J’atterrissais mercredi à New York
après avoir passé quelques temps en Suède. Vous ne vous
imaginez pas à quel point il est déprimant de se rendre compte que
plus de personnes soient en mesure de comprendre l’Anglais à
l’étranger qu’aux Etats-Unis, et que
l’aéroport JFK est un véritable taudis. ‘Les rebuts
aspirent à vivre libre’, déclare le poème inscrit
au pied de la statue de la Liberté. En voilà une prophétie…
Aucune personne présente aux réclamations de bagages
n’était même en mesure de comprendre la phrase ‘Sur
quel tapis arrivent les bagages du vol BA 4872 ?’ Quien sabe? Vem
vet? Kim bilar? 谁知道?
Ποιος ξέρει?
Les Européens, peut-être par
nécessité, excellent dans le domaine des langues
étrangères. Cependant, en ce qui concerne les domaines de la
monnaie et de la banque, ils sont loin d’être des génies.
Il ne s’est pas écoulé bien longtemps avant que la
scène politique Européenne n’ait commencé à
ressembler à une bataille de tartes à la crème.
Maintenant que l’Allemagne et la France ont tous deux
présenté leur solution de dernier recours quant au sauvetage de
leurs banques nationales, les marchés boursiers jubilent et
l’économie de l’OCDE est sans doute en voie
d’enclencher à nouveau sa vitesse maximale.
Il ne serait pas étonnant de voir cette
atmosphère d’euphorie s’estomper largement d’ici le
milieu de la semaine prochaine. Les banquiers occidentaux, comme leurs
gouvernements, ne semblent avoir jamais entendu parler de ce que l’on
aime à appeler conséquences inattendues. Le défaut
obligataire semi-volontaire de la Grèce, offrant 50% de pertes aux
détenteurs de ses obligations, ne représente pas un swap de
défaut. Pourquoi ? Parce qu’il est parfaitement
évident que le marché des swaps de défaut n’est
autre qu’une fraude gigantesque. Les acteurs du marché n’y
enclenchent aucun levier, c’est aussi simple que ça. Si les
swaps de défaut devaient fonctionner comme ‘mécanisme
d‘assurance’ contre les obligations douteuses, notre
système bancaire tout entier sombrerait dans le néant. Les
contreparties de ces dettes ne pourraient en effet jamais se permettre de
rembourser les sommes requises par ces contrats. Donc, si les swaps de défauts
de la Grèce se trouvaient étrangement ‘suspendus’,
alors il en irait de même pour tous les autres.
Je ne pense pas qu’il soit une si mauvaise chose que
le marché des swaps de défaut ait perdu tout son sens, dans la
mesure où les contreparties n’y placent aucune forme de monnaie
réelle, mais uniquement des promesses de revenus futurs. Ce qui pose
problème, c’est qu’il n’existe aucune couverture sur
les obligations, aucune protection au cas où une obligation
s’effondrait. Cela signifie que le risque se re-matérialise
instantanément sur le marché des obligations et se voit
attribuer un prix de vente. Malheureusement, ceci pourrait aisément
faire s’effondrer le système financier global, puisque si les
investisseurs demandaient des taux d’intérêts de plus en
plus élevés pour accepter d’acheter de telles choses,
alors les gouvernements délivrant ces obligations se trouveraient
rapidement étouffés par le paiement de ces taux
d’intérêts.
Il sera intéressant de voir comment nos
économies ‘avancées’ se tireront d’affaire.
Il se pourrait bien qu’il existe encore aujourd’hui
d’autres moyens de prétendre que tout va bien, mais je ne suis
pas en mesure de les apercevoir. Il semblerait que la porte soit ouverte au
défaut universel. Le tout prochain chapitre de l’histoire
officielle verra l’ensemble des investisseurs de notre planète
bleue se bousculer vers les obligations Américaines. Il semblerait
qu’il n’existe plus aucune couverture. Les défauts de la
zone Euro entraîneront de toutes les manières un resserrement
des réserves totales de devises, et une fuite des investisseurs vers
les obligations Américaines ne représenterait qu’une
fuite de survivants depuis un bâtiment en flammes vers un autre.
Quelles quantités de monnaie ont déjà été
mal investies sur le marché financier Américain ? Un de
ces jours, plus aucun acheteur ne sera intéressé par de telles
choses, et même les robots HTF se verront bientôt dotés
d’une option ‘vive inquiétude’.
En attendant, de nombreuses banques se rendent compte
qu’elles manquent aujourd’hui énormément de fonds.
Elles ne peuvent plus fonctionner correctement. Les prêts
interbancaires sont gelés.
Nous nous trouvons soudainement devant le même abysse qui
s’était ouvert sous nos pieds lorsque Lehman
Brothers partait en fumée il y a trois ans. Seulement
cette fois-ci, l’abysse est bien plus profond.
Je ne parviens à imaginer que deux solutions
à tout cela. Soit la monnaie devient extrêmement rare, soit elle
n’aura bientôt plus aucune valeur. Dans chacun de ces deux cas,
vous finirez par vous trouver démuni. La seule chose qui
s’offrira alors aux nations sera un combat ultime pour les cendres de
notre grande époque industrielle.
Je connais de nombreuses personnes qui croient dur comme
fer que la technologie nous sauvera de tout cela, que nous resterons toujours
tous ‘connectés’. Nous n’aurions de cesse que
d’utiliser nos Smartphones afin de ‘communiquer’,
‘partager’ et ‘innover’. La connexion devient une fin
en soi. C’est ce qu’il se passe lorsque le monde s’effondre
tout autour de vous. Mais ne serait-il pas plus utile que vous vous
entraîniez à planter des pommes de terre et à
élever des mules ?
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