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Il y a quelques semaines, je lisais dans
les journaux que l’Association nationale des directeurs des ressources humaines
(ANDRH) proposerait au ministère du travail, l’abandon de la distinction
entre Contrat à durée indéterminée (CDI) et Contrat
à durée déterminée (CDD) en faveur d’un CTU (Contrat
de travail unique). L’idée est d’avoir un type unique de contrat
« par nature à durée indéterminée ». Les
conditions de rupture proposées: une faute du salarié, un commun accord
avec l'employeur ou la fin de l’activité
de l’employé (et non de sa mission).
À partir de deux ans d’ancienneté, l’employé aurait
droit à une « indemnité de licenciement égale à
10 % de l'ensemble des rémunérations perçues au cours de la
durée écoulée du contrat et son préavis proportionnel
à son ancienneté. »
Le CTU (plutôt proche d’un
CDI) viserait à éliminer le « malaise social »
entre salariés en CDI et CDD. La précarité des CDD tiendrait
à des salaires bas, aux difficultés d’obtenir un crédit,
et de l’absence de sécurité de l’emploi. En outre, la
nature même du CDD nuirait à la productivité de l’entreprise
et donc l’économie, en ce qu’elle limite les motivations au travail
tant du salarié que de l’employeur.
Pourtant, le vrai problème des
économies française et européenne n’est pas le CDD, mais
le CDI. Un survol des statistiques du marché international du travail nous
montre la dure réalité de la protection du travail.
Selon des données de l’OCDE,
l’Union européenne (UE) réunit bon nombre de pays à la
législation du travail très rigide (les champions : l’Espagne,
le Portugal, la Grèce et la France).
Pourtant cette rigidité ne se traduit pas par une réduction du chômage.
En effet, la zone euro a ceci d’unique que le chômage moyen y est de
15,89%.
On constate également que les pays les plus protecteurs de l’UE sont
aussi ceux où se trouve la plus grande proportion de travailleurs en CDD
(en tête, la Pologne, l’Espagne et le Portugal).
En plus, la proportion moyenne de chômeurs de longue durée (12 mois
ou plus) y atteint facilement plus de 36% des chômeurs (45.5% en Allemagne
et 44.4% en Italie !).
Les pays de l’UE sont ainsi, sans
surprise, les plus dépensiers en politiques actives et passives contre le
chômage (en moyenne 2% du PIB contre 1% pour les pays avec un droit du travail
moins rigide)
ce qui peut contribuer à une augmentation du déficit public de ces
pays et donc de leurs dettes. Pas surprenant d’y retrouver la Grèce,
l’Espagne et le Portugal.
Si nous prenons des pays emblématiques
pour leurs législations du travail plus souples tels que les États-Unis,
le Royaume Uni, l’Australie et la Nouvelle Zélande, la situation est
toute autre. Le taux de chômage y est de 7.3% en moyenne ; les chômeurs
de longue durée y représentent 15.47% du total des chômeurs. La
proportion de travailleurs en CDD tourne autour de 5.1% en moyenne aux États-Unis
et en Angleterre (alors qu’en France, elle est de 13.5% et en Espagne de 25.4%). Elle
est dérisoire en Australie et en Nouvelle Zélande. Quant à
la productivité du travail, rien à dire. Selon le Bureau of Labor
Statistics (BLS), les pays dont le droit du travail
est le moins rigide présentent en général les meilleurs résultats
sur la période 1992-2006.
Entre 2008 et 2009, l’Australie, les États-Unis, Taïwan, et la
Corée du Sud ont vu leur productivité augmenter malgré la crise,
tandis que presque tous les pays européens voyaient leur productivité
baisser.
Les pays européens avec un meilleur score en termes de productivité
et chômage sont ceux qui ont réformé leur marché du travail
dans les années 1980-90 (Suède, Danemark, Pays Bas).
On peut donc voir que baisse de la productivité
et chômage ne sont pas la conséquence nécessaire de l’existence
de contrats « précaires », bien au contraire. Il faut
comprendre que sans ces contrats dits précaires en France, en Espagne et
ailleurs, le chômage y serait encore plus élevé. Une législation
du travail plus souple conduit à des coûts d’embauche et de licenciement
plus bas, facilitant ainsi la création d’emplois. De plus, n’est-il
pas logique d’essayer d’être plus productifs quand on sait qu’on
peut perdre son emploi si on ne l’est pas ?
Gabriel
Gimenez-Roche
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