Au cours d’une audience accordée au Secrétaire de la Congrégation pour la
Doctrine de la Foi, Sa Sainteté le Pape
- a approuvé les Considérations qui suivent, adoptées par la Session Ordinaire
de ce Dicastère et
- en a ordonné la publication.
Il a été donné à
Rome, le 6 janvier 2018, en la solennité de l’Épiphanie.
Voici le texte qui 'tangente" parfois la théorie de l'"économie autrichienne",
avec mes remarques "[...]".
Congrégation pour la Doctrine de la Foi
Dicastère pour le Service du Développement Intégral
Oeconomicae et pecuniariae quaestiones
Considérations
pour un discernement éthique sur certains aspects du système économique et
financier actuel
http://www.vatican.va/roman_curia/congregati...niariae_fr.html
Introduction
II. Considérations élémentaires de base (à partir du §7)
III. Des précisions dans le contexte actuel (à partir du §18)
Conclusion (à partir du §34)
I. Introduction
1. Aujourd’hui
plus que jamais, les problèmes économiques et financiers attirent notre
attention, en raison de l’influence croissante des marchés sur le bien-être
matériel d’une bonne partie de l’humanité.
[l'expression "l’influence croissante des marchés sur le bien-être matériel
d’une bonne partie de l’humanité" aurait besoin d'être précisé...]
Cela requiert,
- d’une part, une juste régulation de leurs dynamiques et,
- d’autre part, un fondement éthique clair qui garantisse au bien-être obtenu
une qualité humaine de relations que les mécanismes économiques ne sont pas en
mesure de produire à eux seuls.
[pourquoi parler de mécanismes économiques ;
pourquoi dire sans raison qu'ils "ne sont pas en mesure"?]
De nos jours, un
tel fondement éthique est réclamé de toutes parts, en particulier par ceux qui
travaillent dans le système économique et financier.
C’est précisément là que devient évidente la nécessité d’une alliance
entre
- savoir technique et
- sagesse humaine,
sous peine de voir tout agir humain se pervertir.
Cette union
permet au contraire de progresser sur la voie d’un bien-être véritable et
intégral de l’homme.
[développement sur l'Eglise]
2. La promotion intégrale de chaque personne, de toute communauté humaine et de
tous les hommes, est l’horizon ultime du bien commun que l’Église, « sacrement
universel du salut »[1], se propose d’atteindre.
[1] Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. target="_blank"
Lumen gentium, n. 48.
Dans cette
intégralité du bien, pleinement révélée en Jésus-Christ, réside le but ultime
de toute activité ecclésiale.
Son origine et son accomplissement ultime sont en Dieu qui récapitule en Lui
toutes choses (cf. Eph 1, 10).
Ce bien fleurit comme une anticipation du royaume de Dieu que l’Église est
appelée à
- annoncer et
- instaurer dans toutes les sphères de l’activité humaine [2] ;
[2] Cf. ibid., n. 5.
il est le fruit singulier de cette charité qui, voie royale de l’action
ecclésiale, est également appelée à s’exprimer dans l’amour social, civil et
politique.
Cet amour « se manifeste dans toutes les actions qui essaient de construire un
monde meilleur.
L’amour de la société et l’engagement pour le bien commun sont une forme
excellente de charité qui,
- non seulement concerne les relations entre les individus,
- mais aussi les “macro-relations : rapports sociaux, économiques,
politiques”.
C’est pourquoi,
l’Église a proposé au monde l’idéal d’une “civilisation de l’amour” »[3].
[3] François, Lettre enc. target="_blank"
Laudato si’ (24 mai 2015), n. 231 : AAS 107 (2015), 937 ;
La Documentation catholique, 2519 (2015), p. 65.
L’amour du bien intégral, indissociable de l’amour de la vérité, est la clé
d’un développement authentique.
3. Tel est le but poursuivi, avec la certitude que, dans toutes les cultures,
il existe de nombreux points de convergence éthiques, expressions d’une sagesse
morale commune [4], sur l’ordre objectif de laquelle est fondée la dignité de
la personne.
[4] Cf. Benoît XVI, Lettre enc. target="_blank"
Caritas in veritate (29 juin 2009), n. 59 : AAS 101
(2009), 694 ; La Documentation catholique, 106 (2009), p.
784.
Les droits
fondamentaux et les devoirs de l’homme reposent sur le socle solide et
inviolable de cet ordre, qui décrit des principes communs clairs, et sans
lequel la volonté et l’abus des plus puissants finissent par dominer la scène
humaine.
Cet ordre
éthique, enraciné dans la sagesse de Dieu Créateur, est donc le fondement
indispensable pour construire une vraie communauté d’hommes, gouvernée par des
lois fondées sur une vraie justice.
Cela est
d’autant plus vrai que les hommes, tout en aspirant de tout leur cœur au bien
et à la vérité, succombent souvent, face aux intérêts partisans, à des abus et
à des pratiques iniques, qui entraînent de graves souffrances pour toute
l’humanité, surtout pour les plus faibles et pour ceux qui sont sans
défense.
Parmi ses tâches
principales, l’Église reconnaît aussi celle de rappeler à tous, avec une
certitude humble, certains principes éthiques évidents, afin de libérer chaque
sphère de l’action humaine du désordre moral qui l’afflige si
souvent.
À
cet égard, la raison humaine elle-même, qui marque de son sceau indélébile
chaque personne, exige un discernement avisé.
En effet, l’esprit humain cherche toujours dans la vérité et la justice, le
fondement solide sur lequel il va fonder son œuvre, percevant que sans cette
base, son orientation même ferait défaut [5].
[5] Cf. Jean Paul II, Lettre enc. target="_blank"
Fides et ratio (14 septembre 1998), n. 98 : AAS 91
(1999), 81 ; La Documentation catholique, 95 (1998), p.
936.
[L'action humaine et la liberté...]
4. Cette juste orientation de la raison ne saurait manquer en aucune sphère de
l’action humaine.
De la sorte, aucun espace dans lequel l’homme agit, ne peut légitimement
prétendre être étranger, ou rester imperméable à une éthique fondée sur la
liberté, la vérité, la justice et la solidarité [6].
[6] Cf. Commission théologique internationale, target="_blank"
À la recherche d’une éthique universelle. Nouveau regard sur la loi
naturelle, n. 87, Cité du Vatican 2009, 86 ; La Documentation
catholique, 106 (2009), p. 837.
Cela s’applique
également aux sphères dans lesquelles sont en vigueur les lois de la politique
et de l’économie :
« Aujourd’hui, en pensant au bien commun, nous avons impérieusement besoin que
la politique et l’économie, en dialogue, se mettent résolument au service de la
vie, spécialement de la vie humaine »[7].
[7] François, Lettre enc. target="_blank"
Laudato si’, n. 189 : AAS 107 (2015), 922 ; La Documentation
catholique, 2519 (2015), p. 55.
En effet, toute activité humaine est appelée à produire des fruits, en
disposant généreusement et équitablement des dons mis originairement par Dieu à
la disposition de tous ;
elle doit aussi développer, avec une ferme espérance, les semences de bien
inscrites dans toute la création comme une promesse de fécondité.
Cet appel
constitue une invitation permanente au déploiement de la liberté humaine, même
si le péché est toujours prêt à miner ce plan divin originaire.
C’est pourquoi
Dieu vient à la rencontre de l’homme en Jésus-Christ.
Il nous fait participer à l’événement admirable de sa Résurrection ;
il « ne rachète pas seulement l’individu, mais aussi les relations sociales
»[8] ;
[8] Id., Exhort. apost. target="_blank"
Evangelii gaudium (24 novembre 2013), n. 178 : AAS 105
(2013), 1094 ; La Documentation catholique, 2513 (2014), p. 54.
il travaille pour un nouvel ordre de relations sociales fondées sur la Vérité
et l’Amour, un levain fécond de transformation de l’histoire.
Ainsi, il anticipe le Royaume des cieux qu’il est venu annoncer et inaugurer en
sa personne dans le cours du temps.
5. Si le bien-être économique mondial s’est indubitablement accru au cours de
la seconde moitié du XXe siècle, avec une mesure et une rapidité jamais perçues
auparavant,
il faut cependant noter que, parallèlement, les inégalités se sont amplifiées
au sein des différents pays [9], comme aussi entre les nations.
[9] Cf. Conseil pontifical Justice et Paix, target="_blank"
Note pour une réforme du système financier et monétaire international dans
la perspective d’une autorité publique à compétence universelle, n. 1
: L’Osservatore Romano, 24-25 octobre 2011, 6; La Documentation
catholique, 108 (2011), p. 1023.
[un peu de socialisme...]
Un grand nombre
de personnes continue de vivre dans l’extrême pauvreté.
La récente crise
financière aurait pu être l’occasion
- pour développer une nouvelle économie plus attentive aux principes éthiques
et
- pour une nouvelle régulation de l’activité financière,
* en éliminant les aspects prédateurs et spéculatifs et
* en valorisant le service à l’économie réelle.
Bien qu’à divers
niveaux, de nombreux efforts positifs aient été accomplis, lesquels sont à
saluer et à apprécier, aucune réaction, cependant, n’a permis de repenser ces
critères obsolètes qui continuent de gouverner le monde[10].
[10] Cf. François, Lettre enc. target="_blank"
Laudato si’, n. 189 : AAS 107 (2015), 922 ; La
Documentation catholique, 2519 (2015), p. 55.
[la crise financière évoqué n'est pas décrite ;
des jugements sont portés néanmoins]
Au contraire, un
égoïsme aveugle semble parfois prévaloir, limité au court terme;
faisant fi du bien commun, il exclut de ses horizons la préoccupation
non seulement de créer
mais aussi de partager la richesse et d’éliminer les inégalités aujourd’hui si
aiguës.
