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Entre crise
économique, peur du déclassement et échéances
électorales, la mondialisation est devenue une cible
privilégiée dans le débat politique actuel. Démondialisation, altermondialisme,
antimondialisme,
les étendards ne manquent pas et les pamphlets dénonçant
les méfaits supposés de ce phénomène connaissent
un succès non démenti depuis plusieurs années. La
mondialisation est accusée d’être responsable, en vrac, du
chômage dans les pays développés, de
l’appauvrissement des matières premières, de la pollution
de la planète, de la désindustrialisation, de l’explosion
des flux migratoires, l’accroissement des inégalités
sociales.
Toutefois,
c’est sans doute faire un bien mauvais procès à une
réalité dont les principaux bénéficiaires sont
justement les pays qui étaient autrefois classés dans le
« Tiers-monde ». C’est bien la mondialisation, l’internationalisation
des échanges, le partage des innovations technologiques qui a permis
à l’Inde, le Brésil, la Chine ou la Corée du Sud
de connaître un développement spectaculaire, entraînant
avec eux quelque deux milliards d’individus vers le progrès
matériel et la prospérité. Ils ne sont pas les seuls et
les autres pays du Sud ne devraient pas tarder à suivre.
Déjà l’Indonésie ou l’Amérique du Sud
bouillonnent et se préparent à devenir, eux aussi, des
géants.
Et avec le
développement des échanges, les produits n’ont pas
été les seuls à faire le tour du monde. Comme
l’énonçait déjà Montesquieu, dans De
l’esprit des lois, « l'effet
naturel du commerce est de
porter à la paix ». Et les libertés économiques
précèdent les
libertés politiques. Les idées ont voyagé, elles aussi,
et des aspirations démocratiques ont germé sur tous les continents,
du printemps arabe jusqu’aux signataires de la charte 08 en Chine, ce
manifeste signé par plus de 303 intellectuels chinois
et activistes des droits de l'homme pour promouvoir la réforme politique et le mouvement démocratique
chinois dans le pays
Si ce grand
mouvement de libéralisation et de démocratisation semble
toujours trop lent, il est manifeste qu’il n’a cessé de
gagner du terrain partout où il s’est déployé. Les
révolutionnaires tunisiens, égyptiens et libyens sont
d’authentiques enfants de cette tendance. L’utilisation de Twitter, Facebook et les autres
réseaux sociaux a permis non seulement de diffuser les principes de la
démocratie dans ces pays, d’organiser la contestation mais
également de la populariser à l’étranger. En
Birmanie, le droit de faire grève et de se syndiquer a
été adopté le 14 octobre dernier, une première
depuis un demi-siècle. N’a-t-on pas vu également des mouvements de protestation
émerger parmi les travailleurs Chinois, chez Honda et Foxconn en 2010 notamment, pour demander
l’amélioration de leurs conditions de travail ? Pour
timides qu’elles soient, ces réactions semblaient impensables
voilà encore quelques années.
Nul ne saurait
affirmer que le phénomène de la mondialisation est parfait et
harmonieux pour tous. Il existe évidemment beaucoup de
disparités, beaucoup de progrès à faire. En France
notamment, il est manifeste que l’émergence des nouveaux
géants économiques a provoqué malaise et
frustration : déclassement, délocalisations, plans
économiques ont été ressenti durement par les
salariés français.
Parmi les responsables
politiques ou les intellectuels de tout bord, on n’hésite pas
à jeter toutes les avanies sur la mondialisation. Le thème du
protectionnisme économique connaît d’ailleurs un
succès inédit, tant à l’extrême droite
qu’à l’extrême gauche. Mais pas seulement :
même au parti socialiste français, ou au sein de la
majorité présidentielle, on réclame à grands cris
de nouvelles taxes à nos frontières pour lutter contre la
« concurrence déloyale ». Mais historiquement,
le protectionnisme a rarement donné de bons résultats et a
toujours été un puissant facteur de tensions, voire de
conflits.
Il
conviendrait d’interroger d’abord nos propres faiblesses :
pouvons-nous vraiment tenir notre rang mondial lorsque notre droit du travail
est un puissant frein à l’embauche et que la liberté
d’entreprendre est fortement grevée par le poids des
formalités administratives ? Pourquoi les Steve Jobs ou les Bill
Gates se font-ils si rares en France ? Une
législation plus souple et une liberté économique plus
grande auraient pu permettre, depuis déjà longtemps,
d'abandonner des activités pour lesquels nous ne sommes plus
compétitifs pour nous concentrer sur d'autres activités
à très haute valeur ajoutée, sur le tourisme, sur le
luxe, sur l'industrie de pointe, les nouvelles technologies, les services.
La mondialisation est une chance. Un
repli des pays sur leurs frontières constituerait en revanche une
erreur majeure, une source d’appauvrissement et la promesse de nouveaux
conflits. Il serait sans doute plus opportun de tenter d’améliorer
la qualité des échanges, en incitant les gouvernants à
promouvoir la libre circulation des biens et des personnes.
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