Nozick vs Rawls : la justice comme droit de propriété ou comme équité ?

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From the Archives : Originally published December 19th, 2011
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1ère partie 


Déjà formulée au XIXe siècle par les libéraux français (Destutt de Tracy, Frédéric Bastiat mais aussi Charles Comte et Charles Dunoyer), la revendication de l’État minimal a resurgi avec vigueur aux États-Unis au cours du XXe siècle, notamment dans la controverse entre John Rawls et Robert Nozick. Selon ce dernier, « La question fondamentale de la philosophie politique, celle qui précède toutes les questions sur la façon dont l’État devrait être organisé, porte sur l’existence même d’un État, quel qu’il soit. » (Robert Nozick, État, anarchie et utopie, 1974, p.19).


1° John Rawls, disciple de Rousseau


Le philosophe américain John Rawls est mort en 2002, à l’âge de 82 ans. Depuis la publication de Théorie de la justice, en 1971, il était considéré comme l'un des principaux penseurs politiques de son temps.


Né le 21 février 1921 à Baltimore, il avait interrompu ses études pour servir dans l'infanterie de combat dans le Pacifique, pendant la seconde guerre mondiale. A son retour à la vie civile, il entreprend des études de philosophie à l'université de Princeton, dont il deviendra docteur.


Professeur à Cornell puis à Harvard, John Rawls n'avait publié que quelques articles épars lorsqu'il fait paraître, à l'âge de cinquante ans, un livre long et aride dont personne ne prévoyait, et certainement pas lui-même, à quel point il allait révolutionner la pensée politique. Théorie de la justice (1971) devient en effet rapidement la lecture obligatoire par excellence pour les enseignements de philosophie morale et sociale des universités des États-Unis. Dans ce livre, il critique l’utilitarisme et réintroduit la dimension normative, ou l’éthique, au cœur de la théorie politique. Parallèlement, le livre est traduit dans de nombreuses langues et se répand sur tous les continents. Les ouvrages de Rawls traduits en français ne sont pas très nombreux, mais les principaux sont pour la plupart accessibles en livre de poche. Son maître livre, Théorie de la justice (Seuil, "Points Essais"), est à compléter par Justice et démocratie et, par la série d'études consacrées à son œuvre sous le titre Individu et justice sociale.


Rawls inscrit sa pensée dans le sillage du contractualisme de Rousseau : comment faire exister « une société juste et stable de citoyens libres et égaux, profondément divisés par des doctrines religieuses, philosophiques et morales raisonnables quoique incompatibles » ?



Selon Rawls, une société ordonnée est une société fondée sur des principes de juste répartition des biens. Ainsi, « nul ne doit être avantagé ou désavantagé par l’intervention du hasard de la nature. » Autrement dit, puisque les différences de talents ne sont pas méritées, il faut y apporter des compensations. Rawls justifie donc l’intervention active de l’État pour compenser les inégalités par une redistribution des richesses et la mise en place d’un État providence avec la création de droits sociaux et économiques. C’est ce qu’il appelle : « la justice comme équité ».



Depuis plus de trente ans, la plupart des théories politiques dans le monde occidental, communautarisme, égalitarianisme, féminisme, sont des réponses au livre de Rawls ou des reformulations de théories passées (utilitarisme, marxisme, libéralisme…), à la lumière de la théorie normative de Rawls. C’est notamment le cas du libertarianisme, tel qu’il a été systématisé par Robert Nozick.


2° Robert Nozick, disciple de Locke


Robert Nozick est originaire d’un milieu juif newyorkais de Brooklyn, fils d’un immigrant russe. À l'Université Columbia où il commence ses études de philosophie, il sympathise avec les idées de la « New Left ». Après un doctorat en 1963 à l'Université de Princeton, il y devient professeur assistant de philosophie. En 1969, il obtient le grade de professeur titulaire à Harvard.


Au cours de ses études supérieures, il rencontre Ayn Rand et Murray Rothbard, qui le conduisent à lire les œuvres de Ludwig von Mises et de Friedrich Hayek. Son évolution intellectuelle vers le libertarianisme culmine en 1974 avec la publication d’Anarchie, État et Utopie, une défense originale et très argumentée de l’État minimal et une critique de la social-démocratie défendue par son collègue de Harvard, John Rawls. Immédiatement salué par les intellectuels conservateurs et libertariens, son livre devient une sorte de manifeste philosophique de la « New Right », même si Nozick n’a jamais vraiment apprécié les étiquettes politiques.


Le principal mérite de Nozick est d’avoir fourni un vaste argumentaire contre les droits sociaux, la redistribution et l’État social-démocrate de John Rawls. On ne trouvera pas chez Nozick, contrairement à Ayn Rand ou à Murray Rothbard, de justification des droits individuels. Nozick opte pour une approche intuitive. Supposons, dit Nozick, que Locke ait raison et que les hommes ont droit à la vie, à la liberté et à la propriété. Quel type de société politique serait compatible avec de tels postulats éthiques ? L'État social-démocrate de Rawls est-il justifié ?