6. Ce qui est en jeu, c’est le véritable bien-être de la plupart des hommes et
des femmes de notre planète, qui risquent d’être mis de plus en plus en marge,
sinon « exclus et rejetés »[11] du progrès et de la prospérité réelle, tandis
que certaines minorités exploitent et se réservent les immenses ressources et
richesses, dans l’indifférence à la condition du plus grand nombre.
[11] Id., Exhort. apost. target="_blank"
Evangelii gaudium, n. 53 : AAS 105 (2013), 1042 ; La
Documentation catholique, 2513 (2014), p. 21.
[ces richesses n'ont pas été volées, mais découvertes ou
inventées]
L’heure est donc
venue
- de favoriser la reprise de ce qui est authentiquement humain,
- d’élargir les horizons de l’esprit et du cœur, pour reconnaître loyalement ce
qui vient des exigences de la vérité et du bien, ce sans quoi tout système
social, politique et économique est destiné, à la longue, à l’échec et à
l’implosion.
Il est toujours
plus clair que l’égoïsme n’est finalement pas payant, mais fait payer à tous un
prix trop élevé ; si donc on veut le bien réel de tous, « l’argent doit servir
et non pas gouverner ! »[12].
[12] Ibid., n. 58 : AAS 105 (2013), 1044; La
Documentation catholique, 2513 (2014), p. 22.
[Cela n'a rien de clair!]
À
ce propos, il revient d’abord aux opérateurs compétents et responsables
d’élaborer de nouvelles formes d’économie et de finance dont les pratiques et
les règles visent le progrès du bien commun ainsi que le respect de la dignité
humaine, en se basant sur le socle sûr de l’enseignement social de
l’Église.
Toutefois, la
Congrégation pour la Doctrine de la Foi, dont la compétence englobe aussi les
questions de nature morale, en collaboration avec le Dicastère pour le Service
du Développement Humain Intégral, entend proposer, par ce document,
- des considérations fondamentales ainsi que
- des points de référence pour soutenir ce progrès et défendre cette
dignité[13].
[13] Cf. Conc. œcum. Vat. II, Déclaration target="_blank"
Dignitatis humanae, n. 14.
On perçoit, en particulier, la nécessité d’entreprendre une réflexion éthique
sur certains aspects de l’intermédiation financière, dont le fonctionnement,
lorsqu’il est déconnecté des justes fondements anthropologiques et
moraux,
- non seulement produit des abus et des injustices évidents,
- mais se révèle capable de créer des crises systémiques de portée
mondiale.
[l'intermédiation financière n'a rien à voir avec ces
considérations]
Il s’agit d’un
discernement offert à tous les hommes et femmes de bonne volonté.
II. Considérations élémentaires de base
7. Certaines
considérations élémentaires sont aujourd’hui évidentes aux yeux de tous ceux
qui, au-delà de toute théorie ou école de pensée, veulent prendre acte, de
manière loyale, de la situation historique dans laquelle nous
vivons.
Ce document
n’entend pas intervenir dans de légitimes discussions d’écoles, mais plutôt
contribuer au dialogue, conscient que, de toute façon, il n’existe pas de
recettes économiques valables en tout lieu et en tout temps.
[l'économie politique ne serait donc pas une science?]
8. Toute réalité ou activité humaine, vécue sur l’horizon d’une juste éthique,
c’est-à-dire dans le respect de la dignité humaine et orientée vers le bien
commun, est une chose positive.
Cela vaut pour toutes les institutions que suscite la société humaine, même en
ce qui concerne les marchés, à tous les niveaux, y compris financiers.
[la société est une entité imaginée qui ne saurait agir ;
le marché n'est pas une institution, mais une notion résultant et englobant
deux hypothèses mathématiques dénommées "loi d'offre" et "loi de
demande"
À ce propos, il faut souligner que même les systèmes créés par les marchés,
avant de reposer sur des dynamiques anonymes, élaborées grâce à des
technologies de plus en plus sophistiquées, sont basées sur des relations qui
ne pourraient être instaurées sans la participation de la liberté des
individus.
[les marchés sont des notions imaginées qui ne sauraient agir
...]
Il est donc clair que, « pour fonctionner correctement, l’économie », tout
comme les autres sphères de l’activité humaine, « a besoin de l’éthique ;
- non pas d’une éthique quelconque,
- mais d’une éthique amie de la personne » [14].
[14] Benoît XVI, Lettre enc. target="_blank"
Caritas in veritate (29 juin 2009), n. 45 : AAS 101 (2009), 681 ;
La Documentation catholique, 106 (2009), p. 776.
[Il y a un non sequitur entre les deux paragraphes... société
(marché) et éthique font deux...]
9. Il apparaît donc clairement que, sans une juste vision de l’homme, on ne
peut fonder
- ni une éthique
- ni une pratique à la hauteur de sa dignité et du vrai bien commun.
[dire que c'est clair n'ajoute rien au caractère sombre de
l'argument...]
En fait, dire que l’action humaine est neutre ou dégagée de toute conception
fondamentale – même dans la sphère économique – c’est toujours impliquer une
compréhension de l’homme et du monde, qui révèle ou non sa positivité à travers
les effets et le développement produits.
Dans cette ligne, notre époque a montré l’essoufflement d’une vision
individualiste de l’homme pris surtout comme un consommateur, dont le profit
consisterait avant tout à optimiser ses gains pécuniaires.
[mauvaise théorie économique sous jacente...]
En réalité, la personne humaine est dotée singulièrement
- d’un caractère relationnel et
- d’une rationalité continuellement à la recherche d’un gain et d’un bien-être
entiers et non réductibles à une logique de consommation ou aux aspects
économiques de la vie [15].
[15] Cf. ibid., n. 74 : AAS 101 (2009), 705; La
Documentation catholique, 106 (2009), p. 790.
[bonne théorie économique "autrichienne" sans relation avec la mauvaise
théorie précédente]
Ce caractère relationnel fondamental de l’homme [16] est essentiellement marqué
par une rationalité qui résiste à toute réduction chosifiant ses besoins
fondamentaux.
[16] Cf. François, target="_blank"
Discours au Parlement européen (25 novembre 2014), Strasbourg :
AAS 106 (2014), 997-998; La Documentation catholique, 2517
(2015), p. 91.
À ce sujet, il n’est plus possible de passer sous silence qu’il existe de nos
jours une tendance à déshumaniser tous les échanges de « biens », en les
réduisant à de simples échanges de « choses ».
[ce point est difficilement compréhensible: "bien" et "chose" feraient deux
?]
En réalité, il est évident que l’enjeu de la transmission des biens entre des
personnes n’est pas seulement d’ordre matériel, car les biens matériels sont
souvent le véhicule de biens immatériels, dont la présence ou l’absence
effective détermine de manière décisive la qualité même des rapports
économiques (par exemple, la confiance, l’équité, la coopération…).
[à l'évidence près,en n'étant pas précis, on crée de fausses questions: une
chose ou un objet immatériel est un service]
C’est précisément à ce niveau que la logique du don sans contrepartie peut se
comprendre - non comme une alternative, - mais comme une réalité inséparable et
complémentaire de celle de l’échange de biens équivalents [17].
[17] Cf. Benoît XVI, Lettre enc. target="_blank"
Caritas in veritate, n. 37 : AAS 101 (2009), 672; La
Documentation catholique, 106 (2009), p. 771.
[un don avec contrepartie n'est plus un don!]
[ communion ]
10. Il est facile de percevoir les avantages dérivant d’une vision de l’homme
comme sujet constitutivement inséré dans un ensemble de relations qui sont en
soi une ressource positive[18].
[18] Cf. ibid., n. 55 : AAS 101 (2009), 690 ; La
Documentation catholique, 106 (2009), p. 781.
Chaque personne naît dans un contexte familial, c’est-à-dire au sein de
relations qui le précèdent, sans lesquelles il lui serait impossible
d’exister.
Elle traverse ensuite les étapes de son existence toujours grâce à des liens
qui la positionnent dans le monde comme une liberté continuellement
partagée.
Ce sont précisément ces liens originaires qui révèlent l’homme comme être
relationnel et essentiellement marqué par ce que la Révélation chrétienne
appelle « la communion ».
Ce caractère originaire de communion, en mettant en lumière dans chaque
personne humaine l’empreinte d’une affinité avec le Dieu qui l’a créée et
appelée à une relation de communion avec lui, est aussi ce qui l’oriente
naturellement vers la vie communautaire, lieu fondamental de sa complète
réalisation.
La reconnaissance de ce caractère comme élément originairement constitutif de
l’identité humaine permet précisément de regarder les autres,
- non pas d’abord comme des concurrents potentiels,
- mais comme de possibles alliés dans la construction d’un bien qui n’est
authentique que s’il concerne simultanément tous et chacun.
Cette anthropologie relationnelle aide également l’homme à reconnaître la
validité des stratégies économiques.
[c'est toute
l'"économie autrichienne"!]
Celles-ci visent surtout, avant même la croissance sans discernement des
bénéfices, la qualité globale de la vie ainsi que le bien-être, qui, pour être
tel, doit être toujours intégral, c’est-à-dire celui de tout l’homme et de tous
les hommes.
En réalité, aucun profit n’est légitime lorsque fait défaut la vision
- de la promotion intégrale de la personne humaine,
- de la destination universelle des biens et
- de l’option préférentielle pour les pauvres [19].
[19] Cf. Jean Paul II, Lettre enc. target="_blank"
Sollecitudo rei socialis (30 décembre 1987), 42 : AAS 80
(1988), 572; La Documentation catholique, 85 (1988), p. 252.
