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L’or a longtemps servi de monnaie, mais
plus aujourd’hui(1).
Investir dans l’or ne fait pas de ce métal une monnaie.
Qu’est-ce que la monnaie? Une monnaie qui sert aux transactions
quotidiennes n'a pas à être métallique. La forme
qu’elle prend a moins d’importance que
le métal dont elle constitue une réclamation. La monnaie, telle
qu’elle se présente aujourd’hui, sans contrepartie
métallique, constitue une fraude incommensurable. Celle-ci ne pourra
se poursuivre longtemps sans entraîner de graves conséquences.
Tâchons d’y voir plus clair.
Rôle et définition de
la monnaie
La monnaie est d’abord un moyen d’échange. On s’en
sert pour payer et comparer biens et services et comme moyen
d’épargne. Elle est conditionnelle à la division du
travail et à la planification à long terme. Elle est donc une
source de prospérité. Toutefois, ces caractéristiques
demeurent incomplètes, car elles laissent entendre que n’importe
quoi peut servir de monnaie. C’est faux, car seuls les biens
répondant à certaines caractéristiques ont
été choisis comme monnaie. Avant d’adopter une monnaie
les gens ne connaissaient que l’échange direct, le troc.
À cette époque lointaine, l’or servait, et sert toujours,
entre autres, d’ornement, de bijou et d’élément
utilisé dans l'art religieux.
À travers les époques, l’or et l’argent ont
été choisis le plus souvent comme monnaie. Il y a moins
d’un siècle on se servait encore, selon le lieu, de
pièces d’or et d’argent dans les transactions
quotidiennes. La durabilité de la monnaie métallique inspirait
confiance; sa malléabilité et sa divisibilité
permettaient de produire une gamme de pièces homogènes; sa
rareté, sa facilité à entreposer et à transporter
en faisaient un objet convoité. Ces pièces étaient
faciles à échanger et étaient reconnues par une vaste
majorité.
Aujourd’hui, considérant les montants d’argent
échangés, il ne serait plus aussi vrai de dire que l’or
est facile à transporter. Les billets, cartes de crédit et de
débit sont plus pratiques. Les autres défauts de l’or
comme monnaie, quant à son rôle dans les transactions
quotidiennes, sont sa lourdeur et les difficultés à le retracer
suite à une perte ou un vol. Si vous vous faites voler une carte de
crédit ou un chèque, vous pouvez limiter les pertes en
demandant de rendre ces substituts inopérants et en vous procurant de
l’assurance. Perdre ses pièces d’or, c’est comme
perdre ses billets. Il faut espérer qu'un bon Samaritain nous les
rendra. Est-ce à dire qu’il n’y a plus d’espoir de
revoir une monnaie métallique?
Je crois que les substituts (billets, dépôts, certificats, etc.)
sont ici pour rester. Ces substituts constituent de la monnaie en autant
qu’ils servent de moyens d’échange. Une monnaie sans
contrepartie métallique n’en demeure pas moins une monnaie, mais
plus précisément une fausse monnaie. On parle alors de monnaie
fiduciaire, soit un substitut qui ne se substitue plus à rien. Ainsi,
il y a monnaie légitime en autant qu’elle soit métallique
ou que son substitut constitue une réclamation du métal
remboursable sur demande.
L’étalon-or
L’or n’a nul besoin d’être utilisé dans les
transactions quotidiennes pour être qualifié de monnaie, mais il
doit agir minimalement comme valeur de référence. L’or a
bien un prix, mais il ne sert plus d’étalon auquel les autres
biens et monnaies se mesurent et se comparent. Il sert à peine
d’épargne, mais cela pourrait changer rapidement. Ces
caractéristiques sont essentielles pour en faire une monnaie
légitime. D’ici le rétablissement de cette monnaie, on se
contente de la fausse monnaie à ses risques et périls. Pour
revoir l’or comme monnaie il suffit de refuser la fraude,
c’est-à-dire la banque centrale et les réserves
fractionnaires. L’or a toujours été la monnaie de choix
de l’homme libre, mais l’homme de l’État ne veut pas
d’hommes libres. Le politicien dit être capable de faire mieux
que ce que chacun de nous peut faire dans un contexte de liberté. Il
prétend faire le bien, alors qu’il ne fait que la dictature du
bien.
