Chers lecteurs,
N’oubliant jamais que la
prudence, et non la spéculation (les actions sont là pour ça), est la raison
première de posséder de l’or, j’essaie souvent d’illustrer cette idée grâce à
des exemples du monde réel. Je viens de recevoir cette semaine le point de
vue instructif de l’un de mes amis, revendeur d’or à Moscou, qui vient de
faire l’expérience d’un bouleversement économique majeur.
Je vous encourage de
lire ce qu’il m’a écrit, mais ne considérez pas son expérience comme un
évènement russe qui ne pourrait pas survenir chez vous, où que vous soyez.
Nous avons vu des évènements similaires se développer au cours de l’Histoire
et tout autour du monde. Restons prudents.
Bien à vous,
Note de l’éditeur :
Dmitriy Balkovskiy est un revendeur d’or basé à Moscou, avec qui je me
suis déjà entretenu par le passé. Depuis l’effondrement du rouble, il a fait
l’expérience d’évènements intéressants dans son pays. Je lui ai donc demandé
de m’en dire plus.
Par Dmitriy Balkovskiy :
J’aimerais d’abord
revenir sur l’article « Gold Was Up 73% Last Year », écrit par Jeff Clark au
sujet de la situation en Russie.
Premièrement, une légère
correction… Jeff décrit un investisseur assis dans un café moscovite, lisant
dans un journal russe un article traitant de la hausse phénoménale du prix de
l’or en roubles. En réalité, les articles qui traitent de l’or sont
généralement publiés en page 17 et très difficiles à localiser. Les hommes « sérieux »
s’intéressent aux actions et à l’immobilier, et les pièces et barres d’or
sont réservées aux plus naïfs. En ce sens, la Russie n’est pas différente des
Etats-Unis, peut-être même pire.
Mais passons maintenant
à mon expérience personnelle…
- Notre
boutique se situe à 200 mètres de l’entrée du Kremlin, juste de l’autre
côté de la rue. Nous recevons parfois des visiteurs venus d’entre ces
murs. Au début de l’après-midi du 16 décembre, un ouvrier ukrainien du
bâtiment est entré dans l’espoir d’acheter une Philarmonique autrichienne
d’une once. Il venait d’achever un travail de reconstruction de
plusieurs mois au Kremlin, et cherchait à se débarrasser de ses roubles
en faveur d’actifs physiques (notez que le 16 décembre 2014 a déjà été
surnommé Mardi noir. Ce jour-là, le rouble est passé de 58 à 72 roubles
par dollars en quelques heures).
Il ne faisait aucun doute que cet homme s’était déjà brûlé
les doigts dans sa vie. Il désirait pouvoir vérifier l’authenticité de sa
pièce de toutes les manières possibles. Quand il a passé notre porte, la
pièce qu’il cherchait se vendait 86.000 roubles. Il nous a fallu environ 30
minutes pour terminer la procédure d’authentification – et quand nous avons à
nouveau regardé le prix de la pièce, il était passé à 100.000 roubles. Malheureusement,
notre client n’avait que 90.000 roubles en poche. Son investissement lui est
littéralement passé sous le nez.
Il m’a confié avoir toujours eu envie de s’acheter une
grosse chaîne en or, et je lui ai conseillé une bijouterie située à proximité.
« Les prix y changent moins souvent », ai-je dit. Il est parti avec
un soupir.
- Le
même jour, je me suis rendu dans une succursale locale de Sberbank (la
plus grosse banque de Russie), que j’ai trouvée bondée de monde. Il y
avait peut-être cent clients à l’intérieur. Tous avaient l’air maussade
et tous étaient déterminés à retirer des roubles pour acheter des
dollars ou des euros aussi vite que possible. Je me suis adressé aux
banquiers que je connaissais : « Nos chers compatriotes se
jettent une fois de plus sur des actifs physiques à prix fort ! ».
Certains ont ri. J’ai trouvé à la fois douloureux et drôle de voir des
Russes commettre une nouvelle fois la même erreur.
- Une caissière
assez âgée de mon supermarché local, en réponse aux rumeurs concernant
le possible gel des comptes en banque, a dit : « Ils vont nous
prendre notre argent comme en 1990 ». Je lui ai demandé pourquoi
elle ne se tournait pas vers l’or et l’argent sur le long terme.
Commentaire auquel elle a répondu par « Et pour quoi faire, pour
les manger au dîner ? »
- L’un
de mes amis, découragé, m’a annoncé devoir acheter des euros pour payer
son loyer (les loyers sont souvent foxés en euros à Moscou), bien que
tous les bureaux de changes soient en pénurie d’euros.