Ces trois principes s’imbriquent et sont nécessairement complémentaires dans la
perspective de la construction d’un monde plus juste et plus solidaire.
Pour cette raison, tout progrès du système économique ne peut être considéré
comme tel, s’il est mesuré uniquement sur la base des paramètres quantitatifs
et d’efficacité dans la production du profit ;
il doit également prendre en compte
- la qualité de vie qu’il produit et
- celle de l’extension sociale du bien-être qu’il diffuse ;
ce bien-être ne peut de fait se limiter seulement à ses aspects
matériels.
Tout système économique légitime son existence,
- non par la simple croissance quantitative des échanges économiques,
- mais en démontrant surtout sa capacité à œuvrer pour le développement de tout
l’homme et de tout homme.
Le bien-être et le développement s’interpellent et se renforcent
mutuellement[20],
[20] Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, n. 1908.
en nécessitant des politiques et des perspectives durables qui aillent bien
au-delà du court terme [21].
[21] Cf. François, Lettre enc. target="_blank"
Laudato si’, n. 13 : AAS 107 (2015), 852 ;
La Documentation catholique, 2519 (2015), p. 9 ; Exhort. apost. target="_blank"
Amoris laetitia (19 mars 2016), n. 44 : AAS 108 (2016),
327 ; La Documentation catholique, 2523 (2016), p. 17.
[les
politiques en question ne sauraient être étatiques!]
À cet égard, il est souhaitable que particulièrement les institutions
universitaires et les business schools prévoient dans leur cursus d’études, de
façon non marginale ou accessoire, mais bien fondamentale, des cours de
formation qui amènent à comprendre l’économie et la finance à la lumière
- d’une vision complète de l’homme, non réduite à certaines de ses dimensions,
et
- d’une éthique qui l’exprime.
La doctrine sociale de l’Église offre à ce sujet une grande aide.
11. Le bien-être doit donc être évalué avec des critères plus amples que ceux
du Produit Intérieur Brut (PIB) d’un pays, en tenant compte au contraire
d’autres paramètres, comme par exemple, la sécurité, la santé, la croissance du
« capital humain », la qualité de la vie sociale et du travail.
[la mesure est sans intérêt]
Quant au profit, il pourra toujours être recherché, mais non « à tout prix »,
ni comme une référence totalisante de l’action économique.
Ici devient significative l’importance des paramètres d’humanisation, des
formes culturelles et des mentalités dans lesquelles la gratuité, en somme la
découverte et la réalisation du vrai et du juste comme des biens en soi,
devient la norme de ce qui est calculé [22].
[22] Cf. par exemple, la devise Ora et labora, qui rappelle la Règle
de saint Benoît de Nursie :
dans sa simplicité, elle indique que la prière, en particulier liturgique, tout
en nous ouvrant à la relation avec ce Dieu qui, en Jésus Christ et dans son
Esprit, se révèle comme Bien et Vérité, offre aussi la forme appropriée et
ouvre la voie pour construire un monde meilleur et plus vrai, c’est-à-dire plus
humain.
Là, les gains et la solidarité ne sont plus antagonistes.
En effet, là où prévalent l’égoïsme et les intérêts personnels, il est
difficile pour l’homme de percevoir la circularité féconde entre le gain et le
don que le péché tend à ternir et à briser.
[les gains et
la solidarité ne sont pas antagonistes en "économie autrichienne"... confusion
des auteurs...]
Par contre, dans une perspective pleinement humaine, il s’instaure un cercle
vertueux entre le profit et la solidarité, qui, grâce à l’agir libre de
l’homme, peut libérer toutes les potentialités positives des marchés.
Un rappel permanent pour reconnaître la convenance humaine de la gratuité
provient de la règle donnée par Jésus dans l’Évangile ;
cette règle d’or nous invite à faire aux autres ce que nous aimerions que les
autres fassent pour nous (Mt 7, 12, Lc 6, 31).
12. Aucune activité économique ne peut prospérer de manière durable, si elle ne
s’insère dans un climat de saine liberté d’initiative [23].
[23] Cf. Jean Paul II, Lettre enc. target="_blank"
Centesimus annus (1er mai 1991), nn. 17, 24, 42 : AAS 83
(1991), 814, 821, 845; La Documentation catholique, 88 (1991), pp.
527, 530, 539.
[ce point est essentiel, mais pourquoi ne pas préciser les
auteurs]
Aujourd’hui, il est également évident que la liberté dont jouissent les acteurs
économiques, si elle est comprise de manière absolue et détournée de sa
référence intrinsèque à la vérité et au bien, tend
- à générer des centres de suprématie et
- à incliner vers des formes d’oligarchie qui, à terme, nuisent à l’efficacité
même du système économique[24].
[24] Cf. Pie XI, Lettre enc. target="_blank"
Quadragesimo anno (15 mai 1931), n. 105 : AAS 23 (1931),
210 ; Paul VI, Lettre enc. target="_blank"
Populorum progressio (26 mars 1967), n. 9 : AAS 59
(1967), 261 ; La Documentation catholique, 64 (1967), col. 677;
François, Lettre enc. target="_blank"
Laudato si’, n. 203 : AAS 107 (2015), 927 ; La
Documentation catholique, 2519 (2015), p. 59.
[oui dans un monde de connivence...]
De ce point de vue, il est toujours plus facile de voir que, face au pouvoir
croissant et omniprésent d’agents importants et des grands réseaux
(networks) économiques et financiers, ceux qui sont chargés de
l’exercice du pouvoir politique, souvent désorientés et rendus impuissants par
la supranationalité de ces agents et le caractère volatile des capitaux gérés
par eux, peinent à répondre à leur vocation originaire de serviteurs du bien
commun ;
ils deviennent parfois des sujets soumis à des intérêts étrangers à ce
bien[25].
[25] Cf. François, Lettre enc. target="_blank"
Laudato si’, n. 175 : AAS 107 (2015), 916 ; La
Documentation catholique, 2519 (2015), p. 51.
À propos du lien nécessaire entre économie et politique, cf. Benoît XVI, Lettre
enc. target="_blank"
Caritas in veritate, n. 36 : AAS 101 (2009), 671 ; La
Documentation catholique, 106 (2009), p. 770 :
« L’activité économique ne peut résoudre tous les problèmes sociaux par la
simple extension de la logique marchande.
Celle-là doit viser la recherche du bien commun, que la communauté politique
d’abord doit aussi prendre en charge.
C’est pourquoi il faut avoir présent à l’esprit que séparer l’agir économique,
à qui il reviendrait seulement de produire de la richesse, de l’agir politique,
à qui il reviendrait de rechercher la justice au moyen de la redistribution,
est une cause de graves déséquilibres ».
Une alliance renouvelée entre les agents économiques et les agents politiques
est plus que jamais urgente, pour promouvoir ce qui sert le développement
accompli de chaque personne humaine et de toute la société, en conjuguant les
exigences de la solidarité avec celles de la subsidiarité [26].
[26] Cf. Benoît XVI, Lettre enc. target="_blank"
Caritas in veritate, n. 58 : AAS 101 (2009), 693; La
Documentation catholique, 106 (2009), p. 783.
[ agents économiques et agents politiques sont des
constructions...
Les marchés, des constructions humaines]
13. En principe, les systèmes et les moyens dont se servent les marchés pour
accroître leur capacité de distribution des ressources, sont tous moralement
admissibles[27], dès lors
- qu’ils ne portent pas atteinte à la dignité de la personne ou
- qu’ils ne font pas fi du bien commun.
[27] Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. past., target="_blank"
Gaudium et spes, n. 64.
[les marchés n'existent pas (bis)...]
Cependant, il est également clair que le puissant moteur de l’économie que sont
les marchés n’est pas en mesure de se réguler par lui-même[28] :
les marchés, en effet, ne peuvent
- ni produire les conditions qui leur permettent de se développer dans les
règles (cohésion sociale, équité, confiance, sécurité, lois…),
- ni corriger leurs effets et leurs expressions nuisibles à la société humaine
(inégalités, dégradation de l’environnement, insécurité sociale,
fraudes...).
[28] Cf. Pie XI, Lettre enc. Quadragesimo anno, n. 89 : AAS
23 (1931), 206 ; Benoît XVI, Lettre enc. target="_blank"
Caritas in veritate, n. 35 : AAS 101 (2009), 670 ; La
Documentation catholique, 106 (2009), p. 769 ; François, Exhort. apost. target="_blank"
Evangelii gaudium, n. 204 : AAS 105 (2013), 1105 ; La
Documentation catholique, 2513 (2014), p. 61.
14. En outre, bien que de nombreux opérateurs financiers soient animés
personnellement de bonnes et droites intentions, il n’est pas possible
d’ignorer aujourd’hui que l’industrie financière, en raison de son omniprésence
et de sa capacité inévitable à influencer et, dans une certaine mesure, à
dominer l’économie réelle, est un lieu où les égoïsmes et les abus ont une
puissance de nuisance pour la communauté sans égal.
À cet égard, il convient de noter que, dans le monde économique et financier,
il existe certaines conditions dans lesquelles certains de ces moyens, bien que
non immédiatement inacceptables du point de vue éthique, constituent cependant
des cas d’immoralité proche, c’est-à-dire des occasions très facilement
propices aux abus et aux escroqueries, souvent au détriment de la partie moins
avantagée.
Par exemple, la commercialisation de certains instruments financiers, légitimes
en soi, mais, dans une situation d’inégalité, en profitant de l’ignorance ou de
la faiblesse contractuelle d’une des parties, constitue en soi une violation de
la rectitude relationnelle et représente alors une atteinte grave au plan
éthique.
