Quitte à vouloir définir ce qu'on dénomme "monnaie" aujourd'hui
(sigle "C.Q.D.M.A."), ce qui n'est guère habituel comme le
regrettait déjà Henri Guitton en 1979 dans le livre De
l'imperfection en économie, faut-il le définir, par exemple, en
termes de "prix" ou en termes de "coût", étant entendu
que "prix" et "coût" font deux?
Soit dit en passant, il nous paraît important de souligner que
"prix" et "coût" sont deux notions de même nature
économique.
Seulement, si le premier situe d'emblée ex post, à savoir une
fois la marchandise échangée, selon une certaine organisation, à un prix en
monnaie, le second situe soit ex post, soit ex ante et,
dans le cas où il est pris ex ante, ses effets dans l'avenir
doivent être espérés avec incertitude par les personnes (cf. ce texte d'avril 2015
ou ce texte de février 2015).
1. Première définition.
A la fin du XIXème siècle, Vilfredo Pareto avait choisi de répondre à la
question en mettant l'accent sur les "prix" des marchandises.
Il écrivait ainsi, dans son ouvrage de 1896-97, intitulé Cours
d’économie politique :
« 269. Une marchandise en laquelle s'expriment les prix des autres
marchandises, est un numéraire ou une monnaie.
Le numéraire se distingue de la monnaie en ce que
la monnaie intervient matériellement dans les phénomènes économiques, et
le numéraire n'intervient pas matériellement.[...] » (Pareto, 1896-97,
§269)
En d’autres termes, en théorie, certaines marchandises sont des monnaies
et non pas l’inverse, les monnaies ne sont pas des marchandises…
. Monnaie et théorie économique.
Cette définition de la monnaie présente l’intérêt de s’inscrire dans la
théorie économique et de faire référence à des notions d’icelle (marchandises
et prix en marchandise), contrairement aux définitions habituelles,
jusqu'à aujourd'hui inclus, qui sont des métaphores, des mots de
rhétorique "au mauvais sens du mot", quand ce n'est pas
pire, comme:
- d'un côté, vendabilité, pouvoir d'achat ou échangeabilité,
- de l'autre, fonctions, ou bien facilité, obstacle, barrière, friction,
voire imperfection.
En tous les cas, la définition de la monnaie porte sur des résultats,
ceux des prix en marchandise et donc des actes d’échange indirect désirés des
personnes, envisagés ex post, que sont les marchandises échangées à
ces prix.
Elle ne fait pas référence à l’acte d’échange indirect potentiel de
marchandises, ex ante, au pouvoir d‘échange, à l’échangeabilité
marchandise-monnaie ou monnaie-marchandise, bref aux résultats attendus avec
incertitude par les personnes.
2. Définition en termes de "coût".
Or on peut vouloir définir la monnaie par cet acte d’échange ex ante
car, grande différence alors : l’acte d’échange potentiel peut ne pas
déboucher sur un accord d’échange des parties (à la première fois, cas de
l'offre, ou à la seconde de l'échange, cas de la demande) et, dans ce
cas, il laisse entrevoir surproduction, sous consommation, etc.
La définition de la monnaie que je propose s'en inspire.
Elle est à la fois différente des mauvaises définitions habituelles,
mais aussi de la définition à la façon de Pareto même si, comme la
définition de Pareto, elle fait intervenir uniquement des notions économiques
et non pas des métaphores, des mots de rhétorique "au mauvais sens
du mot".
La définition de la monnaie que je propose consiste à dire que la valeur
qu’est la monnaie, procède d'une "marchandise intermédiaire"
- qui a amoindri le coût subjectif de l’échange indirect des marchandises
que se forment les personnes,
- après lui avoir fait prendre, à l'origine, la place de l’échange …
direct de marchandises.
Je mets ainsi en regard l'acte d'échange indirect de marchandises, le coût
subjectif qui lui donne la personne, qui n'est jamais qu'un aspect de la
valeur, et la marchandise intermédiaire "monnaie" (cf. ce texte de février 2015).
On reste ainsi dans la théorie économique, mais, comparées aux notions de
Pareto, les notions employées sont différentes.
Le choix théorique n'est pas le même.
Reste que les monnaies sont des valeurs, quand elles ne mesurent pas
tout simplement celles-ci (cf. Menger
1892 ou ce texte d'avril
2015)…
. La loi de l'économie.
En m'exprimant ainsi, je considère que j'applique la notion discernée par
Frédéric Bastiat en 1850 qui voulait que :
"... c'est dans l'amoindrissement successif de la valeur que le
progrès de l'humanité consiste." (cf. ce texte de mai 2015
ou celui-ci).
La valeur à quoi fait allusion Bastiat recouvre le coût subjectif de
l'acte d'échange.
Son amoindrissement témoigne implicitement de la réalité de la "loi
de l'économie" (cf. ce
texte).
Et cette loi de l'économie est totalement ignorée, au moins aujourd'hui,
par un grand nombre de gens.
Il faut le regretter car la « loi de l’économie » a été
le principe philosophique à partir de quoi les physiciens du XVIIIème
siècle ont découvert ce qui allait devenir la "mécanique
classique".
Ils partaient du principe que "la Nature" menait toutes ses
actions au moindre temps, au moindre effort ou à la moindre action (cf. Omnès
1994).
Et, aujourd’hui, les propos un peu rapides de certains, économistes ou
non, ne parlent plus d’"économie", mais de "mécanique"
! Le serpent se mord la queue...
3. Un dernier mot.
Fort de ces notions, C.Q.D.M.A. apparaît ainsi comme une
illustration de la « loi de l’économie » ou, si on préfère, comme une
variation orientée de la valeur "coût subjectif de l'acte d'échange".
Si le coût subjectif de tel ou tel acte d'échange direct de marchandise
est jugé "trop élevé", il n'y aura pas d'échange ou, le cas
échéant, des inventions seront recherchées pour que les marchandises
deviennent davantage "échangeables", d'une autre façon.
Une fois l'échange indirect inventé et une ou plusieurs marchandises
intermédiaires choisies comme "monnaies" à la place de l'échange
direct, le coût s'avère significativement amoindri pour les personnes,
l'échange indirect des marchandises est développé.
C.Q.D.M.A. "€uro" est encore, semble-t-il, pour l'instant, dans
ce cas de figure.