient
qu’avec de la salive et des prières. Je reçois des tombereaux de
mails de lecteurs chaque semaine m’avertissant de la prétendue,
- et inéluctable -, naissance d’une prochaine monnaie mondiale,
- un concept qui s’accompagne naturellement de l'idée d'un
gouvernement mondial. Les deux sont des fantaisies ridicules. Les
événements prennent les nations du monde à l’exact
contrepied, et les entraînent dans l'autre sens, vers la rupture, la
diminution de la taille des états et des gouvernements. De même, si des monnaies
majeures comme le dollar ou l’euro venaient à connaître
leur chant du cygne, elles seraient plus que probablement remplacées
par des billets de banque locales convertibles en or
que par un hypothétique Améro ou
autre Globo-dollar.
Les marchés boursiers
s’en sont donné à coeur joie, et Bloomberg a même
rédigé un éditorial merveilleusement mystérieux
sur la reprise des obligations grecques.
Une particulièrement
riche idée : qui, grands dieux, pourrait bien avoir la sottise
d’acheter des obligations grecques maintenant ? Y aurait-il quelque part un fonds de
pension dirigé par des imbéciles qui seraient prêts
à vendre les CDO que Goldman Sachs leur a fourgués pour acheter
des obligations du trésor grec à bon prix ?
J’espère que les retraités dont ils gèreraient les
fonds sont prêts à passer ce qu’il leur reste de vie
à vendre des marrons chauds dans la rue, car il y n’y aurait
aucune chance qu’ils découpent leurs coupons en regardant une
quelconque coupe du monde à la télévision.
Et tout cela comme si la vie
aux Etats-Unis n'a pas été assez surréaliste la semaine
dernière. Il y a longtemps de cela, le marché boursier
permettait aux gens qui avaient du capital de l’investir dans des
entreprises productives, par exemple une fabrique de savons ou une
manufacture de caleçons. Maintenant le marché est un lieu de
combat de robots où des algorithmes se livrent une bataille pour la
suprématie dans d’infinies boucles de rétroaction. Le
spectaculaire crash en quinze minutes de jeudi dernier fut une excellente
démonstration de la diminution du retour sur investissement de la
technologie. Des gens un petit peu trop malins, grandement aidés par
des ordinateurs, ont désormais tellement trafiqué les
indices que ces marchés n’ont désormais plus rien
à voir avec de l’investissement, mais ont pour seul objet de
gagner quelques micro-points de profit sur de très grands volumes
d’achats et de vente durant des millisecondes, la différence se
faisant sur des différentiels mathématiques ! Les
marchés ne sont plus que le paradis des
« quants », un lieu où seuls les chiffres
comptent et sans la moindre relation avec la réalité.
Ces « algo-robots » peuvent être
élégamment complexes, mais ils sont rien d’autre que des
mécanismes de déclenchement d’ordres. Dans ce cadre, la
chute bizarre de Wall Street jeudi dernier n’est qu’un signal
avertisseur que les opérateurs sur les marchés boursiers
américains ont dépassé depuis longtemps leur seuil de
compétence et se sont pris une buche qui ne restera pas la
première.
Cette séance de jeudi,
quelque soit la nature ou la cause du « bug », disons,
doit être considérée comme un simple aperçu des
réjouissances à venir du gigantesque bordel qui s’annonce
dans lequel les contenus putatifs de ces marchés seront aspirés
dans un trou noir si grand que les trading-desks devront trouver un moyen
d’arbitrer l’infini pour avoir la moindre chance de recouvrer une
simple vision de ce que fut notre richesse passée.
Et cela pourrait arriver en
un clin d’œil.
Et pour quelle raison une
personne qui ne serait pas sous traitement médical intensif pourrait
bien vouloir rester investi sur les marchés boursiers ? La seule
réponse logique est que personne ne l’est. Les seuls qui restent
aujourd’hui sont les institutionnels avec nulle part où aller,
de pitoyables fonds de pension ou des fondations universitaires
pathétiques chassant désespérément du
« rendement » dans un monde où les
investissements financiers les plus « solides »
rapportent du 0%, et ces pauvres idiots se font prendre et retourner de tous
les cotés. Les seuls qui restent sur les marchés sont, et vous
l’avez deviné, les banques TBTF (Too Big to Fail), la FED et
autre banques centrales et probablement les trésors publics qui manipulent
les cours avec des algo-tours de passe, boites noires, rackets de carry trade
voire, il ne faudrait pas les exclure, des escroqueries
avérées.
Nous avons tendance à
oublier qu’il fut un temps où tout cela pêle-mêle
avait une relation avec
l'économie réelle. La vérité de base sur
l'économie réelle – au moins celles de puissances
industrielles - est qu'elles ne
peuvent pas se développer avec succès en ayant pour socle
financier de la dette renouvelable
dans un contexte de croissance zéro. Et comme la croissance
zéro est très précisément ce qui nous attend avec
le pic du pétrole à venir, autant dire que l’idée
des dettes renouvelables est un concept qui ne fera pas partie de notre futur.
Et puisqu’on parle du
pétrole, la catastrophe
Deepwater Horizon est devenue tellement ennuyeuse pour les éditeurs du
New York Times qu’elle a été chassée par
d’autres nouvelles de la une du journal. Trop déprimant,
j’imagine.
Pendant ce temps et quoi
qu’il se passe dans le monde, rassurez vous, les Credit Default Swaps
ne dorment jamais.
James Howard Kunstler
kunstler.com
James
Howard Kunstler a travaillé comme journaliste pour de nombreux
journaux. Son dernier livre, « The Long Emergency »,
décrit les changements auxquels devront faire face les Etats-Unis au
cours du 21° siècle. Kunstler prévoit la disparition
progressive de la Surburbia dans le cadre d’un monde en guerre pour la
lutte pour le pétrole. Vous pouvez acheter son livre en cliquant ici, ou avoir
plus d’information en visitant son site web à: http://www.kunstler.com/
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