Puisque dans la situation actuelle, la complexité de nombreux produits
financiers fait de cette inégalité un élément inhérent au système lui-même, et
place les acquéreurs en situation d’infériorité par rapport à ceux qui les
commercialisent, de toutes parts, il est demandé le dépassement du principe
traditionnel de caveat emptor.
Ce principe, selon lequel il incombe avant tout à l’acheteur de vérifier la
qualité du bien acquis, présuppose, en réalité, une parité des contractants
quant à leur capacité à défendre leurs intérêts.
Or de fait, cette situation n’existe pas,
- soit en raison de la relation hiérarchique évidente qui s’instaure dans
certains types de contrats (par exemple, entre prêteur et emprunteur),
- soit à cause de la structuration complexe de nombreuses opérations
financières.
[ces particularités sont sans valeur]
15. L’argent lui-même est en soi un bon outil, comme c’est le cas de beaucoup
de biens dont dispose l’homme : c’est un moyen mis à la disposition de sa
liberté et qui sert à accroître ses possibilités.
Toutefois, ce moyen peut facilement se retourner contre l’homme.
De même, la financiarisation du monde des affaires, en permettant aux
entreprises d’accéder à l’argent grâce à l’entrée dans le champ de la libre
négociation en bourse, est en soi quelque chose de positif.
Cependant, ce phénomène est aujourd’hui susceptible d’accentuer une mauvaise
financiarisation de l’économie ;
il fait en sorte que la richesse virtuelle, principalement concentrée sur des
transactions caractérisées par une intention de pure spéculation et sur des
transactions à haute fréquence (high frequency trading), attire à elle
des capitaux en trop grand nombre, les soustrayant ainsi aux circuits vertueux
de l’économie réelle [29].
[29] Cf. François, Lettre enc. target="_blank"
Laudato si’, n. 109 : AAS 107 (2015), 891 ; La
Documentation catholique, 2519 (2015), p. 34.
Ce qui avait été prédit, voici plus d’un siècle, est malheureusement devenu
maintenant réalité : le revenu issu du capital porte maintenant atteinte au
revenu issu du travail qu’il risque de supplanter tandis que celui-ci est
souvent relégué en marge des intérêts majeurs du système économique.
Il s’ensuit que le travail lui-même, avec sa dignité, devient
- non seulement une réalité toujours plus menacée,
- mais perd aussi sa qualification de « bien » pour l’homme[30], devenant ainsi
un simple moyen d’échange à l’intérieur de relations sociales inégales.
[30] Cf. Jean Paul II, Lettre enc. target="_blank"
Laborem exercens (14 septembre 1981), n. 9 : AAS 73
(1981), 598; La Documentation catholique, 78 (1981), p. 841.
Dans cette inversion d’ordre entre les moyens et les fins, qui fait
passer
- le travail de l’état de bien à celui d’« outil », et
- l’argent, de celui de moyen à celui de « fin », se trouve précisément le
terrain fertile d’une culture « de déchets » ;
celle-ci, sans scrupules et de manière amorale, a marginalisé de nombreuses
populations, les privant d’un travail décent et les rendant ainsi « sans
perspectives, sans voies de sortie » :
« Il ne s’agit plus simplement du phénomène de l’exploitation et de
l’oppression, mais de quelque chose de nouveau : avec l’exclusion reste
touchée, dans sa racine même, l’appartenance à la société dans laquelle on vit,
du moment qu’en elle on ne se situe plus dans les bas-fonds, dans la
périphérie, ou sans pouvoir, mais on est dehors. Les exclus ne sont pas des
‘exploités’, mais des déchets, ‘des restes’ » [31].
[31] François, Exhort. apost. target="_blank"
Evangelii gaudium, n. 53 : AAS 105 (2013), 1042 ; La
Documentation catholique, 2513 (2014), p. 21.
16. À ce sujet, comment ne pas penser à la fonction sociale irremplaçable du
crédit, dont la prestation incombe d’abord à des intermédiaires financiers
qualifiés et fiables ?
[c'est une erreur de penser ainsi]
Dans ce domaine, il apparaît clair que le fait d’appliquer des taux d’intérêt
excessivement élevés, en réalité non soutenables pour ceux qui empruntent,
représente une opération non seulement illégitime du point de vue éthique, mais
aussi un dysfonctionnement quant à la santé de l’économie.
Depuis toujours, de telles pratiques, ainsi que des comportements usuraires de
fait, sont ressentis par la conscience humaine comme iniques, et par le système
économique comme un obstacle à son bon fonctionnement.
Ici, l’activité financière révèle sa première vocation de service à l’économie
réelle ; elle est appelée
- à créer de la valeur par des moyens moralement licites et
- à favoriser la libéralisation des capitaux afin de générer une circularité
vertueuse de la richesse[32].
[32] Cf. Conseil pontifical Justice et Paix, target="_blank"
Compendium de la doctrine sociale de l’Église, n. 369.
À titre d’exemple, les coopératives de crédit, le micro-crédit, ainsi que le
crédit public au service des familles, des entreprises, des collectivités
locales ou le crédit d’aide aux pays en voie de développement sont des réalités
très positives et dignes d’être encouragées.
Jamais comme auparavant en ce domaine, où l’argent peut manifester toutes ses
potentialités positives, il apparaît clair que ce n’est pas légitime, du point
de vue éthique, d’exposer à des risques excessifs, le crédit dérivant de la
société civile, en l’utilisant principalement à des fins de spéculation.
17. Ce qui est moralement inacceptable,
- ce n’est pas le simple fait de faire un gain,
- mais celui d’utiliser à son avantage une inégalité pour générer des profits
importants au détriment des autres ;
c’est
- de faire fortune en abusant de sa position dominante au détriment d’autrui
ou
- de s’enrichir en nuisant au bien-être collectif ou en le
perturbant[33].
[33] Cf. Pie XI, Lettre enc. Quadragesimo anno, n. 132 : AAS 23
(1931), 219 ; Paul VI, Lettre enc. target="_blank"
Populorum progressio, n. 24 : AAS 59 (1967), 269 ; La
Documentation catholique, 64 (1967), col. 683.
Cette pratique se révèle particulièrement déplorable d’un point de vue moral,
quand un petit nombre de gens – voire d’importants fonds d’investissement – mû
par pur désir de gain, se sert des hasards d’une spéculation [34] pour
provoquer une baisse artificielle du prix des titres de dette publique, sans se
soucier du fait qu’il influence négativement ou aggrave la situation économique
de pays tout entiers.
[34] Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, n. 2409.
Ainsi mettent-ils en danger
- non seulement des projets publics d’assainissement,
- mais aussi la stabilité économique de millions de familles, obligeant alors
les autorités gouvernementales à intervenir avec beaucoup d’argent public, ce
qui va jusqu’à influer de manière artificielle sur le bon fonctionnement des
systèmes politiques.
La spéculation, en particulier dans la sphère économique et financière, risque
aujourd’hui de supplanter toutes les autres finalités majeures qui sous-tendent
la liberté humaine.
[pourquoi dénaturer la notion de "spéculation", la plus grande action de
l'être humain?]
Cela porte atteinte à l’immense patrimoine de valeurs qui fonde la société
civile, lieu de coexistence pacifique, de rencontre, de solidarité, de
réciprocité revigorante et de responsabilité en vue du bien commun.
Dans cette ligne, des termes tels que l’« efficacité », la « concurrence », le
« leadership », le « mérite », tendent à occuper tout l’espace de notre culture
civique ;
ils assument une signification qui finit par appauvrir la qualité des échanges,
réduite à un pur coefficient numérique.
Cela exige que soit d’abord entreprise une opération de sauvetage de l’humain,
afin
- de rouvrir les horizons à ce surcroît de valeurs qui seul permet à l’homme de
se retrouver lui-même,
- de bâtir des sociétés capables d’être des demeures accueillantes et
généreuses, où les plus faibles trouvent leur place et où la richesse soit
utilisée de manière égale au bénéfice de tous.
En somme, ce sont des lieux où il fait bon vivre pour l’homme et où il est
facile d’espérer.
III. Des précisions dans le contexte actuel
18. Afin de fournir des orientations concrètes et spécifiques au plan éthique à
tous les agents économiques et financiers – qui, de plus en plus, en expriment
la demande – nous voudrions donner certaines précisions, pour un discernement
qui ouvre la voie à ce qui humanise vraiment l’homme et l’empêche de
compromettre sa dignité et le bien commun[35].
[35] Cf. Paul VI, Lettre enc. target="_blank"
Populorum progressio, n. 13 : AAS 59 (1967), 263 ; La
Documentation catholique, 64 (1967), col. 679. Certaines indications
importantes ont déjà été données à ce sujet (cf. Conseil pontifical Justice et
Paix, target="_blank"
Note pour une réforme du système financier et monétaire international dans
la perspective d’une autorité publique à compétence universelle, n. 4
: L’Osservatore Romano, 24-25 octobre 2011, 7) ; La Documentation
catholique, 108 (2011), p. 1027 : il s’agit maintenant de poursuivre dans
la ligne d’un tel discernement, en vue de favoriser un développement positif du
système économique et financier, et de contribuer à l’élimination de ces
structures d’injustice qui en limitent les potentialités bénéfiques.
19. Grâce aux progrès de la mondialisation et de la numérisation, le marché
peut être comparé à un grand organisme, dans les veines duquel coulent, comme
une lymphe vitale, une immense quantité de capitaux.
[mauvaise analogie!]
En empruntant cette analogie, on peut également parler de la « santé » de cet
organisme, lorsque ses moyens et ses structures assurent au système un bon
fonctionnement, où croissance et diffusion de la richesse vont de pair.
