Deux évènements clés se
sont produits pour la première fois cette semaine : les rendements des
obligations souveraines suisses sur dix ans sont devenus négatifs, et le Mexique
a émis des obligations sur cent ans libellées en euros.
Voici un extrait de Swiss, Mexican Bond Deals Represent Milestones for Debt :
Jusqu’à
mercredi dernier, aucun pays n’avait encore vendu de dette sur dix ans pouvant
rapporter aux investisseurs moins de zéro pourcent. Et aucun pays n’avait
encore émis d’obligations en euros sur dcent ans.
Mais
dans le dernier épisode de l’ère de l’argent facile, la Suisse a vendu
mercredi des obligations sur dix ans dont la conservation coûte de l’argent
aux investisseurs, alors que le Mexique a, dans le cadre d’une transaction
sans précédent, emprunté des euros qu’il a promis de rembourser dans un
siècle – au taux de 4,2%.
Ces deux
étapes reflètent l’environnement extraordinaire dans lequel se trouve l’Europe
aujourd’hui.
La
Réserve fédérale s’apprête à laisser grimper ses taux d’intérêt, et la BCE
les force à la baisse. La Banque nationale suisse, qui ne souhaite qu’empêcher
sa devise de grimper face à celle de ses voisins européens, a elle aussi
forcé ses taux d’intérêt en-dessous de zéro.
La
conséquence en est une étrange collection de phénomènes monétaires : la
BCE a commencé à faire payer les banques commerciales pour conserver de l’argent
sur les dépôts. La banque centrale du Danemark a imprimé des couronnes pour
mitiger les flux de capitaux entrants. Même l’Espagne, qui autrefois était au
bord de l’effondrement fiscal, est capable de vendre des bons du Trésor qui
rapportent aux investisseurs moins qu’elles ne leur coûtent.
Au mois
de janvier, la banque centrale suisse, inquiète des conséquences de ses
achats de gros volumes d’euros qui visaient à supprimer la hausse du franc, a
annulé le plafond imposé à sa devise et fait passer les taux d’intérêt à
-0,75%. Les marchés des changes ont été plongés dans la tourmente. Puisque
placer de l’argent sur des dépôts n’est pas gratuit, les taux négatifs modestes
des nouvelles obligations sur dix ans restent marginalement attrayants. Une
situation similaire se présente en zone euro, où la BCE a fixé ses taux de
dépôt à -0,2% et acheté des obligations.
Le Mexique
a décidé de vendre des obligations sur cent ans principalement pour étendre
la maturité de sa dette, mais aussi pour élargir sa présence sur le marché de
la zone euro, a expliqué Alejandro Díaz de León, responsable du crédit public
au Ministère mexicain des finances. « En offrant à la dette une maturité
exceptionnellement longue, le Mexique consolide sa place en tant qu’émetteur
largement accepté. »
La vente
a permis au Mexique de satisfaire ses besoins de financements en termes de
marchés de capitaux pour l’année 2015, et a eu lieu dans le cadre de la
réduction de ses dépenses par le gouvernement du pays en raison de la baisse
du prix du pétrole et de l’aggravation potentielle de la conjoncture financière
dans le futur – notamment lorsque la Fed fera grimper ses taux d’intérêt.
Jim
Esposito, co-directeur des finances globales chez Goldman Sachs, qui a
travaillé dans le cadre de la vente, a expliqué que la demande avait été « dominée
par les gestionnaires monétaires européens », mais aussi par certains
acheteurs américains.
Des
risques colossaux
L’euro
existera-t-il encore dans cent ans ?
Même s’il
existait encore, quels pays l’utiliseraient ? La valeur de l’euro
pourrait varier grandement si la réponse à cette question était l’Europe
périphérique, à l’exclusion de l’Allemagne ou encore de l’Autriche. Le Mexique
a pris un gros risque.
Mais si
le peso grimpait face à l’euro, alors le Mexique sortirait gagnant.
Euro
et pesos mexicains
Analyse
du risque
En avril
2001, un euro permettait d’acheter 7,7 pesos. Aujourd’hui, un euro permet d’acheter
16,1 pesos. C’est un déclin de 52%. Si le Mexique avait établi cette
transaction en 2001, il aurait déjà perdu 52% suite aux seules fluctuations
de devises. Et puisque les taux d’intérêt sont plus bas aujourd’hui, il
aurait également perdu davantage en termes d’intérêts.
Emettre
de la dette ou accepter la dette de pays étrangers est une décision risquée.
Voyez par exemple les citoyens de Pologne, de Hongrie ou de République
tchèque, qui ont contracté des prêts immobiliers en francs suisses. Beaucoup
vont perdre leur maison parce que le remboursement de leur prêt a flambé en
parallèle au franc suisse.
En 2009,
un euro permettait d’acheter 20 pesos mexicains. Il est difficile de croire
que le peso ne retombera pas jusqu’à un niveau similaire, disons 25 pesos
pour un euro. Une telle fluctuation de valeur forcerait le Mexique à perdre
36% sur les mouvements des devises.
Je n’ai
aucun moyen de prévoir dans quel sens se dirigera le peso, du moins sur la période
impartie. Je ne fais que souligner ici le risque lié aux devises. Il existe
également un risque lié aux taux d’intérêt, mais celui-ci a l’avantage d’être
défini.
Cet
accord ne dépend que des fluctuations de devises.
Le plus
gros risque encouru est une dissolution de la zone euro. Si l’Allemagne quittait
l’euro (ce qu’elle devrait selon moi faire, mais ne fera certainement pas),
le Mexique en sortirait gagnant puisque l’euro chuterait face au peso. Si la
Grèce, le Portugal et l’Espagne quittaient la zone euro, l’euro pourrait en
revanche se renforcer après une période de volatilité.
Vers
des obligations sur mille ans ?
Puisque
des pays peuvent émettre des obligations sur cent ans libellées en devises
étrangères, pourquoi ne pas émettre des obligations sur mille ans, ou encore
perpétuelles ?
Après
tout, aucun pays n’a jamais eu l’intention de rembourser sa dette. La dette
globale ne cesse jamais de gonfler.
Une
crise des devises approche, mais très peu la voient venir.