Banque centrale et réserves fractionnaires
Lorsque
l’or servait d’étalon les récessions pouvaient
être fortes, mais elles étaient toujours courtes. Les
réserves limitées d’or empêchaient
l’expansion aveugle de l’activité économique.
Cependant, l’incompréhension manifestée par les
étatistes envers le marché leur fait considérer la
maladie pour le traitement(2). Ils
considèrent le manque de réserves comme étant la cause
des récessions, de sorte qu’ils font place à la monnaie
fiduciaire d’abord et surtout au moyen du système des
réserves fractionnaires.
Si les cycles économiques existent, cela est essentiellement dû
au système des réserves fractionnaires. Ce système
côtoie l’or comme monnaie depuis quelque 500 ans. Il permet aux
banques de prêter plus de substituts monétaires qu’elles
possèdent d’or dans leurs coffres. Un banquier n’admettra
pas que son système est frauduleux, soit parce qu’il le croit
ainsi (une majorité), soit parce qu’il se contente de la
légalité du système. Effectivement, les politiciens ont
presque toujours cautionné cette pratique.
Ces derniers ont d’ailleurs souvent accentué la fraude à
l’arrivée d’une guerre en empêchant les gens de
reprendre leur or pour mieux le voler par suite sous le couvert de
l’urgence nationale. En 1914, en Europe, ils en ont fait une pratique
permanente. À cette date, la Première Guerre mondiale
éclate. Les banques commerciales brisent leurs contrats et ne
remettent plus l’or à leur propriétaire. Il y a
confiscation de propriété, ratifiée par les
gouvernements. À leur tour, les gouvernements confisquent l’or
aux banques non pas pour le remettre aux propriétaires
légitimes, mais pour se l’arroger. Selon les gouvernements,
voler le peuple n’est pas cher payé pour tuer l’ennemi.
L’ajout d’une banque centrale au système des
réserves fractionnaires coordonne et accentue la création de
crédit ou l’expansion monétaire. Qui dit création
de crédit, dit également expansion économique, mais
aveugle. Après une forte expansion aveugle de l’économie
survient inévitablement une contraction.
Les banquiers veulent les avantages de l’étalon-or: prix stables
ou légèrement à la baisse, économie en
croissance, échange international et monnaie qui maintient sa valeur.
Mais ils ne veulent pas ses inconvénients: prêts limités
par les dépôts et profits limités au rôle
d’entremetteur. En sacrifiant les racines au profit des fruits ils
obtiennent le contraire de ce qu’ils voulaient, soit des cycles
économiques, faillites, perte de pouvoir d’achat, rêves
brisés et révolutions.
Du moment que les banques centrales
ont été créées l’étalon-or n’a
plus été qu’une parodie. Le nom reste, mais pas le
contenu. Les marchés sont inondés de monnaie fiduciaire qui
prend rapidement toute la place. Les réserves sont alors
constituées d’or et de papier. À force de s’amuser
avec leur nouveau jouet les banquiers de l’État ont causé
la Grande Dépression. Étant donné que l’or avait
encore un rôle les hommes de l’État l’ont
pointé d'un doigt accusateur pour ensuite le confisquer à la
population. Seul l’or et le marché, qui lui a donné
naissance, peuvent être coupables aux yeux des politiciens et de leurs
valets. Une répétition de cette triste époque est donc
à prévoir étant donné que la seule monnaie qui
existe dans le monde est aujourd’hui fiduciaire.
L’avantage d’une banque centrale pour un État est
qu’elle permet une création illimitée de monnaie.
Cependant, cette monnaie n’ayant plus de contrepartie métallique,
n’étant plus un bien, ne constitue qu’une simple promesse
de payer, c’est-à-dire un crédit, une dette. Plus les
banquiers mettent en circulation de monnaie fiduciaire, plus il y a de dette.
Cela permet aux dirigeants gouvernementaux de vous offrir toutes sortes de programmes
sociaux au prix d’un endettement croissant. Pour payer ces programmes
ils vous taxent et vous empruntent tout en dévaluant la valeur de
leurs obligations envers vous en créant constamment de la monnaie de
crédit. Inflation, duperie et fraude caractérisent ce
système. Il est légal, mais illégitime et de plus en
plus dangereux.