La santé de ce système dépend de celle des actions individuelles mises en
œuvre.
Quand l’organisme qu’est le marché jouit d’une bonne santé, il est plus facile
que soient respectés et promus la dignité des hommes ainsi que le bien
commun.
Corrélativement, on peut parler d’une "intoxication" de ce corps chaque fois
que sont introduits et propagés des outils financiers et économiques peu
fiables qui compromettent sérieusement la croissance et la propagation de la
richesse, créant aussi des difficultés et des risques systémiques.
On comprend donc l’exigence, aujourd’hui toujours plus ressentie, d’introduire
une homologation par les autorités publiques de tous les produits issus de
l’innovation financière, afin de préserver la santé du système et de prévenir
les effets collatéraux négatifs.
[les autorités publiques sont malfaisantes... ]
Encourager la santé et éviter la corruption, même d’un point de vue économique,
est un impératif moral incontournable pour tous les acteurs impliqués dans les
marchés.
Cette nécessité montre également l’urgence d’une coordination supranationale
entre les différentes composantes des systèmes financiers locaux [36].
[36] Cf. François, Lettre enc. target="_blank"
Laudato si’, n. 198 : AAS 107 (2015), 925 ; La
Documentation catholique, 2519 (2015), p. 57.
[mauvaises déductions ...]
20. Cette santé se nourrit d’une multitude et d’une diversité de ressources qui
constituent une sorte de “biodiversité’’ économique et financière.
Celle-ci est une valeur ajoutée au système économique et devrait être aussi
incitée et protégée par des politiques économiques et financières appropriées
;
leur finalité est d’assurer aux marchés la présence d’une pluralité de sujets
et d’instruments sains, riches et diversifiés.
Cela advient tant d’un point de vue positif, en soutenant leur action, que d’un
point de vue négatif, en empêchant tous ceux qui, au contraire, nuisent à la
fonctionnalité du système qui produit et diffuse la richesse.
À ce sujet, il convient de noter que la coopération joue un rôle particulier
dans la saine production d’une valeur ajoutée à l’intérieur des marchés.
[valeur ajoutée ?]
Une synergie loyale et intense des agents peut facilement faire obtenir cette
surabondance de valeur que vise toute activité économique [37].
[37] Cf. Conseil pontifical Justice et Paix, target="_blank"
Compendium de la doctrine sociale de l’Église, n. 343.
Quand l’homme reconnaît la solidarité fondamentale qui le lie à tous ses pairs,
il sait qu’il ne peut conserver pour lui seul les biens dont il dispose.
Lorsqu’il adopte la solidarité comme mode de vie, ses biens ne servent pas
seulement à ses propres besoins, mais ils se multiplient en portant souvent un
fruit inattendu pour les autres[38].
[38] Cf. Benoît XVI, Lettre enc. target="_blank"
Caritas in veritate, n. 35 : AAS 101 (2009), 670; La
Documentation catholique, 106 (2009), p. 769.
Ici se vérifie bien le fait que le partage n’est pas « seulement division, mais
aussi multiplication des biens, création d’un nouveau pain, de nouveaux biens,
d’un nouveau Bien avec une majuscule »[39].
[39] François, target="_blank"
Discours aux participants à la rencontre sur l’économie de communion,
organisée par le mouvement des Focolari (4 février 2017) :
L’Osservatore Romano, 5 février 2017, 8.
21. L’expérience des dernières décennies a démontré,
- d’une part, combien il est naïf de croire en une autosuffisance présumée des
marchés dans leur fonction d’allocation des ressources, indépendamment de toute
éthique ;
- d’autre part, elle révèle le besoin urgent d’une bonne régulation qui
conjugue en même temps la liberté et la protection de tous les acteurs, et
surtout des plus vulnérables, par un système d’interaction saine et
correcte.
[pourquoi cette référence implicite aux fonctions étatiques de Musgrave
?]
Dans cette ligne, les pouvoirs politiques, économiques et financiers doivent
toujours rester distincts et autonomes et, en même temps, viser au-delà de
toute confusion nocive, la réalisation d’un bien destiné à tous sans être
réservé à quelques privilégiés[40].
[40] Cf. Jean Paul II, Lettre enc. target="_blank"
Sollecitudo rei socialis, n. 28 : AAS 80 (1988), 548;
La Documentation catholique, 85 (1988), p. 244.
Cette régulation est rendue plus nécessaire encore à cause de la conduite
immorale de certains acteurs du monde financier, une des raisons majeures de la
crise économique récente ;
en outre, la dimension supranationale actuelle du système économique aide à
contourner plus facilement les règles établies par chaque pays.
De plus, l’extrême volatilité et mobilité des capitaux employés dans le monde
financier permet à leurs détenteurs d’opérer facilement au-delà de toute norme
qui ne soit pas celle d’un bénéfice immédiat, en usant souvent de leur position
dominante pour exercer des pressions, même sur le pouvoir politique en
place.
Il est donc clair que les marchés ont besoin de directives solides et fortes,
macro-prudentielles aussi bien que normatives, qui soient uniformes et
partagées par le grand nombre.
Ces règles doivent aussi être continuellement mises à jour, vu la réalité même
des marchés constamment en évolution.
Ces orientations doivent garantir un contrôle sérieux de la fiabilité et de la
qualité de tous les produits économiques et financiers, en particulier les plus
complexes.
Lorsque la rapidité des processus d’innovation produit des risques systémiques
excessifs, les opérateurs économiques doivent accepter les contraintes et les
freins exigés par le bien commun, sans tenter de les contourner ou d’en réduire
la portée.
Étant donné la globalisation actuelle du système financier, une coordination
stable, claire et efficace s’impose entre les différentes autorités nationales
de régulation des marchés, avec la possibilité, et parfois aussi la nécessité,
de partager en temps opportun les décisions contraignantes, quand le bien
commun est en danger.
Ces autorités de régulation doivent toujours rester indépendantes et liées aux
exigences de l’équité et du bien commun.
À cet égard, les difficultés compréhensibles ne devraient pas décourager de la
recherche et de la mise en œuvre de tels systèmes de réglementation.
Ceux-ci doivent être l’objet d’accords entre les différents pays, mais à portée
effective supranationale [41].
[41] Cf. Benoît XVI, Lettre enc. target="_blank"
Caritas in veritate, n. 67 : AAS 101 (2009), 700; La
Documentation catholique, 106 (2009), p. 787.
Les règles doivent assurer une transparence totale de ce qui est négocié afin
d’éliminer toutes les formes de déséquilibre injuste et garantir au mieux
l’équilibre des échanges.
Cela est d’autant plus vrai que la concentration inégale d’informations et de
pouvoir tend à renforcer les entités économiques les plus fortes, créant ainsi
des hégémonies capables d’influencer unilatéralement non seulement les marchés,
mais aussi les systèmes politiques et réglementaires.
Entre autres, là où a lieu une forte dérégulation, il devient évident que les
espaces de vide juridique et institutionnel représentent des terrains
propices
- non seulement à « l’aléa moral » et aux malversations,
- mais aussi à l’émergence d’exubérances irrationnelles des marchés – suivies
de bulles spéculatives, puis de brusques et ruineux effondrements – et de
crises du système [42].
[42] Cf. Conseil pontifical Justice et Paix, target="_blank"
Note pour une réforme du système financier et monétaire international dans
la perspective d’une autorité publique à compétence universelle, n. 1
: L’Osservatore Romano, 24-25 octobre 2011, 6 ; La Documentation
catholique, 108 (2011), p. 1023.
22. Pour éviter les crises du système, il serait opportun de définir et de
distinguer clairement, pour les intermédiaires de crédit bancaire, la sphère de
l’activité de la gestion du crédit ordinaire et des épargnes, de ce qui est
destiné à l’investissement et au pur business [43].
[43] Cf. ibid., n. 4 : L’Osservatore Romano, 24-25 octobre
2011, 7; La Documentation catholique, 108 (2011), p. 1027.
Tout cela permettra d’éviter autant que possible des situations d’instabilité
financière.
Une bonne santé du système financier exige également l’information la plus
complète possible afin que chaque personne puisse protéger, dans la pleine
liberté et en toute conscience, ses intérêts :
en effet, il est important qu’il sache si son capital est investi à des
finalités de spéculation ou non ;
ainsi il saura clairement le degré de risque et l’adéquation du coût des
produits financiers auxquels il souscrit par rapport au risque encouru.
Ceci est d’autant plus vrai que d’habitude, l’épargne, en particulier celle des
familles, est un bien public à protéger et qu’elle vise une optimisation qui
redoute le risque.
Cette épargne, lorsqu’elle est placée auprès des mains expertes des conseillers
financiers, exige qu’elle soit bien administrée et pas simplement gérée.
[on est dans la bande dessinée...]
Parmi les comportements moralement discutables dans la gestion de l’épargne
par les conseillers financiers, il faut signaler :
- le mouvement excessif du portefeuille de titres dans le but principalement
d’augmenter les revenus générés par les commissions pour l’intermédiaire
;
- le défaut de l’impartialité requise dans l’offre des instruments d’épargne,
en cas d’accord illicite avec certaines banques, lorsque leurs produits sont
mieux adaptés aux exigences du client ;
- le manque d’une correcte diligence ou même la négligence coupable de la part
des consultants au sujet de la protection des intérêts du portefeuille de leurs
clients ;
- l’octroi d’un prêt par un intermédiaire bancaire, sous réserve de la
souscription parallèle à d’autres produits financiers émis par le même,
éventuellement non favorables au client.
23. Chaque entreprise constitue un important réseau de relations et, à sa
manière, elle représente un véritable corps social intermédiaire avec sa
culture propre et ses pratiques.
