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Missions impossibles

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Published : January 17th, 2011
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FOLLOW : Christine Lagarde
Category : Editorials

 

 

 

 

Alors que la cafouillage européen bat son plein, les Allemands fortement divisés entre eux sur l’attitude à tenir, le retour de l’inflation ajoute une nouvelle menace à celle d’une dette dont on ne sait comment s’en défaire. Ragaillardie et en terrain connu, la BCE reprend pied et fourbit ses armes monétaires.


Une fois encore, les chiffres sont sollicités sans toujours trop s’embarrasser de leur analyse. L’inflation a ceci de miraculeux que, si ses causes sont multiples, son remède est unique : le chiffon rouge agité, les banques centrales remontent leur taux directeur et le tour est joué ! Sans trop avoir à se soucier des facteurs à l’origine des hausses de prix.


Regardons-y de plus près. Eurostat confirme un taux d’inflation de 2,2% pour la zone euro, les Britanniques sont au-delà, connaissant un taux de 3,3% (calculé en novembre dernier en valeur annuelle), et Ben Bernanke annonce que le danger de la déflation a « considérablement baissé » aux Etats-Unis. On remarque que le prix du pétrole et celui des matières premières alimentaires n’y sont pas pour rien, n’ignorant pas leur sensibilité à la spéculation financière. Enregistrant, sans que la corrélation soit formellement établie, les résultats faramineux que vient d’annoncer JP Morgan Chase, intervenant de pointe reconnu sur ces marchés (avec des bénéfices 2010 en hausse de 47% par rapport à 2009, soit 17,4 milliards de dollars).


Si l’on entre dans le détail des hausses de prix, par exemple en Espagne, on constate notamment la forte progression, non seulement du prix des carburants, mais aussi de celui des transports (+9,2%) ou bien du tabac et des alcools (+15,2%). Des exemples de hausses qui doivent à l’augmentation des tarifs et des prélèvements par les pouvoirs publics et les collectivités. Si l’on regarde par pays, pour l’ensemble de l’Union européenne où le taux d’inflation annuel aura été de 2,6% en 2010, on note que les taux les plus élevés sont en Grèce (+5,2%) ou bien en Roumanie (+7,9%), là où la crise est particulièrement forte et la hausse des taxes également.


Dans des proportions incalculables, les hausses de prix sont imputables aux effets de la spéculation financière, ainsi qu’aux effets des plans d’austérité. Pour le moins, il est délicat dans le contexte actuel d’y trouver la marque de la rencontre entre une production de biens insuffisante et une demande en forte progression ! Permettant de mieux apprécier la position de la Bank of England, qui ne touche pas à son taux directeur, mais plus difficilement le retour des foudres rituelles de Jean-Claude Trichet, président de la BCE, qui laisse coire qu’une hausse du taux directeur de la banque centrale est dans ces conditions possible. S’attaquer à la spéculation financière sur les commodities, avec des mesures radicales et des résultats tangibles, serait tout de même plus efficace ! Au lieu de gratter jusqu’à l’os les budgets publics, réaliser une opération vérité sur le système bancaire le serait tout autant.


Quelles qu’en soient les causes, cette inflation va contribuer à la progression des taux obligataires, rendant encore plus illusoires les solutions à la crise de la dette qui continuent à être péniblement mises au point. A ce propos, on ne sait plus qui croire à Berlin. Les libéraux du FPD s’opposent à tout accroissement des moyens du fonds de stabilité européen, tandis que le ministre CDU des finances, Wolgang Schäuble, concède qu’il pourrait être nécessaire. Son entourage évoque sans plus de précision des leviers, sur lesquels il serait possible d’agir. Christine Lagarde suit le mouvement, qui élude tout chiffrage d’une éventuelle augmentation de moyens du fonds, se refusant à suivre son homologue belge Didier Reynders qui parle du doublement des moyens, et se réfugie derrière la perspective d’une réflexion laissée dans le flou sur « la palette de moyens » ou bien « l’architecture du mécanisme » du fonds de stabilité.


Retrospectivement, on comprend mieux la prudence avec laquelle Wolfgang Schäuble a répondu aux avances de José Manuel Barroso, président de la commission, qui voulait qu’un accord soit fin prêt pour le prochain sommet européen du 4 février. Les Allemands sont coincés entre leur rigueur doctrinale à propos des déficits publics et la nécessité de préserver leurs marchés européens, qui leur impose de protéger la zone euro. S’ils peuvent espérer développer leurs exportations en direction des pays émergents – ils s’y activent beaucoup – ils n’en ont pas moins besoin que leur base d’appui européenne ne leur fasse pas exagérément défaut. L’Union européenne absorbe encore 60% de leurs exportations et la zone euro 40%. Ils cherchent parallèlement à limiter le montant de l’addition qui va leur être présentée, s’efforçant à créer les conditions pour que les autres Etats la prenne le plus possible en charge.


A nouveau, les ministres des finances feront le point lundi à Bruxelles, le week-end leur permettant en attendant de poursuivre les discussions. Les Allemands pratiqueront l’art du donnant-donnant, exigeant des garanties d’austérité en contrepartie de l’accroissement de leur engagement financier, faisant couler les noyés en prétendant les sauver. Par son irréalisme, cette situation n’est pas sans rappeler la crise de la dette américaine.


Selon les prévisions du Congressional Budget Office, le déficit américain devrait progresser à une allure vertigineuse si rien n’est fait, la courbe grimpant vers le ciel. Rien dans la situation politique actuelle d’affrontement durable ne permet cependant de prévoir un accord possible entre républicains et démocrates permettant de l’enrayer. Les travaux de la commission bipartisane Bowles-Simson mise en place par Barack Obama, afin d’étudier un plan de réduction du déficit public, n’ont pas pu réunir en son sein une majorité afin d’être présentés au vote du Congrès : ils supposent que soient adoptés des impôts et taxes supplémentaires (dont une TVA substantielle) et que de fortes coupes soient opérées dans les programmes sociaux. De quoi déplaire à tout le monde.


Les coupes qui ont déjà été réalisées par les Etats américains donnent un avant-goût de ce qui pourrait en résulter dans le pays, si des mesures identiques devaient être prises au niveau fédéral. Leur situation financière est de plus en plus fragile, comme l’est celle du marché des obligations municipales (les munis). Un sauvetage fédéral de certains Etats a déjà été étudié, mais il se heurterait à un probable veto républicain, tandis que la Fed a déjà fait savoir qu’il ne fallait pas compter sur elle.


La commission Bowles-Simson a établi entre autre constat qu’en 2025, faute d’intervention, le service de la dette (le payement des intérêts) absorberait la totalité des recettes de l’impôt, son coût multiplié par cinq d’ici là.


Dans cette phase II de la crise, la question sans solution de la dette prend le pas sur toutes les autres. Américains, Européens et Japonais sont logés à la même enseigne, aussi démunis les uns que les autres. Un nouveau gouvernement vient d’être formé à Tokyo, avec une fois de plus la mission impossible de résoudre le problème du déficit abyssal du pays.


Il faudra bien rechercher à un moment donné une solution globale à ces crises régionales, dont aucune n’a de solution isolée, toutes conséquences d’une même bulle financière trop grosse pour être digérée. Mais un verrou existe, celui d’un système monétaire international qui a fait son temps. Les Américains vont s’y accrocher becs et ongles, car sa réforme serait pour eux la fin.

Billet rédigé par François Leclerc

Paul Jorion

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

   

 

 

 

 

 

 

 

 

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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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