Attendez une minute. Ils sont
déjà morts. Le Brexit n’a fait que révéler que certains ne s’étaient pas
encore fait ronger le cerveau. Une contagion virale menace désormais les
institutions zombifiées de la vie de tous les jours, notamment dans les domaines
de la politique et de la finance. De la même manière que les zombies n’existent
que dans l’imaginaire collectif, il en va de même pour ces deux activités de
la société, qui opèrent sur le principe de la confiance, un produit éphémère
de l’intellect commun.
Quand un système complexe sur
lequel le stress commence à peser trop lourd s’effondre, il le fait très
rapidement. C’est ce que l’on appelle un changement de phase. Bien trop d’aspects
de la vie de tous les jours dépendent désormais de la confiance accordée à
ceux qui se trouvent au pouvoir et à leur capacité à savoir ce qu’ils font. Cette
confiance a pu survivre grâce à la création de monnaie à partir de rien :
dette, émission d’obligations, assouplissement quantitatif, plans de
refinancement, Operation Twist, combines à la Ponzi… le triste arsenal de
combat de la nécromancie bancaire. Les politiciens ont laissé la situation
devenir hors de contrôle. Ce qui ne peut pas durer indéfiniment finit
toujours par prendre fin.
Au Royaume-Uni, la sphère
politique dérape à la manière d’un glissement de terrain. Et puisque tous
ceux qui gravitent autour de la sphère du pouvoir sont à blâmer pour la
situation nationale, il n’existe plus personne vers qui se tourner, du moins
pour le moment. Le parti travailliste vient de rejouer The Caine Mutiny, avec Jeremy
Corbyn dans le rôle de Captain Queeg. David Cameron, le conservateur, a donné
son préavis de trois mois sans l’ombre d’un successeur. Et maintenant, l’entourage
de Cameron fait croire aux médias qu’il pourra simplement traîner des pieds
jusqu’au Brexit, ou plutôt ne rien faire afin de ne pas en arriver là avant
un certain temps. C’est bien évidemment ce qu’ont fait les escrocs des finances
et du système bancaire - repousser l’inévitable réalignement aux
réalités de notre temps : rareté des ressources, surpopulation,
changements climatiques, holocauste écologique, et retombées néfastes de la
technologie.
Le Royaume-Uni illustre
parfaitement le problème : comment produire du « capital »
sans produire de capital. Ce qu’on appelle la City, ce petit quartier de
Londres, son propre Wall Street. En l’absence de production de capital réel,
la City est devenue la pierre angulaire de l’économie britannique, un
organisme parasite qui a joué le rôle de station de transfert centralisée
pour les fraudes du monde, et transformé ce qu’il restait du capital
occidental en un purin de frais, de commissions, de paris truqués et d’arnaques.
Dans le même temps, elle a permis à la Banque centrale européenne de gérer l’escroquerie
qu’est devenue l’Union européenne, avec ses fatales distorsions de crédit qui
ont fait basculer ses membres par-dessus bord et fait tomber les banques
privées européennes de la falaise, à la Thelma et Louise.
Le prochain épisode de ce
mélodrame global consistera en ce qui se passe toujours lorsque les devises
et les taux d’intérêt se délient complètement de leurs rôles assignés de
pigeons du racket financier. Tôt ou tard, nous saurons ce qui se passe dans l’univers
ténébreux des produits dérivés, notamment en matière d’arrangements innovants
qui jouent le rôle d’assurances contre les pertes de positions sur les
devises et les taux d’intérêt – les paris placés sur les fluctuations de ces
choses. Lorsque les devises grimpent ou chutent brutalement, ces swaps sont
enclenchés, et une institution malheureuse se retrouve à payer les pots
cassés. Un zombie est déjà suffisamment terrible à lui seul. Un zombie qui se
trouve à réparer les pots cassés peut bien être synonyme de fin du monde.
Une fois que commencera la
contagion, ceux qui sont aujourd’hui en charge ne pourront plus s’en dépêtrer
comme ils l’ont fait la dernière fois : en la noyant de monnaie venue de
nulle part. Du moins pas sans générer une véritable inflation. Le genre d’inflation
qui cause la ruine et d’intenses soulèvements politiques, qui transforme une
nation. C’est déjà ce qui attend les Etats-Unis au tournant, alors que les
très détestables Hillary et Trump remettent en scène Punch et Judy face à une
audience dégoûtée. Les deux représentent la mort de la confiance des
Etats-Unis en le monde politique. Les partis qui les ont créés tourbillonnent,
impuissants, vers le siphon de la crédibilité. Ils ne survivront pas sous
leur forme actuelle.
Qui sait ce qui ressortira de
tout cela, quelle bête féroce se traîne lentement vers Washington.