Celles-ci, tout en déterminant l’organisation interne de l’entreprise,
affectent également le tissu social au sein duquel elle opère.
À ce sujet, l’Église attire justement l’attention sur l’importance d’une
responsabilité sociale de l’entreprise [44], laquelle s’étend à la fois ad
extra et ad intra de la structure.
[44] Cf. Benoît XVI, Lettre enc. target="_blank"
Caritas in veritate, n. 45 : AAS 101 (2009), 681 ; La
Documentation catholique, 106 (2009), p. 776 ; François, target="_blank"
Message pour la célébration de la 48e Journée mondiale de la paix
(1er janvier 2015), n. 5 : AAS 107 (2015), 66 ; La Documentation
catholique, 2518 (2015), p. 64.
Dans cette ligne, là où le simple profit est placé au sommet de la culture
d’une entreprise financière, ignorant les exigences liées au bien commun –
c’est le cas aujourd’hui, même dans beaucoup de prestigieuses écoles de
commerce (business schools) – toute instance éthique est de fait
perçue comme extrinsèque et juxtaposée à l’activité entrepreneuriale.
Cela est d’autant plus accentué par le fait que, dans leurs logiques
organisationnelles, ceux qui ne correspondent pas aux objectifs de l’entreprise
de ce type sont pénalisés à la fois au niveau de la rémunération qu’à celui de
la reconnaissance professionnelle.
Dans ces cas, le but du pur lucre crée facilement une logique perverse et
sélective qui favorise souvent l’avancement au sommet de l’entreprise de sujets
capables mais avides et peu scrupuleux dont l’action sociale est mue
principalement par un gain personnel égoïste.
De telles logiques ont souvent poussé les structures dirigeantes
(management) à mettre en œuvre des politiques économiques qui ne
servent pas à stimuler la santé économique des entreprises, mais uniquement les
profits des actionnaires (shareholders).
Ceci porte ainsi préjudice aux intérêts légitimes de tous ceux qui, par leur
travail et service, œuvrent au bénéfice de la même entreprise, sans oublier les
consommateurs et les diverses communautés locales
(stakeholders).
- Souvent motivées par des rémunérations énormes, proportionnées aux résultats
immédiats de gestion, et
- non surtout contrebalancées par des pénalités équivalentes en cas d’échec des
objectifs, ces mêmes logiques qui, à court terme, fournissent de gros gains aux
managers et aux actionnaires, finissent ensuite
- par pousser à des prises de risque excessives et
- par laisser les entreprises débilitées et appauvries des ressources
économiques qui leur auraient assuré de bonnes perspectives pour l’avenir.
Tout cela génère et diffuse facilement une culture profondément amorale au
sein de laquelle, on n’hésite plus souvent à commettre de délit lorsque les
avantages prévus dépassent les pénalités fixées.
Cela affecte sérieusement la santé de tout le système économique et social,
compromettant sa fonctionnalité et endommageant gravement la réalisation
effective du bien commun sur lequel repose nécessairement toutes les formes de
la vie sociale.
Il s’impose donc de manière urgente une autocritique sincère et une
inversion de tendance, favorisant au contraire une culture entrepreneuriale et
financière qui tienne compte de tous les facteurs qui constituent le bien
commun.
Cela signifie, par exemple, mettre clairement la personne humaine et la
qualité des relations entre les personnes au centre de la culture d’entreprise,
de sorte que chaque structure pratique une forme de responsabilité sociale qui
n’est pas seulement occasionnelle ou marginale, mais qui la dirige et anime de
l’intérieur toute action, en l’orientant au plan social.
La circularité naturelle qui existe justement entre le profit – facteur
inhérent à tout système économique – et la responsabilité sociale – élément
essentiel pour la survie de toute forme de coexistence civile – est appelée à
manifester toute sa fécondité ;
elle montre ainsi le lien indissoluble, que le péché tend à occulter, entre une
éthique respectueuse des personnes et du bien commun et la fonctionnalité
réelle de tout système économique et financier.
Cette circularité vertueuse est favorisée, par exemple, en poursuivant une
réduction du risque de conflit avec les stakeholders, comme aussi en
encourageant une plus grande motivation intrinsèque des employés d’une
entreprise.
Ici, la création de la valeur ajoutée, finalité principale du système
économique et financier, doit montrer pleinement sa viabilité dans le cadre
d’un système éthique solide, précisément parce que fondé sur une recherche
sincère du bien commun.
Ce n’est que par la reconnaissance et la mise en œuvre du lien intrinsèque
qui existe entre la motivation économique et la raison éthique que peut jaillir
un bien qui est pour tous les hommes[45].
[45] Cf. Benoît XVI, Lettre enc.
Caritas in veritate, n. 36 : target="_blank"
AAS 101 (2009), 671; La Documentation catholique, 106
(2009), p. 770.
Car, pour fonctionner correctement, le marché doit se baser sur des présupposés
anthropologiques et éthiques qu’il n’est pas en mesure à lui seul de donner ou
de produire.
24. Si, d’une part, la fiabilité du crédit requiert un scrupuleux processus de
sélection pour identifier les bénéficiaires idoines, capables d’innovation et
qui sont à l’abri de collusions malsaines,
- de l’autre, les banques, pour faire face aux risques qu’elles rencontrent,
doivent également disposer de fonds propres proportionnels, de sorte qu’une
éventuelle socialisation des pertes soit le plus possible limitée et retombe
avant tout sur ceux qui en sont réellement responsables.
Certes, la délicate gestion de l’épargne, en plus de la réglementation
juridique requise, nécessite aussi des paradigmes culturels adéquats, auxquels
il faut ajouter la pratique d’une analyse minutieuse de la relation entre
banque et client, même d’un point de vue éthique, et un contrôle continu de la
légitimité de toutes les opérations qui y sont liées.
Dans cette ligne, une proposition intéressante pour progresser et qui est à
expérimenter, semble être celle relative à la création de comités d’éthique, au
sein des banques, pour épauler le Conseil d’administration.
Tout cela peut aider les banques
- non seulement à préserver leurs bilans des conséquences douloureuses et des
pertes, pour une cohérence efficace entre leur mission statutaire et la
pratique financière,
- mais aussi pour soutenir adéquatement l’économie réelle.
25. La création de titres de crédit à haut risque – qui en réalité, génèrent
une sorte de création de valeur fictive, sans un adéquat contrôle de qualité
(quality control) et une correcte évaluation du crédit – peut enrichir
les intermédiaires mais crée facilement une insolvabilité à la défaveur de ceux
qui doivent recouvrer ces titres ;
cela est d’autant plus vrai si le poids de la criticité de ces titres est
déchargé par l’institution qui les émet sur le marché dans lequel ils sont
répartis (par exemple, la titrisation des crédits subprime), générant une
intoxication généralisée et des difficultés qui peuvent affecter tout le
système.
Une telle altération du marché contredit la santé nécessaire du système
économique et financier et est inacceptable sur le plan d’une éthique
respectueuse du bien commun.
Chaque titre de crédit doit correspondre à une valeur tangible et non
seulement présumée ou difficilement repérable.
À ce sujet, une régulation publique et l’évaluation super partes du
fonctionnement des agences de notation (rating) de crédit deviennent
de plus en plus urgentes, avec des instruments juridiques permettant,
- d’une part, de sanctionner des actions erronées, et
- d’autre part, d’empêcher la création de situations d’oligopole dangereux
créées par certaines d’entre elles.
Cela est particulièrement vrai en présence de produits du système de
l’intermédiation financière dans lequel la responsabilité du crédit accordé est
déchargée du prêteur d’origine à l’intermédiaire.
26. Certains produits financiers, y compris ceux qu’on appelle « dérivés »,
ont été créés dans le but de fournir une assurance contre les risques inhérents
à des transactions déterminées, et comportent souvent un pari basé sur la
valeur présumée, attribuée à ces risques.
À la base de ces instruments financiers, se trouvent des contrats dans
lesquels les parties sont toujours en mesure d’évaluer de manière raisonnable
le risque fondamental contre lequel elles doivent être assurées.
Toutefois, pour certains types de produits structurés (en particulier les
titrisations ou les securitizations), on s’est rendu compte qu’à partir des
structures originaires et en lien avec des investissements financiers
identifiables, on a construit des structures de plus en plus complexes
(titrisations de titrisations), dont il est difficile – voire impossible après
diverses transactions – d’établir de manière raisonnable et équitable la vraie
valeur.
Cela signifie qu’à chaque étape, dans la vente de ces titres, au-delà de la
volonté des parties, s’opère de fait une distorsion de la valeur réelle du
risque dont l’instrument devrait au contraire protéger.
Tout cela a encouragé l’émergence de bulles spéculatives, qui ont été
d’importants facteurs de la crise financière récente.
[opinion très discutable]
Il est évident que l’instabilité avérée de ces produits – la perte
progressive de la transparence de ce qu’ils assurent – qui n’est pas encore
manifeste dans l’opération originelle, les rend de moins en moins acceptables
pour une éthique respectueuse de la vérité et du bien commun.
En effet, cela les transforme en sorte de bombes à retardement, prêts à
exploser tôt ou tard, à cause de leur manque de fiabilité économique, et à
empoisonner la santé des marchés.
On assiste ici à une carence éthique qui s’aggrave d’autant plus que ces
produits sont échangés sur ce qu’on appelle les marchés non règlementés
(over the counter) ;
plus exposés aux aléas, voire à la fraude, que les marchés règlementés, ils
privent l’économie réelle de sa sève et des investissements.
