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Nécessité ne faisant pas loi

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Published : December 07th, 2010
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Sous l’insistance de la BCE, qui peut se prévaloir de leur avoir sauvé la mise cette semaine, les ministres des finances européens vont encore se retrouver entre eux, pendant deux jours à partir de lundi matin. Toujours un peu désorientés et à la recherche d’une solution à cette crise européenne qu’ils ne parviennent toujours pas – et pour cause – à maîtriser.


Les ministres vont néanmoins essayer de deviner si, au terme d’une véritable course d’obstacle qui va s’engager, le Parlement irlandais pourra à partir de la mi-janvier adopter le nouveau budget de l’Etat, condition préalable à la mise en oeuvre du plan de sauvetage qu’ils doivent adopter. Plus délicat encore, ils vont discuter du renforcement du fonds de stabilité financière (EFSF), que la BCE suggère instamment, ainsi que des grandes lignes du futur mécanisme de crise, prévu pour 2013. Ils ne seront pas seuls dans cet exercice, le directeur général du FMI les y accompagnant, puisqu’il devrait également mettre au pot.




S’ils décident d’accroître sans attendre les moyens de l’EFSF, ils donneront à la fois deux signaux. Ils montreront certes être prêts, si nécessaire, à assurer le sauvetage non seulement du Portugal, mais également de l’Espagne. De forts doutes existant à propos de la capacité de l’EFSF d’y faire face avec les moyens financiers dont il dispose actuellement. Mais ils inciteront également à la relance de la spéculation sur le marché obligataire, puisque les méchants ne seront pas punis à la fin du film, bénéficiant d’une garantie de remboursement de facto en cas de malheur. Car on a bien insisté sur le fait que ce n’est que lorsque le futur mécanisme de crise sera constitué, mi-2013 au plus tôt, que des restructurations de dette pourront alors les atteindre.


Mais aucune solution ne sera apportée à l’insolvabilité des Etats qui, au terme de leur sauvetage, devront rembourser les dettes contractées pour les faire échapper aux griffes des marchés. Augmenter la capacité de l’EFSF à sauver davantage de pays ne fait donc qu’alimenter l’inquiétude de ceux-ci, au lieu de les rassurer.


Au cœur d’une contradiction, les marchés ont commencé à précipiter la crise dont ils craignent d’être les victimes, pourquoi s’arrêteraient-ils ? Une nouvelle fois, une crise de solvabilité est traitée comme s’il s’agissait d’une crise de liquidité. Le problème est que les Etats n’ont pas les moyens de se refaire qu’ont les banques et qu’il ne leur est pas accordé de facilités comptables et d’autant d’avantageuses zones d’ombres.


Un peu de temps pourra être gagné entretemps , à coup d’octrois supplémentaire de délais de remboursement de l’EFSF et du FMI, comme cela en prend le chemin pour les Grecs. Mais comme ces délais seront accordés moyennant contrepartie – de nouvelles coupes budgétaires – la dynamique infernale du défaut sera accélérée. Il sera encore moins à portée d’atteindre les objectifs de croissance requis par un business plan fantaisiste et de faire face à la dette obligataire.


Une autre option est défendue par Jean-Claude Juncker et Giulio Tremonti, le ministre italien des finances. Elle privilégie la création d’euro-obligations, une initiative qui serait un pas en faveur d’une intégration économique européenne accrue. Les Allemands n’en veulent pas a priori. Les faire changer d’avis supposerait l’adoption de nouveaux gardes-fous, de même nature que les normes de dette et de déficits adoptées lors de la création de l’euro, qui devront d’une manière ou d’une autre être abandonnés, n’étant plus à portée de la quasi-totalité des pays de la zone euro. Par quoi, alors, les remplacer  ?


Il va soit falloir se résigner à un éclatement de la zone euro, lourd de conséquences pour tous, soit trouver des règles communes de bonne conduite et de bon voisinage. Toute la question étant de savoir lesquelles, ce qui ouvre un vaste champ de discussion alors qu’il y a urgence à trouver une solution.