Toute l’argumentation de Nozick dans Anarchie, État et utopie, consiste à montrer que :


1° les critères de justice de John Rawls violent les droits fondamentaux, en particulier, le droit de propriété, et sont donc en réalité immoraux ;


2° l’État minimal est le seul type d’État justifiable au regard de ces droits fondamentaux.


En effet, on voit mal comment compenser les inégalités socio-économiques au moyen de la contrainte de l’État sans du même coup porter gravement atteinte à l’égalité morale des citoyens et à leur liberté individuelle. Or, selon Nozick, une telle interférence continuelle dans la vie des gens, dans leurs projets comme dans leurs actions se heurte à deux objections majeures :


         Nozick reproche à Rawls de ne pas prendre assez au sérieux le principe de la dignité des personnes et l’impératif kantien, dont il prétend pourtant se réclamer, qui consiste à traiter les autres comme des « fins en soi » et non comme de simples moyens. En effet, traiter les individus comme des « fins en soi » consiste à reconnaître en chacun le seul propriétaire légitime de lui-même, de ses capacités, ainsi que des biens qu’il possède grâce à ses capacités et à son travail. Or quand l’État prélève l’impôt sur les revenus pour compenser les inégalités, il se sert des capacités productives de certains pour que d’autres (tous) en bénéficient. L’État se sert donc de certaines personnes comme de moyens pour servir les fins d’autres personnes.


         Dans la théorie de la justice de Rawls, la question des droits de propriété n’est pas abordée, elle ne fait pas partie des principes éthiques et politique permettant de fonder une société juste.


3° La justice comme équité est arbitraire et immorale


Rawls pense que les talents de chacun ne lui appartiennent pas vraiment mais qu’ils constituent un réservoir dans lequel la société a le droit de puiser pour compenser les inégalités. Selon Nozick, cette théorie est à la fois arbitraire et immorale :


a)      Il est impossible de définir ce qui est mérité et ce qui ne l’est pas ;


b)      La négation de la propriété de soi équivaut à réduire les hommes à n’être que de simples moyens pour les autres


Pour Rawls, talents et capacités sont des ressources socialement disponibles, parce que leur distribution entre les individus relève de ce qu'il appelle la « loterie naturelle ». Pourtant, selon Nozick, la vraie justice, c’est celle qui respecte les droits de propriété de chacun : propriété de soi et propriété des biens, acquis par le travail. Chacun de nous a ses talents et dispositions qui lui appartiennent en propre, de sorte que nul ne peut s’en servir sans notre consentement même pour en faire bénéficier les autres.


Si moralement le riche doit donner aux plus pauvres, il doit le faire librement et non pas être contraint par l’État. « Ainsi, dénigrer l'autonomie d'une personne et lui nier la responsabilité première de ses actions, c'est une voie douteuse pour une théorie qui souhaite par ailleurs conforter la dignité et le respect de soi des êtres humains ». Je peux librement donner le fruit de mon travail à un autre, mais quand l’État me réclame par la force ce qui m’appartient en propre, il ne me respecte pas comme personne morale et il agit de manière illégitime.


A suivre….






 

 

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Damien Theillier est professeur de philosophie en terminale et en classes préparatoires à Paris. Il est l’auteur de Culture générale (Editions Pearson, 2009), d'un cours de philosophie en ligne (http://cours-de-philosophie.fr), il préside l’Institut Coppet (www.institutcoppet.org).
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La révolution française a permis de supprimer les ordres et à établir l'égalité de tous devant la loi. Elle aurait du s'arrêter là.

Les hommes sont inégaux de fait, c'est un acte de la nature. Il suffit de regarder autour de soi pour s'en apercevoir : physiquement, intellectuellement, culturellement, moralement, sans oublier, pour faire plaisir aux marxistes, la richesse.

L'apex de 5.000 ans de civilisation a été de découvrir qu'une inégalité de fait ne peut ni ne doit engendrer une inégalité de droit.

Le role de l'Etat est précisément d'empêcher qu'une inégalité de fait ne devienne une inégalités de droit. Là doit s'arrêter son intervention, si l'on ne veut pas lui laisser le pouvoir de l'arbitraire.

Deux cents ans plus tard cette leçon a été oubliée et nous voyons revenir les droits spéciaux et personnels, les "privilèges" (éthymologiquement Privata Lex, loi privée). Communautarismes, droits de classe comme le droit du travail et le droit fiscal, etc. Le droit s'adapte au pouvoir de lobbying ou de corruption par diverses castes de l'appareil d'état.

A commencer par l'égalité devant l'impot, qui a disparu depuis l'instauration de l'impot progressif sur le revenu, un viol organisé et méthodique de la propriété privée et de la capacité à être différent.

Il n'y a plus d'égalité devant la loi.

Il faudra refaire une révolution.
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Libertador - 12/19/2011 at 8:10 AM GMT
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