Sous un régime d’étalon-or non perverti par
l’État, les dettes qu’une société peut
supporter sont déterminées par ses actifs tangibles. Chacune de
ces dettes constitue une réclamation d’un actif. Dans pareil
régime, les obligations gouvernementales ne se vendent que dans la
mesure où il y a compensation adéquate sous forme de taux
d’intérêt plus élevé. La capacité
d’emprunt des gouvernements se trouve ainsi sévèrement
limitée. Étant donné que les gouvernements
n’aiment pas être limités, ils ont volé l’or
de vos ancêtres et exigé leur confiance. Aujourd’hui,
lorsqu’ils vous empruntent de l’argent, c’est pour mieux
vous taxer par la suite, car depuis cette époque les obligations
gouvernementales n’ont plus aucune contrepartie si ce n’est que
la taxation et l’inflation. Ils vous demandent l’argent de votre
poche gauche, la dévaluent et vous remboursent, tant qu'ils le
peuvent, par l’argent qu’ils vous soutirent de votre poche
droite.
Grâce à ce système monétaire inique, il y a
beaucoup plus de dettes qu’il n'y a d’actifs. En
conséquence, les prix de certains actifs augmentent, du moins pour un
temps, et l’épargne des gens perd de sa
valeur. Vous avez fait des sacrifices pour vous payer quelque chose plus
tard? Le gouvernement ne s’en fiche peut-être pas, mais
puisqu’il désire d’abord satisfaire sa clientèle du
jour, c’est tout comme. L’inflation dans pareil système
est due uniquement au gouvernement. Les économistes ont tendance
à la cacher non pas tant par complicité que par endoctrinement
aux écoles de pensée dominantes. Les analystes financiers ne la
comprennent pas davantage et les médias s’y abreuvent. Les gens
ont aujourd’hui de gros diplômes, mais leur compréhension
n’a pas suivie, du moins certainement pas celle de la
praxéologie. Lorsqu’on ne peut définir le mal, on ne peut
le prévenir.
Les conséquences de l’inflation se présentent
aujourd’hui non pas tant dans les biens de consommation que dans les
marchés boursiers, obligataires et immobiliers, tous exclus des
indices d’inflation. Ces indices sont des moyennes qui excluent les
habitudes particulières des gens. Or, plusieurs individus consomment
essentiellement les mêmes choses toute leur vie et peuvent être
affectés beaucoup plus que la moyenne par l’inflation. Celle-ci
ne frappe pas tout le monde également. Certains en
bénéficient, mais plus elle dure, plus la perte de pouvoir d’achat
affecte tout le monde.
Une monnaie fiduciaire est un guide dont la vue faiblit avec
l’âge. Les décisions qui en découlent sont
faussées et entraînent cycles économiques et
redistribution aveugle de richesse. La monnaie métallique est la seule
monnaie légitime qui ait existé. Seule elle protège la
propriété des gens, par conséquent les droits
fondamentaux. L’or est indissociable du libéralisme dans son
sens le plus profond, c’est-à-dire la raison, et son retour est
non seulement inévitable, mais il est déjà
commencé.
Vente et location d’or par les banques centrales
La plupart des banques centrales se départent de « leur »
or. Il est soit vendu, soit loué. Cependant, il est peu probable
qu'elles le revoient, car les institutions financières qui l’ont
loué, à un taux ridicule, l’ont ensuite vendu aux
investisseurs. Il s’agit d’une entente tacite entre les partis.
Les banquiers de l’État agissent ainsi, car cela leur sauve des
frais d’entreposage. Payer pour un produit qui, à leurs yeux, ne
sert plus à rien est une raison suffisante de s’en
défaire. Cette vente déguisée leur procure
d’autres avantages: une dépréciation de l’or qui le
rend moins intéressant aux yeux des investisseurs et une «
inflation » qui apparaît moins élevée
lorsque mesurée par le prix de l’or. Toutefois, cette pratique
ne peut durer que le temps que les banquiers de l’État en
possèdent. Or, selon des études, qui s’accumulent, il en
reste beaucoup moins dans les coffres des banques centrales que les gens le
pensent(3).