Dans l’immédiat, de l’Irlande à la Grèce et du Portugal à l’Espagne, le même scénario d’ensemble se dessine. Les unes après les autres, ce sont des livres de chair qui vont être en pure perte enlevées, sans qu’il n’y en ait jamais assez sur le plateau de la balance. Les résultats exigés étant irréalistes, s’appuyant sur des perspectives de croissance plombées par une rigueur qui n’est pas dans les moyens de ceux qui doivent y satisfaire.


La stratégie qui est actuellement suivie est un contresens financier. Bien que présentée comme résultant de nécessités incontournables, elle résulte en réalité de choix politiques, déplaçant progressivement le débat sur ce terrain, au fur et à mesure que se développe un malaise social cherchant des occasions de se manifester. Et qui n’est contenu qu’en raison du silence de ceux qui sont susceptibles de prendre la relève politique, accréditant l’idée qu’aucune alternative n’est possible.


Faute de projet européen, c’est le règne du chacun pour soi qui prévaut. Et, quand il s’agit d’adopter une orientation commune, celle qui s’installe ne peut mener qu’à l’éclatement.


Elle a pour conséquence de plonger l’Europe dans une politique de rigueur généralisée, plus ou moins engagée suivant les pays et en fonction des calendriers électoraux, faisant peser sur les travailleurs et chômeurs une charge de remboursement énorme. Elle aboutit à détricoter le filet de protection sociale, annonçant la fin inéluctable de l’« Etat-providence ». Cette référence malséante qui substitue à la solidarité entre les femmes et les hommes une intervention sur leur destin de nature bienfaisante, comme les oeuvres du même nom, qui leur aurait été octroyé et pourrait donc leur être retirée sans autre forme de procès.


Afin de dégager des gains de productivité grâce à des réformes structurelles, cette politique va accroître la précarité du travail et peser sur les revenus des salariés. Enfin, dans la même logique, elle va favoriser l’essor, pour ceux qui en auront les moyens, des plans de santé privés et des retraites complémentaires par capitalisation, ces nouveaux joujoux des financiers.


Les gouvernements grecs, irlandais, britannique, portugais et espagnols sont déjà à la tâche. Multipliant les coupes budgétaires pour tenter d’échapper au désastre tout en s’y précipitant. Se réfugiant derrière l’art du possible et la nécessité qui fait loi. Les rancœurs, les refus et les craintes, quand ce ne sont pas les colères, montent et ce fragile barrage qui leur est opposé y restera-t-il  ?


Le débat sur le retrait des dépôts des banques témoigne d’une grande nouveauté : aussi symbolique soit-il, il exprime non pas le classique besoin de protéger son argent mais celui de punir les banques. Il révèle en creux un besoin : celui de dresser une liste de mesures de sauvegarde, afin de les populariser et de demander aux organisations politiques de se définir par rapport à elles.




* www.les-crises.fr

 



Billet rédigé par François Leclerc



Paul Jorion

pauljorion.com



(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.



Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).


 

 

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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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Paul Jorion, il serait bien s'il sortait les mains du cambouis.
Parce que, entre nous, il suffit de lire P Kennedy 'Naissance et declins des grandes nations' pour se convaincre d'une chose : le systeme est mort. On s'en convaincra aussi en lisant Rueff 'Monetary sin of the west'.
Comme me disait un de mes maitres a penser 'One step back' et tu y verra plus clair.
Bref du recul et de la culture generale
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Paul Jorion, il serait bien s'il sortait les mains du cambouis. Parce que, entre nous, il suffit de lire P Kennedy 'Naissance et declins des grandes nations' pour se convaincre d'une chose : le systeme est mort. On s'en convaincra aussi en lisant Rueff '  Read more
mouloud Z. - 12/7/2010 at 10:15 AM GMT
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