Vous
êtes-vous déjà retrouvé encerclé lors
d’une manifestation, après que les forces de l’ordre aient
resserré leurs rangs, interdisant toute personne de partir ? Ou,
devrais-je dire, avez-vous déjà été retenu contre
votre gré ? Lorsqu’elle décide d’encercler des
manifestants, la police refuse platement de leur donner une raison, et ne
fait aucune exception. Les manifestants n’ont plus aucun contrôle
de la situation, et aucune forme de discussion n’est
tolérée. Une décision prise par quelqu’un que vous
ne connaissez pas offre aux forces de police un contrôle total sur vous
et votre vie.
Nous
nous trouvons aujourd’hui tous dans une position similaire.
La
dette que nos gouvernements ont placée sur nos épaules est si
lourde qu’elle déterminera les prises de décision
politiques de ces dix prochaines années. Tous nos espoirs et
désirs les plus chers – de meilleures écoles pour nos
enfants, de meilleurs services de santé… - seront reclus dans
l’ombre du remboursement de la dette de nos nations. Si nous devons
payer par le biais de nos impôts les dettes ayant été
empruntées depuis les dépenses publiques par les banques, alors
il nous faudra attendre plus d’une génération pour que nos
pays puissent à nouveau prospérer.
Les
mesures économiques prises à notre encontre sont toutes
basées sur le fait que les banques devraient un jour rembourser tout
l’argent qu’elles nous ont pris. Cela signifie que, qu’on
le veuille ou non, nous espérons tous que les banques fassent des
profits aussi rapidement que possible. Nous avons tous été
encerclés et forcés à participer à la stimulation
de la croissance. Nous n’avons plus d’autre choix que
d’espérer que les riches deviennent plus riches, et vite…
Les seigneurs de la finance et leurs servants de la sphère politique
ont déjà pris ces décisions pour nous.
Depuis
que la crise financière a commencé, il n’y a jamais eu de
débat quant aux alternatives possibles aux politiques employées
en vue de la contenir. Il fut simplement déclaré que notre
problème principal était un problème de
liquidité, et non d’insolvabilité. Cela signifie que la
seule solution ayant été apportée au problème est
l’apport de liquidité. Cette liquidité dont je parle,
c’est notre monnaie. Le gouvernement nous a bien sûr toujours
spécifié qu’il ne s’agissait pas là
d’un coût, mais plutôt d’un
‘investissement’. Un investissement qui permettrait de rembourser
la monnaie empruntée et la monnaie imprimée avant que la dette
de nos pays n’approche de son échéance.
Et
c’est encore aujourd’hui la seule solution apportée par le
gouvernement. Aucun homme politique ne semble capable de se risquer
au-delà du cercle de cette logique. Aucun contre-argument n’est
autorisé ni pris au sérieux. Aucun signal d’alarme
n’est aperçu comme tel.
Ce
qu’ils appellent ‘marché libre’ a désormais
pris le contrôle et nous impose une course d’action dans laquelle
le choix démocratique ne semble plus de rigueur. Plus les gens se
rendront compte de cela, plus ils se mettront en colère. La
défense de nos dirigeants face à notre colère sera
toujours de la qualifier d’irréfléchie. La colère
irréfléchie de l’ignorant ne comprenant pas la logique
des décisions prises par ceux qui en savent plus qu’eux.
C’est là ce que pensent nos chefs d’Etats et tous les
experts économiques de notre monde.
La
vérité est cependant très différente de cela. Les
gens comme moi sont en colère parce que les personnes qui croient
aujourd’hui tout savoir sont les mêmes qui croyaient pouvoir
gérer l’économie globale en 2008. Leur prescription est
aussi simple qu’elle est arrogante : remettre les choses à
leur place, exactement telles qu’elles étaient avant.
On
nous répète que nous sommes désormais responsables des
dettes ayant été contractées par nos dirigeants, que
nous soyons d’accord ou non.
On
nous dit que les taux d’emprunts doivent retourner à leur niveau
de départ.
On
nous dit qu’en tant que consommateurs, nous devons consommer
plutôt qu’épargner.
On
nous dit que nous devons accepter sans poser de questions la
libéralisation des échanges internationaux.
Nous
n’avons pas le droit au débat.
Se
faire voler est une chose. Etre accusé de vol par les personnes qui
vous volent en est une autre.
C’est
pourquoi de nombreuses personnes, et moi le premier, sont en colère.
Nous sommes en colère parce que nos élites financières
nous forcent à avaler leurs idéologies. Nous sommes en
colère parce que nous aurions peut-être aimé pouvoir dire
ce que nous pensons. Nous sommes en colère parce que nos idées
n’ont jamais été prises en considération.
Nous
en sommes aujourd’hui arrivés au point où beaucoup
d’entre nous s’inquiètent des problèmes de
changements climatiques et de la rareté du pétrole et
aperçoivent les dangers d’une croissance
incontrôlée, et où le choix démocratique perd tout
son sens.
C’est
pourquoi la crise ne concerne pas uniquement le manque de confiance sur les
marchés, mais également la légitimité de nos
gouvernements. La classe politique dans son intégralité est
prise au piège de la même idéologie. Tous les partis sont
persuadés que les ‘marchés’ finiront par nous
sauver. Aucune autre solution n’a jusqu’à présent
été débattue.
Il
n’est pas nécessaire que nous perdions notre temps à
décider de quel parti politique devrait porter le blâme pout tout
cela. Tous les partis, tous les économistes et tous les hommes
d’affaires sont d’accord les uns avec les autres. Ils pensent
normal que certaines banques aient bénéficié de plans de
sauvetage, et que leurs pertes soient devenues les nôtres. Inutile de se
demander qui blâmer pour tout cela : ils le sont tous sans
exception.
Ils
croient tous en un système dans lequel la demande doit être
créée puis nourrie de dettes. Cela implique une augmentation de
la demande par la création de toujours plus de dettes. Ce type de
système a toujours fini par s’effondrer, et les choses ne seront
pas différentes aujourd’hui. C’est ainsi que leur
système fonctionne. Si nous n’y mettons pas fin, il nous
mènera vers un premier effondrement, puis vers un autre. A chaque
fois, et sans exception, les riches financiers et proches des gouvernements tireront
du profit en période de croissance avant de dérober la bourse
du public en période de ralentissement. Ils seront toujours les
gagnants, et nous finirons toujours perdants.
Plus ça change, plus c’est la même chose.
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