Perspective globale
Les
conférences Mines et Monnaies qui se sont tenues à Singapour et à Hong Kong
auront bien valu le détour. Le sujet s’est concentré sur ce que leur nom
indique, et elles n’ont aucunement traité de la spéculation sur le marché des
actions. La conférence de Hong Kong est la première de son genre en Asie, et
il y a de fortes chances qu’elle en inspire beaucoup d’autres.
J’ai
beaucoup apprécié les deux conférences, et les deux villes dans lesquelles
elles se sont tenues. Les conférenciers, présentateurs et intervenants
présents se sont mêlés en des groupes sympathiques, que ce soit pour
discuter, pour boire ou pour dîner. Le clou du spectacle a été le dîner des récompenses
annuelles, à Hong Kong.
L’industrie
minière et les finances ont-elles un avenir ?
Oui,
et principalement pour ce qui concerne les métaux précieux. Il faudra
attendre quelques temps avant que les opérations liées aux métaux de base et
à l’énergie redeviennent des favorites.
L’idée
est qu’en période de contraction, suite à une bulle, les prix des métaux de
base et de l’énergie déclinent par rapport à l’or. En d’autres termes, le
prix réel de l’or grimpe alors que le prix réel des autres marchandises
diminue.
Une
contraction typique s’étend sur vingt ans, avec des cycles de court terme
apportant des déflations temporaires de la bulle sur le crédit.
Le
marché haussier qui a atteint un sommet en 2007 semble présenter tous les
éléments d’une grande bulle. Son expansion enregistrée depuis 2009 est son
premier cycle et marché haussier qui diffère d’un effondrement classique.
Ce
cycle pourrait cependant être perçu comme normal, au vu de ce que nous
pourrions nous attendre de voir naître d’un effondrement. Ce qui est anormal,
c’est la poursuite absurde de chiffres de croissance arbitraires en parallèle
à la plus grosse bulle financière de l’Histoire – celle du marché des
obligations.
Voici
quelques chiffres pour remettre les choses dans leur contexte.
En
2007, les actions atteignaient une capitalisation boursière de 60 trillions
de dollars, pour atteindre 25 trillions de dollars en 2009. Le marché
haussier a depuis porté cette capitalisation boursière à 80 trillions de
dollars.
La
capitalisation boursière des obligations à l’échelle globale a atteint 200
trillions de dollars.
Et
n’oublions pas les produits dérivés.
Comme
nous avons pu le voir aux Etats-Unis, le cycle économique actuel arrive à
maturité – à mesure que la spéculation des marchés des actions s’intensifie,
comme elle l’a fait en 2000 et en 2007. Dans un monde de spéculations
financières, le marché haussier est accompagné par le début d’une récession.
Dans un cycle normal, le marché des actions atteint un sommet environ un an
avant l’économie. Le marché des actions fait partie des indicateurs de base.
Les
prochains mois pourraient, comme en 2007, confirmer ce phénomène.
Auquel
cas une majorité des marchandises verront bientôt leur prix repartir à la
baisse pour reprendre le déclin qui a commencé par les pics de la spéculation
de 2008 et 2011. Mes recherches en ont expliqué beaucoup quant à ces points
décisifs.
Mais
d’ici là, au vu des récentes baisses, une reprise modeste devrait s’étendre
jusqu’au mois de mai. Les forces des contractions financière et économique
pourraient devenir plus évidentes en fin d’année. Les écarts de crédit
pourraient s’élargir, la courbe des rendements pourrait s’accentuer, le
dollar se renforcer, les marchandises s’affaiblir et la tendance du prix réel
de l’or se consolider.
L’un
des évènements les plus sordides de l’Histoire a été la Grande famine qui a
frappé le grand « pas en avant » de Mao et a mis fin à quelques 30
millions de vies. Il y a bien trop de planificateurs centraux au pouvoir. Les
autres évènements remarquables de l’Histoire ont été la découverte et la
croissance de la classe moyenne en Chine et en Inde, qui se sont inscrites
dans le cadre du plus grand boom de l’Histoire.
Bien
que cette période de croissance semble aujourd’hui s’apaiser, le sujet
principal pour les deux conventions demeure l’idée que la croissance de la
classe moyenne en Asie et en Inde devrait faire grimper les prix des métaux
de base et de l’énergie. Les forts taux de consommation devraient selon
beaucoup se poursuivre.
Ce
pourrait ne pas être le cas. Ce qui s’est passé en Chine et en Inde n’a pas
été unique.
Dans
les années 1800, une situation similaire s’est présentée aux Etats-Unis.
L’économiste W. W. Rostow a déterminé que la production américaine
représentait 5% de la production industrielle mondiale dans les années 1840.
Quarante ans plus tard, elle représentait 29%.