Un jugement éthique similaire peut également être fait concernant
l’utilisation des credit default swap (les CDS, contrats particuliers
d’assurance contre un risque de faillite), qui permettent de parier sur le
risque de faillite d’un tiers, même sans avoir déjà pris auparavant un risque
de crédit, et aussi de répéter l’opération sur un même événement, ce qui n’est
en aucun cas permis par les contrats d’assurance normaux.
À la veille de la crise économique de 2007, le marché des CDS était si
impressionnant qu’il représentait à peu près l’équivalent de l’ensemble du PIB
mondial.
[la mesure est, pour le moins, discutable]
La diffusion illimitée de ce genre de contrats a favorisé l’augmentation
d’une finance du risque et du pari sur la faillite d’autrui, ce qui constitue
une situation moralement inacceptable.
En fait, l’achat de tels instruments, par ceux qui n’ont aucun risque de
crédit effectif, est un cas singulier qui porte certains à trouver un intérêt à
la ruine d’autres entités économiques et peut même les pousser à agir en ce
sens.
Il est évident qu’une telle possibilité représente,
- d’une part, un événement particulièrement répréhensible sur le plan moral,
car elle fait agir par une sorte de « cannibalisme économique » ;
- de l’autre, elle finit par saper la confiance de base nécessaire sans
laquelle le circuit économique finirait par se bloquer.
Dans ce cas aussi, nous pouvons remarquer qu’une situation moralement
négative devient aussi nocive au bon fonctionnement du système économique.
Il convient donc de noter que, lorsque des paris similaires peuvent
provoquer d’énormes préjudices pour des pays entiers et des millions de
familles, on est confronté à des actions extrêmement immorales ; il convient
par conséquent d’étendre les interdictions qui frappent déjà ce type
d’opérations dans certains pays, en punissant ces infractions avec la plus
grande sévérité.
27. À un point crucial du dynamisme régissant les marchés financiers, se trouve
le barème (fixing) du taux d’intérêt relatif au prêt interbancaire (LIBOR),
dont la quantification sert de taux d’intérêt directeur sur le marché monétaire
et les taux d’intérêt ;
il en est de même du taux de change officiel des diverses monnaies, pratiqué
par les banques.
Ce sont des paramètres importants qui ont de forts impacts sur l’ensemble du
système économique et financier, car ils affectent de gros transferts
quotidiens d’argent entre les parties qui souscrivent des contrats sur la base
de ces taux.
La manipulation du niveau de ces taux constitue donc un cas de grave
violation éthique, avec des conséquences de grande envergure.
Le fait que cela ait pu advenir impunément durant plusieurs années montre
combien le système financier est fragile et vulnérable par rapport aux fraudes,
lorsqu’il n’est pas suffisamment contrôlé par des règles et en l’absence de
sanctions proportionnées aux violations dans lesquelles sont impliqués ses
acteurs.
Dans ce contexte, la création de véritables « cartels» de connivence entre
les sujets qui étaient normalement responsables de l’évaluation (fixing)
correcte du niveau de ces taux, constitue un cas d’association de malfaiteurs,
nuisible surtout pour le bien commun.
Cela cause une blessure dangereuse pour la santé du système économique et doit
être puni avec des sanctions appropriées et aptes à décourager toute
récidive.
28. Aujourd’hui, les principaux acteurs opérant dans le monde financier, et en
particulier les banques, doivent être dotés d’organismes internes qui assurent
une fonction de compliance, d’autocontrôle de la légitimité des principales
étapes du processus de prise de décision et des principaux produits offerts par
l’entreprise.
Toutefois, il convient de noter que, tout au moins jusqu’à un passé très
récent, la pratique du système économique et financier repose parfois sur un
jugement purement « négatif » de cette fonction, c’est-à-dire un respect
purement formel des limites fixées par les lois en vigueur.
Malheureusement, il en résulte fréquemment des situations qui échappent de
fait aux contrôles réglementaires, c’est-à-dire des actions tendant à
contourner les principes en vigueur, mais avec le souci de ne pas contredire
frontalement les règles qui les expriment, pour ne pas subir ensuite de
sanctions.
Pour éviter cela, il est nécessaire que le jugement de conformité
(compliance) examine sur le fond les différentes opérations, même
celles qui sont « positives », en s’assurant de leur respect effectif des
principes qui guident la législation en vigueur.
Suivant cette modalité, le travail de cette fonction, selon l’avis de
beaucoup de personnes, serait plus aisé si l’on mettait en place des comités
d’éthique qui, au côté des Conseils d’administration, seraient les
interlocuteurs naturels de ceux qui doivent garantir la conformité des
comportements aux réglementations en vigueur dans la gestion concrète de la
banque.
En ce sens, on devrait prévoir, au sein de l’entreprise, des instructions
qui facilitent un tel jugement de conformité, afin de pouvoir discerner quelles
opérations, techniquement réalisables sur le plan juridique, sont concrètement
légitimes et moralement réalisables (cette question se pose, par exemple, de
façon cruciale en ce qui concerne les pratiques de contournement fiscal).
Ainsi, on passerait d’une allégeance formelle à quelque chose de substantiel
dans l’application des règles.
En outre, il est souhaitable que, dans le système normatif régulant le monde
financier, soit prévue une clause générale déclarant illégitimes les actes dont
la finalité est surtout de contourner les normes en vigueur, avec la
conséquente responsabilité sur le patrimoine de toutes les parties auxquelles
ils sont imputables.
29. Il n’est plus possible d’ignorer les phénomènes tels que la diffusion des
systèmes bancaires parallèles (Shadow banking system) dans le monde.
Ceux-ci, bien qu’ils incluent également des typologies d’intermédiaires dont
l’action n’apparait pas immédiatement critique, ont de fait entraîné une perte
de contrôle du système de la part des diverses autorités nationales, chargées
de la surveillance.
Ces systèmes ont, par conséquent, favorisé de manière exagérée, le recours
au soi-disant financement créatif ;
dans cette opération, la motivation principale de l’investissement des
ressources financières a surtout un caractère de spéculation, voire de
prédation, et non un service à l’économie réelle.
Par exemple, beaucoup de personnes sont d’avis que l’existence de tels
systèmes « de l’ombre » est l’une des principales causes ayant conduit au
développement et à la diffusion globale de la récente crise économique et
financière, commencée aux États-Unis, avec celle des prêts hypothécaires à
risque (subprime) au cours de l’été 2007.
30. Le monde de la finance offshore se nourrit surtout de cette
intention de spéculation qui, tout en offrant aussi d’autres services licites,
à travers les canaux généralisés de contournement fiscal, et même d’évasion ou
de recyclage de l’argent, fruit de délit, aboutit ensuite à un appauvrissement
du système normal de production et de distribution des biens et des
services.
Il est difficile de distinguer si beaucoup de ces situations donnent lieu
immédiatement ou plus tard à des cas d’immoralité ;
mais de telles réalités, là où elles soustraient injustement la lymphe vitale à
l’économie réelle, peuvent difficilement trouver une légitimité, tant du point
de vue éthique que celui de l’efficience globale du système économique
lui-même.
Par contre, un certain degré de corrélation entre les comportements non
éthiques des opérateurs et les situations de faillite du système dans son
ensemble semble évident :
il est maintenant indéniable que les carences éthiques exacerbent les
imperfections des mécanismes de marché [46].
[46] Cf. François, Lettre enc. target="_blank"
Laudato si’, n. 189 : AAS 101 (2015), 922 ; La
Documentation catholique, 2519 (2015), p. 55.
Au cours de la seconde moitié du siècle dernier, est né le marché offshore
des euro-dollars, un espace financier d’échanges, hors de tout cadre
réglementaire officiel.
À partir d’un important pays européen, ce marché s’est ensuite étendu dans
d’autres pays du monde, donnant lieu à un véritable réseau financier, une
alternative au système financier officiel et aux juridictions qui le
protègent.
À ce sujet, il faut dire que si la raison formelle adoptée pour justifier la
présence de sites offshore est de permettre aux investisseurs institutionnels
de ne pas subir une double taxation, d’abord dans leur pays de résidence, puis
là où les fonds sont domiciliés, ces lieux sont en réalité devenus de manière
prépondérante, des occasions propices d’opérations financières border line,
lorsqu’elles ne sont pas beyond the pale, tant du point de vue de leur
légalité sous le profil normatif que du point de vue éthique, c’est-à-dire
d’une culture économique saine et exempte d’intentions délibérées de
contournement fiscal.
Aujourd’hui, plus de la moitié du commerce mondial est effectué par de
grandes structures qui réduisent leur charge fiscale en transférant les revenus
d’un siège à l’autre, selon leur convenance ;
ils procèdent au transfert des profits dans les paradis fiscaux, tandis que les
coûts sont envoyés dans les pays ayant une fiscalité élevée.
Il est clair que cela soustrait des ressources importantes à l’économie
réelle et contribue à la création de systèmes économiques basés sur
l’inégalité.
En outre, on ne peut passer sous silence le fait que ces espaces offshore
sont devenus plus d’une fois des lieux habituels de blanchiment de l’argent «
sale », c’est-à-dire fruit de produits illicites (vols, fraudes, corruptions,
associations criminelles, mafias, butins de guerre ...).
En dissimulant le fait que lesdites opérations offshore n’avaient pas eu
lieu sur leurs places financières officielles, certains États ont de fait
permis qu’on tire profit même des crimes, tout en se déresponsabilisant,
puisque ces actes délictueux n’ont pas eu formellement lieu sur des territoires
relevant de leur juridiction.
Cela représente, du point de vue moral, une forme évidente d’hypocrisie.
En peu de temps, ce marché est devenu un lieu stratégique de transit
important de capitaux, car sa configuration représente une voie facile pour
réaliser différentes formes importantes de contournement fiscal.