Le bon côté de ces manipulations est que l’or se retrouve,
de nouveau, de plus en plus dans les mains de la population. Procurez-vous le
et gardez-le précieusement, car il pourrait être un des rares
actifs à ne pas perdre de sa valeur lors des prochaines années.
Les gouvernements n’ont aucun pouvoir face à une population qui
rejette une monnaie fiduciaire. De sorte que pour maintenir leur pouvoir
certains d’entre eux tenteront de rétablir un lien quelconque
entre la monnaie et l’or. Cependant, la plus grande qualité de
monnaie qui puisse exister est celle offerte librement, sans intervention
aucune du gouvernement. Moins le gouvernement se mêlera des questions
de monnaie, plus il y aura prospérité. Le jour où une
majorité transigera avec l’or ou exigera des garanties quant
à la convertibilité de leurs substituts en or, celui-ci
redeviendra monnaie pour le bénéfice de tous.
* Ce texte
est inspiré d’une série d’articles
intitulée « The
Gold Wars » de Gary North
et d’un essai d’Alan Greenspan publié en 1966.
Jusqu’en 1971, la monnaie trouvait encore un certain appui en
l’or. Alan Greenspan est aujourd’hui président de la
puissante Réserve fédérale américaine. Il connaît
le rôle de l’or comme monnaie mieux que la plupart des gens
évoluant dans le secteur financier et ailleurs, mais pour des
raisons sur lesquelles on ne peut que spéculer il est
peut-être celui qui a permis la plus grande et la plus rapide
dévaluation du dollar de l’histoire des États-Unis. La
seule raison qui me vient à l’esprit pour expliquer cette
témérité est qu’il pensait, peut-être pas
tout à fait à tort, au moment d’accepter le poste de
président en 1987, que le gouvernement américain n’envisageait
pas un retour à l’étalon-or et que, dans ce contexte,
il préférait la sécurité d’emploi du
fonctionnaire à gérer la monnaie au travail dans le secteur
privé. Ce faisant, il aura assuré son avenir personnel au
risque de détruire celui de millions de gens. Ses actions font
avancer l’idée d’un retour à
l’étalon-or, mais de la manière la plus coûteuse
qui soit.
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1. Les
banques centrales, du moins celles qui détiennent encore de
l’or, peuvent régler leurs transactions entre elles par
transfert d’or, mais cette pratique est tellement loin du quotidien
des gens qu’il m’apparaît légitime de dire que
l’or ne sert plus de monnaie. >>
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2. Je
parle des étatistes et de leur incompréhension du
marché, car cela est le lot de la majorité. Il y a encore
moins de gens qui comprennent le rôle de l’or comme monnaie.
Cependant, ce n’est pas parce qu’il y a compréhension
qu’il y a assentiment ou encore respect des règles. Au
début du siècle, une poignée de gens très
influents ont encouragé les politiciens à
démonétiser l’or. Ces banquiers étaient aussi
bien étatistes que capitalistes, car une partie des
bénéfices qu’ils tiraient du système bancaire se
faisait au détriment des autres. Cela n'a pas changé depuis.
Les dirigeants gouvernementaux qui ont suivi leurs conseils ne sont pas des
victimes pour autant: d’abord, parce que ce sont eux qui leur ont
attribué ce pouvoir, ensuite parce qu’ils y trouvaient leur
compte, nommément par une emprise plus large sur la vie des gens. Voir « A
History of Money and Banking in the United States: The Colonial Era to
World War II » de Murray N. Rothbard.
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3. Ted
Butler, en 1997, a adressé une
lettre à Alan Greenspan dans laquelle il dénonçait
les manipulations de l’or et de l’argent. Dans cette lettre,
Butler épargne la Réserve fédérale plus par
politesse qu’autre chose. Ce texte est concis et va droit au but. Depuis
lors, Butler n’a cessé de dénoncer ces manipulations.
D’autres études substantielles se sont ajoutées depuis,
soit celle de la Gold
Anti-Trust Action Committee et,
récemment, celle de Sprott Asset Management Inc.
>>
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André
Dorais
André Dorais a étudié en
philosophie et en finance et vit à Montréal. Essai originellement publié par
Le Québecois
Libre
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