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Les commentaires faits par
John Mauldin en fin d’un récent
article reflètent une opinion populaire de la monnaie qui peut être
résumée ainsi : « une économie en croissance a besoin d’une masse
monétaire croissante », et « il n’y a pas assez d’or sur Terre pour
qu’il soit aujourd’hui utilisé comme monnaie ». Cette opinion reflète
une incompréhension de base de la monnaie.
Voici les commentaires auxquels je fais référence ici. J’ai ajouté mes
propres notes après chaque extrait, mais mon commentaire principal se trouve
en bas de page.
« La structure actuelle
de Bitcoin présente le même défaut inhérent que l’or (mais aussi, dans une
certaine mesure, l’euro) : dans un monde d’abondance, l’or est
déflationniste et apporte des « rentes » peu raisonnables à ceux
qui en possèdent. Malgré ce défaut, il a toutefois pu demeurer la plus stable
de toutes les valeurs de réserve tout au long du millénaire ».
Note : Dans cet extrait, la dernière phrase contredit la première, dans
le sens où l’or ne peut pas être déflationniste tout en étant une valeur de
réserve.
« … si nous devions décider
d’utiliser l’or comme seule garantie contre notre devise, alors nous devrions
l’évaluer bien au-delà de son prix actuel afin de ne pas générer
d’instabilité déflationniste. Je ne suis pas certain que 10.000 ou même
20.000 dollars par onces soient suffisants, compte tenu l’ampleur de la dette
mondiale ».
Note : Nous ne pourrons pas espérer voir l’or redevenir une monnaie
tant que le marché ne l’aura pas réévalué et que son prix ne sera pas
consistant avec la quantité de devises fiduciaire existante. En d’autres
termes, lorsque la situation sera suffisamment catastrophique pour que
l’opinion populaire favorise le retour de l’or comme monnaie, aucune réévaluation
ne sera nécessaire.
« Mais même si nous supposons que
nous (en tant que système global) pouvions gérer le cauchemar logistique que
serait la mise en place d’une devise unique garantie par un métal précieux,
la croissance finirait bien vite pas dépasser les quantités d’or disponibles,
et les prix des biens et services diminueraient avec le temps. Rappelez-vous
de William Jennings Bryan : ‘Nous (fermiers)
ne serons pas crucifiés sur une croix d’or’. »
Note : tout d’abord, les prix des biens et services sont sensés diminuer
au fil du temps. C’est une conséquence naturelle de la croissance économique.
Les industries informatique et de la téléphonie mobile en sont des exemples
classiques. D’où viennent les contrecoups de la baisse du prix des
équipements high-tech et des programmes informatiques ? Certainement pas
des consommateurs. Pas non plus des producteurs comme Apple et Google, qui
génèrent d’énormes profits. Deuxièmement, le slogan de campagne d’un
politicien économiquement illettré ne peut pas être utilisé pour soutenir une
théorie monétaire ou économique.
« Certains pourraient percevoir
une baisse continuelle de prix comme une bonne chose, mais elle apporterait
une nouvelle forme d’instabilité dans le système. Compte tenu de l’étendue de
la dette globale, je suppose que les chances de voir installée une nouvelle
devise garantie par l’or sont très minces. Je vous conseille de lire
l’histoire économique des Etats-Unis pour la deuxième moitié des années 1800.
D’un point de vue, il s’agissait d’un âge d’or de croissance et de prospérité
marqué par d’importantes avancées technologiques. Mais c’est aussi à cette
période que des problèmes de taille ont fait surface pour les plus pauvres.
Si vous pensez que les inégalités de salaires sont un problème aujourd’hui,
vous n’aimerez pas apprendre ce qu’elles étaient à la fin des années 1800. »
Note : Faites référence à mon récent billet
pour un descriptif de ce qui s’est vraiment passé à la fin des années 1800.
Il s’agissait vraiment d’un âge d’or de prospérité et de croissance, mais les
choses auraient pu bien mieux tourner si trois crises financières n’avaient
pas fait surface. Ces crises ont été dues au système bancaire de réserve
fractionnaire ainsi qu’à la mauvaise gestion d’investissements par le
gouvernement (qui a subventionné, entre autres, des chemins de fer non
économiques), et non à l’utilisation de l’or comme base du système monétaire.
