Impossible de parler de Las
Vegas sans parler de Murray Rothbard, appartenant à l’école d’économie
autrichienne, qui y fut professeur d’université de 1986 à
1991. Doug French, qui l’a bien connu, était à la FreedomFest. Il parle de sa rencontre avec Rothbard.
À l'automne 1990, Doug
French travaillait dans les prêts immobiliers commerciaux à la
Security Pacific Bank et poursuivait une maîtrise en économie
à l’UNLV (Université du Nevada à Las Vegas). Il avait
besoin d'un cours pour remplir une case de son emploi du temps, mais le seul
cours disponible était celui enseigné par un excentrique
(« kook »), selon
l’expression d’un de ses camarades de classe.
C’est ainsi que French,
sans le savoir, s’est inscrit au cours d’histoire de la
pensée économique de Murray Rothbard. « Je
suis allé au cours de Murray et j'ai été frappé
par la foudre. Ma vie a changé à jamais », raconte
French, qui est maintenant président de l'Institut Ludwig von Mises, un think tank libertarien basé à Auburn en Alabama.
Rothbard fut, dans l’après-guerre,
l’un des plus éminents théoriciens américains de
l’école autrichienne d’économie. Selon cette
école de pensée, la liberté économique est la
clé de la prospérité pour la simple raison que les
individus sont les mieux placés pour connaître les
opportunités permettant de créer de la richesse. À ceux qui pensent que la main de l’État est
nécessaire pour dompter les passions du marché, assurer la
justice sociale et guider le développement économique dans des
directions souhaitables, les économistes de l’école autrichienne
ont une réponse simple : comment diable pouvez-vous le savoir ?
Mises et Hayek ont
démontré que la planification économique est une folie.
La main de l’État ne peut que fausser le jeu naturel des choix
individuels et des préférences. Aucun
expert ou comité d'experts ne devrait s'arroger le droit de piloter
des processus naturels dont l'issue est inconnaissable. Rothbard a rendu
compte en détail de ces questions dans son chef-d'œuvre, Man, Economy and
State, rédigé tout au long des décennies 1950, 1960
et jusqu'en 1970.
Murray Rothbard
est arrivé en 1986 à l’UNLV, après une
carrière déjà longue et une
célébrité bien acquise. Pour la première fois, on
lui offrait un poste dans une grande université. À cette
époque, le département d’économie avait un peu
d'argent et le doyen était à la recherche d'un grand nom. Rothbard a voulu créer un département
d’économie crédible qui soit complètement
autrichien. Pour cela il a fait appel à un autre économiste de
l’école autrichienne, d’origine allemande, Hans Herman Hoppe.
En quelques années, dans
les milieux libertariens, l’UNLV a acquis la
réputation d’être un véritable temple de
l’école autrichienne d’économie. Tout le pays
voulait suivre les cours de Rothbard et lui parler.
En 1991, dans l’évaluation du corps professoral, les
étudiants lui avaient donné des notes nettement au-dessus de la
moyenne du département. Il a
pourtant été remercié la même année.
En réalité, Rothbard et Hoppe, penseurs
radicaux, étaient isolés dans leur département et aucun
économiste autrichien n’est arrivé depuis dans leur
sillage. Rothbard pestait
contre la modélisation mathématique défendue par les
économistes classiques. La
Réserve fédérale était l'une de ses cibles
favorites et il enseignait que les taux d'intérêt
artificiellement bas dans les années 1920 avaient provoqué la
Grande Dépression. Pour aggraver les choses il ne se privait pas de
dire tout haut ce qu’il pensait de ses collègues
keynésiens. Bref, il était trop
« radical » pour l’université.
« L'État,
qui subsiste grâce à la fiscalité, est une vaste
organisation criminelle bien plus redoutable et efficace que n'importe quelle
organisation privée dans l'histoire de la mafia », écrivait
Murray Rothbard dans L'éthique de la liberté, republié aux
éditions des Belles Lettres en 2011.
Rothbard est décédé en 1995 après avoir
participé à la création de l’Institut Ludwig von Mises, pour la diffusion de la pensée de son
maître. Il aura cependant marqué Las Vegas de son empreinte.
Chroniques
de la Freedoom Fest
à Las Vegas
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