Je sens que
vous croyiez à une blague. Remercier François Hollande, cela ne
peut être sérieux. Et pourtant, le Président de la
République vient de rendre un grand service à son pays en
provoquant d’importants déplacements de contribuables dans les
centres des impôts.
De quoi
s’agit-il exactement ? Tout simplement de Français qui ont
reçu leur feuille d’imposition sur le revenu et qui
découvrent qu’ils rejoignent la cohorte des imposés. Ils
se précipitent en nombre, si j’en crois les médias, dans
les Hôtels des Impôts, souhaitant des explications car croyant
à une erreur. 840 000 Français sont concernés en 2013.
Bien
sûr, je n’oublie pas de remercier également Nicolas
Sarkozy. Grâce au gel du barème de l’impôt sur le
revenu, il avait permis à 940 000 foyers de devenir imposables
l’année dernière. Mais, il faut bien le
reconnaître, François Hollande, pour une fois, n’a pas
démoli ce qu’avait fait son prédécesseur. Et cela
est remarquable.
J’entends
déjà les cris d’orfraie de ceux qui sont concernés
par la mesure. Ils ne voient pas là une bonne nouvelle. Surtout que
cet assujettissement à l’IRPP (impôt sur le revenu des
personnes physiques) les fait parfois entrer dans d’autres catégories
de contribuables, celles des assujettis à la taxe d’habitation
ou aux taxes foncières par exemple. Selon L’Opinion, « lorsqu’un foyer bascule dans
l’impôt sur le revenu du fait d’une augmentation de son
revenu fiscal de référence, il devient éligible à
une douzaine de nouvelles taxes ».
Alors,
pourquoi faut-il remercier François Hollande et Nicolas Sarkozy ? Tout
simplement, parce que cette mesure permet de maintenir
légèrement au-dessus de 50 % le nombre de foyers fiscaux imposés.
Or, si l’on considère que l’impôt sert à
financer les services publics dont tout le monde bénéficie, il
apparaît évident que 100 % des foyers doivent s’en
acquitter.
Que
croyaient-ils ces nouveaux contribuables mécontents ? Que les
dépenses publiques étaient financées par de
l’argent tombé du ciel ?
Le budget
de l’État est en déficit de 72 milliards d’euros en
2013 ? Et de 82 milliards en 2014 ? La dette de l’État est
de 2 000 milliards d’euros ? Ce ne sont que des chiffres abstraits
pour le commun des mortels. Or, si un jour on décide vraiment de
s’attaquer aux déficits, et donc aux dépenses, il faudra
bien commencer par expliquer aux Français que les services publics ont
un coût et qu’il convient de les financer.
Certes, me
direz-vous, peu de citoyens ne paient pas l’impôt. Tout le monde,
par exemple, s’acquitte de la TVA en faisant ses courses. C’est
vrai, mais la TVA comme d’autres taxes, a le très grand
défaut d’être peu visible. Regardez-vous vraiment quel est
son montant sur chaque ticket de caisse que l’on vous remet ?
L’impôt
sur le revenu, lui, est très visible. Il faut sortir l’argent de
son compte en banque pour le payer. Il fait mal. Et, en cela, il est
« pédagogique ». C’est tout
l’intérêt que je vois dans cette mesure.
Levons
immédiatement un doute : cet assujettissement
généralisé à l’IRPP devra, bien sûr,
être accompagné par une baisse des taux d’imposition.
Bref, il s’agit d’instaurer une « flat tax » (Lire à ce sujet
l’excellent article de Charles Beigbeder
dans Les Echos).
Et tant
qu’on y est, on ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin.
La feuille de paie devrait subir le même sort. Rêvons un
peu : on arrête de distinguer artificiellement les cotisations
patronales des cotisations salariales, on verse la totalité de son
salaire complet (c’est-à-dire son salaire brut actuel
augmenté des cotisations patronales) au salarié, sur son compte
en banque, et, dans les jours qui suivent, les différentes caisses
concernées prélèvent leurs cotisations (Ecoutez à
ce sujet, l’intervention de Cécile Philippe sur Radio Classique). À partir de
là, on pourra sérieusement discuter du coût de la
protection sociale et du coût du travail.
Mais je ne
suis pas naïf. Ce n’est, hélas, pas le chemin que nous
prenons. Marisol Touraine, la ministre de la
Santé, vient d’annoncer la généralisation du
tiers-payant : « D’ici à 2017, a-t-elle dit
à Libération, quand
vous irez voir votre médecin, vous n’aurez plus à avancer
le prix de la consultation ».
C’est sûr, faire croire que la santé est gratuite est
le meilleur moyen d’infantiliser les Français, et par
là-même, d’accroître le déficit de la
Sécurité sociale. De même, ne doutons pas que la garantie
universelle des loyers imaginée par Cécile Duflot
contribue à la déresponsabilisation des locataires.
Quant
à l’impôt sur le revenu, Jean-Marc Ayrault a
annoncé que le projet de budget 2014 contiendrait une mesure
correctrice ! Ouf, ce n’était donc qu’un
« loupé ».
Continuez
à dormir sur vos deux oreilles, braves gens. Tout va pour le mieux
dans le meilleur des mondes.
|