L’influence américaine qu’il
reste encore en Irak devrait se concentrer sur la reconstruction de la crédibilité
des institutions nationales.
– Editorial, The New York Times
N’est-ce pas là ce que nous
avons dépensé huit ans, 4.500 vies et 1,7 trillion de dollars à faire ?
Et tout ça pour quoi ? La guerre en Irak n’est pas différente du système
financier américain. Les gens qui en sont responsables n’imagineraient jamais
faire une croix sur leurs pertes, ce qui, d’un point de vue politique, force
les Etats-Unis à boucher tant de trous de souris avec du sable qu’il ne leur
reste nulle part où se tenir debout. Nous devrions nous considérer chanceux
si notre vie nationale ne ressemblait pas bientôt au film Le Peuple de l’Enfer.
Cette affaire semble nous mener
vers au moins une conclusion certaine : le jour regrettable où l’EIIL
prendra la zone verte de Bagdad. Osez me dire que ce ne sera pas là un terrible
spectacle. Peut-être cela se passera-t-il avant les élections américaines de
2014 ? Et à quoi pensez-vous que ressembleront les réunions du centre de
commandement de la Maison blanche le jour suivant ?
Est-ce que quelqu’un demandera
à ce que les Etats-Unis mettent temporairement fin à leurs opérations au
Proche-Orient et en Afrique du nord ? Je demanderais personnellement à
ce que nous prenions du recul, ne faisions rien et nous contentions d’observer
ce qui en découlera – puisque tout ce que nous avons fait jusqu’à présent n’a
contribué qu’à détruire des vies. Imaginons même que l’EIIL consolide son
pouvoir en Irak, en Syrie et dans d’autres pays. La région toute entière
saura ce que c’est que de vivre sous un régime psychopathique digne du XIe
siècle, et ceux qui seront encore en vie après l’orgie inévitable de têtes
coupées et de crucifixions seront en mesure de décider s’ils en sont
satisfaits. L’expérience devrait s’avérer éclaircissante.
Dans tous les cas, ce dont
nous sommes témoins au Proche-Orient – chose que ne savent apparemment pas les
journaux et les chaînes de télévision – est le parfait exemple de ce qui se
produit quand la population devient trop dense : chaos, meurtres,
effondrement économique. La population humaine de ce coin désolé du monde s’est
élargie grâce aux nutriments artificiels des profits tirés du pétrole, qui
ont permis aux gouvernements de nourrir leurs peuples et de maintenir une
classe moyenne artificielle au travail dans des bureaux au mieux inutiles et,
au pire, harcelant la population pour des pots-de-vin.
Aucune nation sur Terre ne se
prépare intelligemment à la fin du pétrole – et par là, j’entends 1) la fin
du pétrole peu cher et abordable, et 2) la déstabilisation permanente des
lignes d’approvisionnement actuelles. Ces deux conditions devraient être
visibles aujourd’hui au centre des dynamiques géopolitiques, mais personne ne
leur prête attention au milieu du brouhaha qui émane de l’Ukraine. Cette
nation tragique et malheureuse, inspirée par les marionnettistes de l’Union
européenne et des Etats-Unis, a répondu aux dernières sanctions imposées par
la Russie en déclarant qu’elle bloquerait les livraisons de gaz russe vers l’Europe
qui passent par les pipelines installées sur son territoire. J’espère que
tous ceux qui se trouvent à l’ouest de Dnepropetrovsk
se préparent déjà à brûler leurs meubles courant novembre. Voilà qui prouve à
quel point la situation est devenue irrationnelle… et qui supporte mon point
de vue.
Dans le cas où l’EIIL
parvenait à établir un califat, il ne pourrait jamais le gouverner
parfaitement et devrait continuer de présider sur un épisode tragique de
saignées et d’éclatement social. C’est particulièrement vrai au sein de ce
qui est aujourd’hui l’Arabie Saoudite, avec son élite sclérosée qui s’accroche
tant bien que mal à son pouvoir. Si et quand les maniaques de l’EIIL se
mettaient à publier une avalanche de vidéos d’exécutions sommaires sur Youtube, quelles sont les chances que les techniciens qui
s’occupent des infrastructures pétrolières de la région continuent de faire
leur travail ? L’EIIL pourrait-il gérer toute cette machinerie à lui
seul ? Je ne pense pas. Et je n’imagine pas voir les lignes de
distributions pétrolières continuer de fonctionner comme le monde le demande.
Si vous vous demandez d’où proviendra la troisième guerre mondiale, ne
cherchez pas plus loin.
Et les Etats-Unis ne sont pas
moins imbéciles que l'Ukraine. Nous nous sommes nous-mêmes vendu l’idée que
le pétrole de schiste viendra nous sauver de nos déboires et nous extirper
des conflits qui éclatent partout dans le monde autour du paradigme
économique de la disparition du pétrole. Cette histoire de pétrole de schiste
est un leurre. D’après mes calculs, nous pourrons encore nous rendre à
Wal-Mart en voiture pendant à peu près un an avant de devoir réaliser dans
quelle situation nous nous sommes mis. Ce qui est le plus étonnant, c’est que
le public s’en rendra compte avant la classe politique. Cette dynamique
apportera ce qui a précédemment été impensable (pendant ces 150 dernières
années au moins) : la dissolution des Etats-Unis.