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Dans un podcast
enregistré la semaine dernière, Duncan et moi débattions
au sujet d’un concept des plus intéressants introduit
récemment par le blog de Nicole Foss, The Automatic
Earth. Ce concept est surnommé
‘horizon de confiance’, et met l’accent sur la perte de
légitimité de la hiérarchie politique. Cela signifie que
les citoyens cessent de faire confiance aux gouvernements centraux ou
fédéraux et
finissent par porter leur intérêt à une échelle
plus locale. Ainsi, la vie se décentralise et se localise par
nécessité. Votre propre ‘horizon de confiance’
s’étend simplement aux personnes, entreprises, institutions et
autorités qui sont les plus proches de vous – le banquier que
vous allez rencontrer en face-à-face, le maire de votre petite ville,
les agriculteurs locaux… Dans le même temps, tout ceux qui vous
sont distants vous semblent de plus en plus impuissants et absurdes –
voire même dangereux s’ils se mettent à battre de
l’aile et tentent de réimposer leur influence en déclin.
Il est
évident que nous soyons actuellement, en Europe et aux Etats-Unis, au
cours des premiers stages de ce processus, dans la mesure où les
institutions les plus importantes, telles que la Réserve
Fédérale, la branche exécutive de Barack Obama, le
Congrès Américain (au même titre que la BCE), le
Département de la Justice, le Trésor, et autres institutions
managerielles, faillissent d’une manière ou d’une autre
à remplir la mission première qui leur est
conférée.
Les citoyens
des Etats-Unis, ayant été mis de côté et
escroqués de si nombreuses fois par ceux en qui ils faisaient
confiance et qu’ils ont librement élus, ont l’air
complètement hébétés. Ceci est peut-être
dû à leur obsession pour les zombies et les morts-vivants
– qui semblent aujourd’hui être les seuls à mener
une vie normale (du moins au cinema ou à la
télé).
Le gourou de
l’investissement James
Dines a introduit une nouvelle idée symbolique au cours de
l’enregistrement du podcast d'Eric King la semaine dernière. Ces
quelques dernières années, James Dines s’est plus concentré
sur la psychologie de groupe que sur l’analyse technique des
marchés – qu’il semble percevoir comme étant
similaire à la lecture d’augures dans des entrailles de poulet.
Il a introduit le terme ‘murmuration’
afin de décrire la rapidité à laquelle les
activités humaines sont susceptibles de changer. Ce mot
réfère à des comportements qui sont également
observables chez d’autres espèces, comme par exemple à la
manière dont une nuée d’étourneaux change de
direction en plein vol dans signe apparent de communication. Nous
n’avons aucune idée des raisons et modalités de ce
comportement. Il semblerait qu’il existe entre eux une sorte
capacité cognitive collective qui dépasse notre
compréhension.
Dines
suggère que les agitations et bouleversements politiques de ces
dernières années représentent une forme de ‘murmuration’ humaine qui nous mènera vers
des changements importants en termes de géopolitique et
d’économie. J’ai souvent dit 1) que l’histoire ne se
répète pas toujours, mais qu’elle rime souvent (merci,
Mark Twain), et 2) que notre époque ressemble grandement aux
années 1850. Pour être plus précis, ces concepts actuels
‘d’horizon de confiance’ et de ‘murmuration’
riment avec la révolution de 1848 et les évènements qui
s’en sont suivis.
Le printemps
de cette année 1848 fut le théâtre d’un tournant, alors
que les vagues de mécontentement balayant la société
Européenne débouchèrent sur des insurrections
simultanées en France, en Prusse, en Autriche, en Italie, en Pologne,
ainsi qu’en Amérique du Sud et quelques autres pays – et
ce malgré l’absence de la télévision et de
l’internet. Cependant, les bouleversements de 1848 eurent lieu peu de
temps après l’installation de la première ligne
télégraphique entre Annapolis, Maryland, et Washington, DC
(puis en Europe). Ce fut également dans le même temps que les
premiers réseaux ferroviaires furent installés.
Au mois de
février de cette année, le roi de France Louis-Philippe fut
forcé d’abdiquer après un règne de 18 ans au cours
duquel prospérité et paix furent les maîtres mots. En
mai, les manifestations de rue et la violence se propagèrent à
travers les royaumes, duchés, et principautés (Prusse, Saxe,
Hesse, Fulda…) et débouchèrent sur la création du
super-Etat Germanique. L’Empire d’Autriche entra en
décadence alors que ses états constituants furent victimes d’émeutes.
Même les Suisses devinrent complètement fous. Et ainsi de suite.
Entrèrent ensuite en scène Marx et Engels, avec une nouvelle
théorie politique, et ce pour l’excellente raison que la révolution
industrielle avançait à grands pas et que les conditions de vie
changeaient à une vitesse à couper le souffle. Les habitants
des campagnes quittèrent les villages pour travailler dans les usines
nouvellement implantées de parts et d’autres du continent., et
les effets dévastateurs de cette nouvelle forme d’esclavage les
poussa à former de nouvelles solidarités. Le tumulte de 1848
laissa derrière lui de nombreuses transformations. Mais il
entraîna également d’étranges réactions de
droite.
En France, par
exemple, Louis-Philippe fut envoyé en exil (en Angleterre), et une
nouvelle république fut instaurée – mais le
président qui fut élu pour la diriger était le neveu de
Napoléon Bonaparte, qui, après seulement quelques mois,
s’autoproclama ‘président à vie’, puis
Empereur. Il n’était pas un mauvais dirigeant. Parmi ses
réalisations, nous pouvons compter la rénovation de la ville de
Paris, en ayant fait la ville de lumières que nous admirons tant
aujourd’hui. Il fut cependant renversé 22 ans après son
arrivée au pouvoir par la guerre Franco-Prussienne.
Dans tous les
cas, le fait est que de très nombreuses personnes d’un
même continent eurent la même idée quasiment au même
moment, et exprimèrent ensuite cette idée de manière
violente. Mais regardons comment les choses ont tourné aux Etats-Unis.
Vous avez certainement pu remarquer qu’il n’y eut aucun
bouleversement significatif dans ce pays en 1848 (malgré la guerre
contre le Mexique). Cependant, une nouvelle génération y
était née, et une révolution d’idées s’y développa, avec par
exemple le transcendantalisme d’Emerson et de Thoreau, et le mouvement
en faveur de l’abolition de l’esclavage. Cette combinaison de
notions idéalistes se développa durant une décennie
entière et entraîna une ‘murmuration’
qui précipita, au XIXe siècle, le plus important bain de sang
du monde civilisé : la Guerre Civile Américaine. La
révolution de 1848 s’exprima de manière épouvantable
à l’endroit où l’on s’en croyait le plus
à l’abri.
Ainsi, lorsque
vous lisez un idiot comme Paul Krugman
prêcher l’arrivée d’une ère nouvelle de paix
aux Etats-Unis à la première page du New York Times, préférez avalez un bon demi-kilo de
sucre kasher plutôt que de le croire. James Dines a raison, une ‘murmuration’ humaine est en chemin, vibrant
déjà telle une corde de contrebasse à travers les unités
politiques de la planète. Attendez de voir ce qu’il se produira durant
cette nouvelle année à venir.
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