Nicholas Copernic (1473-1543) est connu aujourd’hui comme
celui qui ‘nous a appris que la Terre tourne autour du Soleil’, mais il a
également conseillé le Parlement Royal de Prusse en matière de réformes
monétaires pendant quelques années. Au cours de cette période, il a écrit un
essai connu sous le nom de Traité sur
la Monnaie (1526). Une traduction anglaise de cet essai a récemment été
publiée par la maison d’édition Laissez Faire Books. Il est truffé de trésors
– de choses si simples qu’elles ont été oubliées par la majorité des
économistes académiques d’aujourd’hui, ce qui n’a pas été sans conséquences.
‘La monnaie, ou unité de devise, prend la forme d’or ou
d’argent qui a été marqué – en fonction des politiques établies par un
gouvernement ou chef d’état – dans le but de déterminer le prix des biens qui
sont achetés et vendus. La monnaie est donc un ‘outil de mesure’ commun de la
valeur des choses. Tout ce qui est utilisé en tant qu’outil de mesure doit
être stable – et doit rester égal à sa limite fixée. S’il ne l’est pas,
l’ordre public se trouve perturbé, et les acheteurs et vendeurs ne cessent
plus d’être trompés, un peu comme si l’outil de mesure de distance (ulna en
Latin), de volume (modius en Latin) ou de poids
n’était plus fixé.
C'est ce que
j'appelle l'approche Classique de la monnaie — la monnaie doit être aussi
stable que possible pour pouvoir servir d’outil de mesure pour évaluer la
valeur des choses. Pendant des millénaires, depuis l’aube de la civilisation
en Mésopotamie et les Sumériens de 3500 avant JC, cet objectif a été achevé
en basant la monnaie sur l’or et son adjoint de plus petite dénomination,
l’argent.
A cette époque
aussi, les gouvernements pensaient que disposer d’une unité de mesure à la
valeur stable et fiable était un peu trop ennuyeux. Qu’il est amusant de
créer de la monnaie à partir de rien ! A l’époque, cela signifiait
frapper des pièces à plus forte valeur nominale ou contenant moins d’argent.
Et puis c’est devenu une habitude. Copernic se lamente :
‘Mais ce qui est pendant si longtemps devenu une habitude
d’altération et de dévaluation de la monnaie n’a pas cessé à notre époque.
J’ai peine à dire, au vu de ce que les choses sont devenues et de ce qu’elles
sont aujourd’hui, que la valeur de la monnaie a tant diminué que trente marks
ne valent aujourd’hui plus qu’une livre d’argent !’
Voilà quarante
années que les Etats-Unis ont formellement abandonné leur politique de
maintien de la valeur du dollar à 1/35e d’une once d’or – une
décision prise le 15 août 1971. La valeur du dollar est un peu vague, mais
avec un or à 1.200 dollars l’once, il ne vaut aujourd’hui plus qu’1/34e
de sa valeur de Bretton Woods. Personne ne semble
pourtant s’en soucier outre mesure, comme c’était aussi le cas à l’époque de
Copernic. C’est simplement ainsi que les choses sont. (Copernic a retracé
cette tendance sur un siècle entier de l’histoire de Prusse). ‘L’habitude
d’altération et de dévaluation de la monnaie’ est devenue chose commune, et
je suspecte les efforts actuels d’impression monétaire de la Fed de ne
représenter qu’un chapitre de cette longue histoire.
‘Mais peut-être que quelqu’un s’y opposera. Une monnaie
maigre est plus avantageuse aux usages humains : elle aide les pauvres
en offrant un prix plus faible des biens et rendant plus accessibles les
autres nécessités de la vie’.
Nous avons là ce
que l’on appelle la vision mercantile de la monnaie, qui veut qu’elle soit
manipulée par l’état pour atteindre certains objectifs de court terme.
Peut-être que l’idée de rendre plus accessibles les biens alimentaires n’a
pas beaucoup de sens pour nous à l’heure actuelle, mais de nombreuses nations
connues pour ‘aider les pauvres’ (moindre taux de chômage, taux de prêts
immobiliers plus faibles…) ont toujours été utilisés comme justifications
pour les manipulations mercantilistes.
Mais cela
fonctionne-t-il? Quelle en sont les conséquences ? Après un siècle
de recours à ces stratégies, la Prusse est-elle parvenue à la prospérité et
l’abondance ? Voyons ce qu’en dit Copernic :
‘Mais si ces personnes ne considèrent que le bien commun (communitis utilitas), elles ne
peuvent certainement pas nier qu’une devise excellente n’est pas uniquement
bonne pour l’état mais aussi pour elles-mêmes et toutes les classes de la
société, et qu’une monnaie peu chère est nuisible. La vérité de tout cela est
nette, non seulement pour beaucoup d’autres raisons, mais notamment grâce à
l’expérience par laquelle nous avons vu les pays aux grandes monnaies
prospérer et ceux à la monnaie faible décliner et périr…
(Au cours de ce dernier siècle), la monnaie n'a cessé de
perdre de sa valeur chaque jour, et notre pays, par cette pestilence ainsi
que d’autres catastrophes, a été mené à la ruine. Il est évident que partout
où la monnaie peu chère est utilisée, la pratique des arts et des talents
humains laisse place à la fainéantise, au désintérêt et au désœuvrement, et
qu’il n’y a d’abondance en rien’.
Voilà quarante-deux années que dure notre propre
expérience avec notre drôle de monnaie. Pendant tout ce temps, même selon les
statistiques gouvernementales les plus optimistes, le salaire à temps plein
masculin médian a stagné. Les revenus réels médians sont désormais autour de
leur niveau de 1988.
A quoi ressembleraient les choses si, comme Copernic, nous observerions notre
propre appauvrissement sur un siècle ?
Elles ressembleraient probablement de près à la situation
de 1526. Surprenant ? Non.
|