Deuxièmement, les inégalités de salaires ne sont en soi jamais un problème.
Sans inégalités, personne ne ressentirait le désir de travailler plus dur ou
de s’éduquer davantage, ou encore de s’engager dans des activités
entrepreneuriales. Le problème, ce sont les inégalités qui découlent de
l’inflation monétaire et des privilèges spéciaux (garantis par le
gouvernement).
« Les
dirigeants de l’époque se sont réunis pour tenter de créer un nouveau système
qui pourrait contourner les paniques et effondrements fréquents qui étaient
inhérents au système monétaire de l’époque. C’est ainsi qu’est née la Réserve
fédérale ainsi que d’autres améliorations ostensibles ».
Note : Non, les banquiers et politiciens de l’époque se sont réunis pour
créer un nouveau système qui permettrait une meilleure expansion de leurs
bilans par les banques et davantage de dépenses déficitaires aux
gouvernements.
« Mais
cela ne signifie pas que le système actuel de banques centrales et de devises
fiduciaires n’a pas ses défauts. Nous ne devrions pas limiter notre
observation aux systèmes monétaires du passé ou du présent, mais pense aussi
à ceux du futur. Comment pourrions-nous créer un moyen d’échange stable,
équitable et efficace ? »
Note : Ce ne sont pas
« nous » qui devrions nous asseoir pour discuter du nouveau système
monétaire. Le meilleur système est celui qui est choisi par le marché,
lorsque le gouvernement accepte de prendre du retrait et que les banques
perdent leurs privilèges spéciaux.
Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’une fois que quelque chose devient le
moyen d’échange principal (une monnaie), n’importe quelle quantité vaut aussi
bien qu’une autre. La raison en est que le service rendu par la monnaie,
c’est-à-dire la capacité qu’a la monnaie de
faciliter un échange indirect, n’est pas altérée par une disponibilité accrue
ou diminuée. Pour aller plus loin, ce que les détenteurs de monnaie espèrent
est une certaine quantité de pouvoir d’achat, et non une certaine quantité
d’unités monétaires. En termes de capacité de la monnaie à remplir son rôle
primaire, X unités de monnaie avec un pouvoir d’achat de Y par unité ne
valent pas mieux que 2X unités de monnaie avec un pouvoir d’achat de 0,5Y par
unité.
Je n’essaie pas de dire qu’une hausse ou baisse de la masse monétaire n’a pas
d’importante, puisque nos problèmes économiques d’aujourd’hui sont clairement
les conséquences des hausses et déclins rapides de la masse monétaire. Ce que
j’essaie de dire, c’est qu’une fois que quelque chose devient le moyen
d’échange le plus largement utilisé, il ne va pas dans l’intérêt d’en
augmenter la disponibilité au sein de l’économie, et une telle chose n’est
pas nécessaire à la croissance économique réelle.
Pour une meilleure explication de la raison pour laquelle une quantité de
monnaie n’est pas meilleure qu’une autre, je vous conseille de lire l’article
de Frank Shostak ici : http://mises.org/library/how-much-money-should-there-be.
Pour conclure, je suis tenté de dire que la stabilité monétaire est la
meilleure solution, mais ce ne serait pas tout à fait vrai. Bien que nous
puissions raisonnablement dire qu’une masse monétaire stable soit une
amélioration en comparaison à ce que nous avons aujourd’hui, il ne s’agirait
pas d’une solution optimale. Par exemple, le système monétaire actuel est si
instable que maintenir une création monétaire stable tout en maintenant tout
le reste en place nous mène rapidement à un effondrement du système financier
et monétaire. La situation optimale serait de voir le marché libre déterminer
ce qu’est la monnaie et dans quelles quantités elle devrait exister. A
l’heure actuelle, c’est le gouvernement qui détermine ce qu’est la monnaie,
et la masse monétaire est principalement déterminée par la capacité et le
désir de l’établissement bancaire (les banques centrales et commerciales) à
créer de la monnaie à partir de rien.
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