Les
chronologies de David Christian et de l’Organisation des Nations-Unies pour
le développement industriel nous apportent quelques indications quant à la
Chine. En 1980, la production industrielle de la Chine représentait 4% de la
production industrielle mondiale. Aujourd’hui, elle représente 19%.
Alors
qu’était menée l’analyse de production aux Etats-Unis, la population urbaine
du pays est passée de 10 à 29%. En Chine, elle est passée d’un peu au-dessus
de zéro à 19%.
Sur
cette période, la Chine a enregistré une migration négligeable. Aux
Etats-Unis, le taux de migration dans les années 1840 était de 14 pour mille
habitants. Dans les années 1850, ce taux est passé à 6 pour mille. Il est
resté le même dans les années 1870 avant de passer à 7 pour mille dans les
années 1880.
Nous
pourrions appeler cette période la Révolution industrielle américaine. A
mesure qu’elle s’est développée, une bulle financière est apparue pour
atteindre son apogée en 1873. La Grande-Bretagne était alors à la tête de la
plus grosse économie mondiale, et en 1884, les économistes ont commencé à
faire référence à la contraction qui a suivi la bulle par les termes
« Grande dépression ». Elle a duré jusqu’en 1895. Les économistes
britanniques ont continué de faire référence aux évènements par ces termes
jusqu’en 1939. L’histoire économique est parfois ironique.
Sans
vouloir entrer trop en détails, je suis d’avis que les grosses bulles
financières de notre ère ont été indépendantes de la démographie. Mais les
contractions qui leur font suite peuvent forcer des transformations
démographiques et des flux migratoires.
L’histoire
financière semble très proche de mettre fin à la première expansion née d’un
effondrement financier. La phase de contraction qui approche ne deviendra
évidente qu’un peu plus tard cette année.
L’année
1873 nous apporte plus d’indications quant aux évènements qui approchent.
Walter
Bagehot était l’éditeur très respecté de The Economist
en 1873, quand il a publié Lombard Street. Ce livre stipulait qu’au travers
du recours judicieux à ses réserves, la Banque d’Angleterre pourrait faire
face à une contraction sévère. La grande dépression s’est alors installée
jusqu’en 1895.
C’est
en cette même année de 1873 qu’un rédacteur pour The Economist
a ainsi résumé l’action du prix du cuivre :
« Au vu des articles publiés par les journaux et magazines, des
hommes de toutes les conditions se sont récemment intéressés au cuivre. On
nous a montré chiffres et argumentations, apparemment conclusifs, selon
lesquels les réserves mondiales de cuivre seraient tant réduits que les prix
de la famine devraient prévaloir. La confiance en l’avenir a été suffisamment
solide pour engendrer une avancée des prix supplémentaire de 25%, plus encore
que ce qui a été perdu il y a peu de temps, ce qui nous apporte une
illustration fraîche de la rapide action des prix en notre ère d’importation
de marchandises depuis les quatre coins du globe. »
La
contraction des prix des actions qui a suivi a été considérable.
Un
indice des producteurs de cuivre a atteint 50,6 en août 1873, pour arriver à
23,1 en février 1879.
Après
un rebond jusqu’à 44,8 en 1881, l’indice du cuivre est passé à 12,7 en mai
1885. Un record à la baisse a été enregistré en 1897.
L’indice
minier et de fonte est passé de 99 en janvier 1871 (la guerre Franco-prusse faisait rage et le monde était sur le point
de manquer de cuivre) à 447 à la fin de l’année 1972. Depuis 419 en 1873,
l’indice a chuté pour atteindre 24 en 1884.
Les
grandes bulles ont été accompagnées par l’idée qu’une agence soit capable de
maintenir la croissance en place. Alors que des difficultés se présentaient
sur les marchés du crédit en 1973, l’Herald, à New York, a précisé dans son
éditorial que rien ne pourrait possiblement mal tourner :
« Il est vrai que certains évènements puissent faire éclater la
bulle commerciale et donner lieu à des convulsions, mais alors que le Secrétaire
du Trésor (les Etats-Unis étaient alors en période de transition en termes de
banque centrale) joue le rôle de banquier pour le pays tout entier, il est
difficile d’imaginer voir naître une condition ou circonstance qu’il ne
puisse contrôler. Le pouvoir a été centralisé en sa personne plus encore
qu’il ne l’avait été en la personne du gouverneur de la Banque d’Angleterre.
Il a le pouvoir d’émettre des représentants papier contre de l’or à hauteur
de plusieurs millions. »
Pendant
l’effondrement, Vanderbilt a écrit ce commentaire concernant la
sur-construction de voies ferroviaires :
« Ces voies ferrées inutiles portent préjudice au crédit commercial
de notre pays à l’étranger. Construire des chemins de fer pour rejoindre deux
nulle parts aux dépens du public n’est pas une entreprise légitime. »