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Il n’est pas de problème que
le monde financier ne puisse régler. Prenez la véritable tragédie qui
s’annonce et que représente la
pénurie de collatéral de qualité qui, en raison des nouvelles régulations
qui se préparent, va devoir être apporté en garantie des transactions sur les
produits dérivés dans les chambres de compensation. Pas de panique ! la
solution a été trouvée pour y remédier ! La technique a pour nom collateral transformation, ce qui se passe
de traduction mais pas de commentaire.
Les banques développent un
nouveau business afin de proposer un service inédit aux investisseurs en
panne de collatéral de qualité : moyennant rémunération, elles vont leur en
fournir en échange de collatéral recalé par la régulation. Mais quel risque
prennent-elles ou font-elles prendre à ceux qui vont hériter de la mauvaise
part, direz-vous ? Tout est prévu, une décote va être appliquée sur ce
collatéral de moindre qualité, c’est à dire plus risqué. Et là tout est sous
contrôle, puisqu’elles vont utiliser leurs modèles internes de calcul de
risque, qui ont comme chacun sait fait leurs preuves (en le sous-estimant).
Mieux, elle ne vont pas nécessairement conserver ce
collatéral de moindre qualité, se contentant alors d’être des intermédiaires
entre ces mêmes investisseurs et les fonds de pension qui cherchent à
améliorer leur rendement en contrepartie d’une rémunération, car leur
équilibre est menacé par la baisse des taux. Merveilleux ! cela s’appelle
faire d’une pierre deux coups !
Tout l’art consiste donc à
évacuer le risque, un fâcheux cousinage avec la titrisation des actifs
immobiliers toxiques qui ont au coup précédent essaimé dans le système
bancaire mondial depuis les États-Unis. Au bout du compte, les risques, ce
sont donc les fonds de pension qui sont susceptibles de les prendre. Des
chaînes de collatéral vont être crées, dont les effets systémiques risquent
d’être incontrôlables lorsque la valeur afférente baissera sur les marchés à
la faveur d’un nouvel incident de parcours. Le risque n’aura pas été évacué,
seulement déporté et dissimulé. Ce que le système financier aura gagné en
transparence à un bout de la chaîne – les chambres de compensation – il
l’aura perdu à l’autre bout par le biais de la transformation du collatéral…
Le phénomène est marginal,
direz-vous encore ? C’est effectivement le cas, car la mise en œuvre des
chambres de compensation n’est pas achevée, leurs futurs appels de marge par
encore lancés, la régulation pas encore adoptée. Mais, d’après une récente
enquête de la Fed de New York, les grandes banques comme Deutsche Bank,
Citigroup ou Barclays préparent leur offre, dans la proportion de 2/3 u
elles, et de nombreux fonds de pension se déclarent prêts à prêter leurs
actifs de qualité moyennant rémunération. Qu’en sera-t-il demain ? Pour
l’apprécier, il suffit de se dire que le déficit en collatéral de qualité est
estimé entre 500 milliards et 10 mille milliards de dollars, cette énorme
imprécision résultant à la fois des inconnues réglementaires qui subsistent
et du caractère particulièrement opaque de ce secteur de l’activité
financière.
Billet
rédigé par François Leclerc
Son livre,
Les CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION vient de
paraître
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