On comprend dès lors que la domiciliation offshore de nombreuses et
importantes sociétés sur le marché soit devenue très recherchée et
pratiquée.
31. Certes, le système fiscal des États ne semble pas toujours juste ; à cet
égard, il convient de noter qu’une telle injustice est souvent au détriment
d’entités économiques plus vulnérables, tandis qu’il favorise ceux qui sont les
mieux aguerris et qui sont même en mesure d’influencer les systèmes
réglementaires qui régissent ces fiscalités.
En fait, l’imposition fiscale, lorsqu’elle est équitable, exerce une
fonction essentielle de péréquation et de redistribution de la richesse, non
seulement en faveur de ceux qui ont besoin de subventions appropriées, mais
aussi pour soutenir les investissements ainsi que la croissance économique
réelle.
En tout état de cause, le contournement fiscal de la part des principaux
acteurs du marché, notamment des grands intermédiaires financiers, représente
une ponction injuste de ressources à l’économie réelle, et demeure un préjudice
pour l’ensemble de la société civile.
Vu la non-transparence de ces systèmes, il est difficile de déterminer avec
précision la quantité de capitaux qui y transite ;
toutefois, il a été calculé qu’un impôt minimum sur les transactions offshore
suffirait pour résoudre une grande partie du problème de la faim dans le monde
: pourquoi ne prendrait-on pas avec audace la voie d’une telle initiative ?
De plus, il a été constaté que l’existence de sites offshore a également
encouragé une fuite massive de capitaux dans de nombreux pays à faible revenu,
générant de multiples crises politiques et économiques, et les empêchant de se
lancer enfin sur le chemin de la croissance et d’un sain développement.
À maintes reprises, des institutions internationales ont dénoncé tout cela
et beaucoup de gouvernements nationaux ont cherché, à juste titre, à limiter la
portée des places financières offshore.
Dans cette ligne, il y a eu aussi beaucoup d’efforts positifs, en
particulier au cours des dix dernières années.
Toutefois, on n’a pas réussi jusqu’ici à imposer des accords et des normes
assez efficaces en la matière ;
mêmes les schémas normatifs proposés par d’influentes organisations
internationales sont restés souvent inappliqués ou rendus inefficaces, à cause
des influences importantes que ces places sont en mesure d’exercer sur de
nombreux pouvoirs politiques, vu les immenses capitaux dont elles
disposent.
Tout en constituant un préjudice grave au bon fonctionnement de l’économie
réelle, tout cela représente un fonctionnement qui, telle qu’il est conçu
aujourd’hui, demeure totalement inacceptable d’un point de vue éthique.
Il est donc nécessaire et urgent que des mesures appropriées soient prises
au niveau international pour apporter des remèdes à ce système inique :
il importe avant tout de pratiquer à tous les niveaux la transparence
financière (par exemple avec l’obligation de rapport public pour les
entreprises multinationales, de leurs activités respectives et des taxes payées
dans les pays où elles opèrent à travers leurs filiales) ;
en outre, envisager des sanctions incisives à imposer aux pays qui réitèrent
les pratiques malhonnêtes ci-dessus mentionnées (évasion et contournement
fiscal, recyclage de l’argent sale).
32. Le système offshore a fini par aggraver la dette publique, surtout dans les
pays aux économies les moins développées.
En effet, on a constaté que la richesse privée accumulée par certaines élites
dans les paradis fiscaux a presque égalé la dette publique de leurs pays
respectifs.
Cela montre aussi qu’à l’origine de cette dette se trouvent souvent des
dettes privées et reportées sur le système public.
Entre autres, on sait que d’importants acteurs économiques ont tendance à
mener de façon constante, souvent avec la complicité des hommes politiques, une
pratique de socialisation des pertes.
Cependant, il est bon de noter que la dette publique est aussi souvent
générée par une gestion maladroite – peut-être intentionnellement – du système
d’administration publique.
Cette dette, c’est-à-dire l’ensemble des passifs financiers qui pèse sur les
États, est aujourd’hui l’un des plus grands obstacles au bon fonctionnement et
à la croissance des différentes économies nationales.
Nombreuses d’entre elles sont en effet accablées par le devoir de faire face
aux paiements d’intérêts provenant de cette dette et doivent donc procéder à
cet effet à des ajustements structurels.
Face à tout cela, les États sont appelés d’une part, à remédier à cette
situation au moyen d’adéquates gestions du système public par le biais de
réformes structurelles sages, et par la répartition judicieuse des dépenses et
des investissements ciblés ;
d’autre part, au plan international, en mettant chaque pays face à ses
responsabilités incontournables, il faut également permettre et encourager de
manière raisonnable les voies judicieuses de sortie de la spirale de la dette,
en ne faisant pas porter aux États – et donc à leurs concitoyens, en clair à
des millions de familles – le fardeau de ce qui de fait se révèle
insoutenable.
Cela suppose également des politiques de réduction raisonnable et harmonisée
de la dette publique, en particulier lorsque celle-ci est détenue par des
entités d’une telle consistance économique qu’elles sont en mesure d’offrir
cette réduction [47].
[47] Cf. Benoît XVI, target="_blank"
Discours pour les vœux au Corps diplomatique accrédité près le
Saint-Siège (8 janvier 2007) : AAS 99 (2007), 73 ; La
Documentation catholique, 104 (2007), pp. 113-119.
Des solutions similaires sont nécessaires à la santé du système économique
international, afin d’éviter la propagation de crises qui pourraient l’affecter
tout entier, et à la poursuite de la recherche du bien commun des nations dans
leur ensemble.
33. Tout ce dont nous avons parlé jusqu’ici ne relève - pas seulement des
structures soustraites à notre contrôle, - mais aussi de la sphère de nos
responsabilités.
Cela signifie que nous disposons d’outils importants pour contribuer à la
résolution de nombreux problèmes.
Par exemple, les marchés vivent grâce à la demande et à l’offre de biens :
chacun d’entre nous peut avoir à ce sujet une influence décisive, au moins en
donnant forme à cette demande. Sur la consommation et sur l’épargne, un regard
critique et responsable s’impose.
La pratique des achats, engagement quotidien qui nous dote au plus haut
point du nécessaire pour vivre, est aussi une forme de choix que nous opérons
parmi les différents produits offerts par le marché.
Par ce choix, nous faisons l’option, souvent à notre insu, de biens produits
peut-être à travers des filières où il est habituel de violer les droits de
l’homme les plus élémentaires, ou bien par le travail d’entreprises dont
l’éthique ne connaît, dans les faits, pas d’autre intérêt que le profit à tout
prix des actionnaires.
Il faut s’orienter vers le choix des biens résultant d’un processus
moralement honnête, car même par le geste, apparemment anodin, de la
consommation, nous exprimons une éthique en acte et nous sommes appelés à
prendre position face à ce qui est concrètement bon ou nuisible pour
l’homme.
À ce propos, quelqu’un a parlé du « vote avec son portefeuille » : il s’agit
effectivement de voter chaque jour, au marché, pour ce qui aide notre bien réel
à tous et de rejeter ce qui lui nuit [48].
[48] Cf. Id., Lettre enc.
Caritas in veritate, n. 66 : AAS 101 (2009), 699 ; La
Documentation catholique, 106 (2009), p. 787.
Ces mêmes considérations devraient aussi s’appliquer à la gestion des épargnes
personnelles, en les orientant par exemple vers des entreprises qui
fonctionnent selon des critères clairs, inspirés d’une éthique respectueuse de
tout l’homme et de tous les hommes, sur l’horizon de la responsabilité
sociale[49].
[49] Cf. Conseil pontifical Justice et Paix, target="_blank"
Compendium de la doctrine sociale de l’Église, n. 358.
Plus généralement, chacun est appelé à cultiver des pratiques de production de
la richesse
- qui soient en accord avec notre caractère relationnel et
- qui tendent vers le développement intégral de la personne.
IV. Conclusion.
34. Face à l’immensité et à l’omniprésence des systèmes économiques et
financiers d’aujourd’hui, nous pourrions être tentés
- de nous résigner au cynisme et
- de penser que nos pauvres forces n’y peuvent faire que bien peu.
En fait, chacun de nous peut faire beaucoup, surtout s’il ne reste pas
seul.
De nombreuses associations provenant de la société civile représentent, dans
cette ligne, une réserve de conscience et de responsabilité sociale dont on ne
peut se passer.
Aujourd’hui plus que jamais, nous sommes tous appelés
- à veiller comme des sentinelles de la vie saine et
- à devenir des interprètes d’un nouvel engagement social,
* en orientant notre action vers la recherche du bien commun et
* en la fondant sur des principes fermes de solidarité et de
subsidiarité.
Même s’il peut sembler fragile et insignifiant, chaque geste de notre liberté
s’appuie, s’il est vraiment orienté vers le bien authentique, sur Celui qui est
le vrai Maître de l’histoire.
Il s’inscrit dans une positivité qui dépasse nos pauvres forces, en se
joignant de façon indissociable à tous les actes de bonne volonté dans un
réseau qui relie le ciel et la terre, en véritable instrument d’humanisation de
l’homme et du monde.
C’est ce dont nous avons besoin pour bien vivre et nourrir une espérance qui
soit à la hauteur de notre dignité d’êtres humains.
L’Église, Mère et Maîtresse, consciente d’avoir reçu le don d’un dépôt non
mérité, offre aux hommes et aux femmes de tous les temps les ressources
nécessaires pour une espérance fiable.
Que Marie, la Mère du Dieu fait homme pour nous, prenne nos cœurs par la
main et les guide dans la construction réfléchie du bien que son fils Jésus,
grâce à son humanité renouvelée par le Saint-Esprit, est venu inaugurer pour le
salut du monde.