Lorsqu'un
champion national marque des points hors de leurs frontières, les
gouvernements sont prompts à se gargariser de l'aide
"décisive" qu'ils lui ont apportée. Lorsqu'un pays
riche inonde de dollars les favoris d'un régime en place, son
gouvernement met en avant son "engagement pour le
développement". Outre que ces actions promeuvent sous le nom
d'« aide au développement » une politique de
népotisme sélectif et sous le nom de
"libéralisme" un « capitalisme de
connivence » aux relents de renvois d'ascenseur, elles
s'effectuent en général aux frais du contribuable. Loin des
clichés de propagande, la réalité de la mondialisation
et la véritable aide au développement reste avant tout une
affaire privée.
En 2011,
d'après la Banque mondiale plus de 215 millions de personnes vivent
hors de leurs pays d'origine. Plus de trois fois la population
française. Un chiffre supérieur de 40% à ce qu'il
était en 1990, renchérit The
Economist. Loin des grands discours, la
mondialisation est, comme de tous temps d'ailleurs, affaire de personnes. De
courageux individus quittent leur pays d'origine pour chercher fortune
ailleurs. Avec deux grandes conséquences:
- ils
créent entre eux une "diaspora" qui fonctionne comme un
formidable réseau professionnel ;
- ils
contribuent au développement de leur pays d'origine.
Aide au
développement : Individus 1 - État 0
Alors que,
paralysées par la crise qu'elles ont elles-mêmes provoquée,
les instances gouvernementales occidentales rognent sur l'aide au
développement et se font coiffer au poteau par la Chine, l'Inde et le
Brésil, le véritable moteur de l'aide aux économies
sous-développées recommence à tourner à plein
régime. La véritable aide au développement, aujourd'hui,
est constituée de l'argent que les émigrés envoient
à leur famille restée au pays. En 2011, la Banque mondiale
estime que ces sommes avoisineront 351
milliards de dollars, soit plus du triple de l'aide au
développement octroyée par les États. De quoi faire
rêver.
Car cet
argent, au lieu d'être gaspillé,
d'enrichir
les amis bien placés du régime, ou de participer à des projets
aussi pharaoniques que dangereux pour l'environnement, parvient sans coup
férir à ceux qui en ont besoin : les gens ordinaires.
Grâce à l'aide de leurs membres partis à
l'étranger, des millions de familles à travers le monde vivent
mieux au quotidien et peuvent choisir elles-mêmes à quoi
consacrer cette manne régulière. Injectées au niveau le
plus bas de l'économie locale, ces sommes font plus pour son
développement que les programmes publics d'aide les mieux
conçus.
Les diasporas, soutiens du
commerce international
Par
ailleurs, les émigrés constituent également une
communauté qui s'étend à travers le monde pour
constituer un réseau d'affaires extrêmement efficace,
basé sur des liens ethniques, voire tribaux ou familiaux. Tout comme
les banquiers juifs ou lombards du Moyen-Âge et les armateurs
phéniciens de l'Antiquité, ces réseaux soutiennent le
commerce international.
Un
très intéressant article, paru dans The Economist le 19 novembre dernier,
relevait par exemple un fait aux antipodes des habituels clichés sur
les relations sino-africaines. La communauté africaine est, en effet,
tellement importante dans la ville chinoise de Guangzhou que le quartier
où ils résident et font des affaires, est désormais
connu des Chinois sous le sobriquet de "Qiao-ke-li Cheng", la "Ville-chocolat".
Tout comme
les entrepreneurs chinois partis à la conquête du continent
noir, les entrepreneurs africains ont rapidement compris
l'intérêt d'établir une tête de pont dans
« l'usine du monde », où ils peuvent faire
produire à bon compte des biens qu'ils expédient et revendent
dans leur pays d'origine. Mais que ce commerce ait lieu
précisément avec la Chine n'est pas un hasard. Les
entrepreneurs africains font comme leurs homologues à travers le
monde: ils s'en vont là où les barrières douanières
et les entraves à la circulation ne les empêchent pas de faire
des affaires et de créer de la richesse. Or, la Chine l’a bien
compris, et ses usines ouvrent grands leurs bras aux clients africains.
Mondialisation
et bien-être
Quelle
leçon tirer de tout cela? D'abord, que la mondialisation, si elle
profite aux États, aux multinationales et à leurs dirigeants
respectifs, est aussi un formidable moteur de développement
économique et humain. Ce n'est pas pour rien que dans son livre Why the West rules
(for now), Ian Morris, professeur
d’histoire à la Stanford University, remarque à juste titre que la
période de prospérité occidentale la plus remarquable
avant la révolution industrielle est l'apogée de l'Empire
romain. L'économie y était alors mondialisée à
l'extrême: des produits importés de Chine et d'Inde par la mer
Rouge parvenaient alors jusqu'aux endroits les plus reculés du Nord de
l'Europe. Oublions un instant le « capitalisme de
connivence » et les collusions malsaines entre États et
"champions industriels". Les vrais progrès sont ailleurs.
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