- Il y a
quelques jours, j’ai entendu cette conversation dans un magasin de
produits électroniques : « Chérie, j’ai encore quelques
roubles en poche, laisse-moi acheter une troisième télévision écran plat ».
Nous voilà maintenant au
milieu du mois de janvier. Un dollar s’achète pour 65 roubles. Des leçons
ont-elles été tirées de la situation ? Les Russes se sont-ils transformés
en enthousiastes des monnaies physiques ? Malheureusement, le dollar et
l’euro (et même les télévisions écran plat) leur semblent toujours être de
meilleurs havres de protection que l’or.
Qu’en est-il de tous ces
articles concernant les achats d’or de la banque centrale russe ? Seuls
très peu de Russes y prêtent attention. Ces achats n’ont pour l’instant
influencé les décisions financières de personnes… mais elles le devraient –
la Banque de Russie a acheté 171 tonnes d’or l’année dernière, plus que n’importe
quelle autre banque centrale du monde.
A l’heure où j’écris ces
lignes, un site russophone est truffé d’annonces publicitaires offrant des
produits ménagers pour 32.000 roubles au lieu de 40.000.
Cela signifie-t-il qu’il
n’y aura pas de marché haussier de l’or en Russie ? Je pense qu’il
serait une erreur de tirer cette conclusion. Voici pourquoi :
Premièrement, à la fin
de l’année 2014, nous avons enregistré une forte hausse des ventes d’or et d’argent.
Certaines sources locales ont déclaré que leurs ventes de pièces avaient
grimpé de 50%, parfois même de 100%. Nos volumes de vente ont aussi grimpé en
décembre par rapport à l’automne. Mais le mois d’avril 2013 a été bien plus
actif en termes de volumes et d’intérêts. Gardez à l’esprit que nous sommes
partis d’une base très faible.
Le signe le plus
prometteur est la réapparition, après une longue absence, d’acheteurs de gros
– ils achètent parfois jusqu’à 50, 100 voire 150 onces en une fois. Ils sont
souvent des hommes d’affaires venus de province qui cherchent à « geler »
leur épargne sur le long terme. Ils achètent toujours les pièces d’une once
les plus neuves et les moins chères. Le concept de propriété de métal
précieux est peu à peu adopté par les hommes d’affaires russes.
Un évènement financier
majeur ou une hausse soudaine du prix de l’or en dollars servira de
catalyseur à une ruée vers l’or. Une perte de confiance en les devises
occidentales pour des raisons politiques ou économiques pourrait pousser les
Russes à agir.
Deuxièmement, la
propriété d’or est une habitude que j’aime appeler « hygiène financière
personnelle ». De nombreuses manières, la Russie est au-devant du monde
développé en termes de prudence face à la dette et d’opposition aux aides
sociales. En voici deux exemples :
- Dette liée aux prêts immobiliers : les Russes
achètent aussi des biens immobiliers grâce au crédit, mais la taille de
ce marché est minuscule. Il existe environ 51 milliards de dollars de
dette résidentielle en Russie, pour 144 millions de personnes. 3,5% de
ce marché est représenté par des devises autres que le rouble. Ce n’est
rien du tout en comparaison aux Etats-Unis – et pourtant, vous devriez
entendre la rhétorique anti-dette des médias locaux.
- Allocations chômage : voici un gros titre
intéressant « le taux de chômage devrait grimper à Moscou de 0,5% d’ici
à 2017 ». A partir de 0,35% (25.100 personnes). Il y a environ 13
millions d’habitants à Moscou, et le taux de chômage réel est en réalité
bien plus élevé.
Les allocations chômage les plus élevées sont de 78 dollars
par mois, et ne concerne que les anciens directeurs et membres de direction.
Vous ne pouvez compter sur des allocations que pour une durée de trois mois,
tout en ayant à participer à des foires pour l’emploi, des séminaires, etc.
Pour remettre cette somme en perspective, les appartements les moins chers
coûtent ici entre 50.000 et 60.000 dollars. En conséquence, les Russes ne se
font pas recenser par le bureau de chômage. Ils essaient de s’en sortir tous
seuls.
Une majorité des Russes
privilégie l’épargne. L’or pourrait très bien s’intégrer dans leur mentalité
financière.
Il est temps pour les
Russes, les Américains et tous les autres de se réveiller, de se rendre compte
des dangers de la débauche étatiste, et de se préparer aux épreuves à venir.