Welt
am Sonntag, l’édition dominicale du quotidien allemand Die Welt,
annonce en manchette « un plan secret pour la nouvelle Europe »
concocté par Herman Van Rompuy, Jean-Claude Juncker, Mario Draghi et
José Manuel Barroso, les dirigeants des quatre grandes institutions
européennes. Il serait destiné à être
présenté pour adoption au sommet des chefs d’État
et de gouvernement de la fin du mois.
Présenté
comme un approfondissement décisif de la construction
européenne, ce plan reposerait sur la réalisation de trois
unions – bancaire, fiscale, politique – ainsi que sur un
programme de réformes structurelles appliquées au droit
du travail et aux financements sociaux. Bien à la manière de
ces gestes larges et de ces visions se voulant structurées que les
dirigeants affectionnent quand il faut régler les problèmes du
monde. De quoi aussi permettre la rédaction d’un communiqué
final ronflant, leur pêché mignon.
Les
deux premiers volets auraient vocation à régler les deux faces
de la crise de l’endettement. L’union bancaire européenne
avec une triple vocation : supervision du secteur, garantie des
dépôts et réunion d’un fonds d’intervention
d’urgence. L’union fiscale reprendrait les dispositions du pacte
d’austérité budgétaire, si possible en les
durcissant. Une union politique viserait à donner à
l’ensemble une légitimité démocratique. Enfin, un
programme de réformes structurelles réaffirmerait les
orientations destinées à redonner à l’Europe sa
compétitivité perdue, décalque implicite des lois Hartz
de réforme du marché du travail allemand des années 2003
à 2005. La réforme des comptes sociaux serait mise sur le
compte de cette récente découverte imprévisible : le
vieillissement de la population.
Répondant
à l’exigence d’une « vision » lancée
par Mario Draghi, application de la « méthode de travail »
préconisée il y a une semaine sans plus d’explications
par Herman Van Rompuy, ce plan est une compilation des approches qui ont
progressivement émergé, auxquelles a été adjoint
un volet politique afin de les rendre plus présentables. Avec comme
objectif de conforter le choix stratégique déjà
effectué en le complétant pour le système bancaire,
à la lumière des derniers événements. Et
d’accorder en compensation quelques verroteries côté
relance.
On
utilise parfois l’expression tirer des plans sur la comète
qui s’applique parfaitement à ce projet. En premier lieu parce
qu’il bute sur le financement des fonds de garantie et d’intervention
d’urgence de l’ »Union bancaire ». Combien
d’années faudra-t-il en effet pour que la taxe sur les banques
qui est envisagée produise la cagnotte qui rendra crédible le
premier fonds et permettra d’actionner le second ? Cette union devra,
d’une manière ou d’une autre, être adossée
à des financements publics, MES (Mécanisme européen de
stabilité), BCE, ou addition des deux.
L’union
fiscale a déjà donné lieu à d’intenses
discussions, avec comme résultat l’assouplissement de ses
dispositions les plus contraignantes. Revenir sur ce sujet, alors que le
processus de ratification du traité budgétaire est en cours,
est peu vraisemblable. Par ailleurs, même les règles les plus
strictes ne résistent pas à l’épreuve du feu, les
précédentes dispositions du traité de Maastricht sont
là pour le prouver.
À
propos des réformes structurelles, un accord politique
exprimé en termes généraux est toujours possible, mais
qu’en sera-t-il de son application pays par pays ? Pour
l’apprécier, il suffit de revenir sur l’histoire de
nombreux épisodes européens… Enfin, si l’on croit
comprendre qu’un volet politique est nécessaire afin de faire
passer des abandons de souveraineté, la période est-elle
propice pour les proposer ?
Dans
chaque pays, à commencer par l’Allemagne, un tel plan va
susciter réticences et rejets. Rééditer à
l’échelle européenne les chantages
démocratiques réalisés en Irlande et en Grèce
n’est pas un mince programme. S’il voit le jour, ce plan va
prétendre reprendre la main, mais il n’en restera pas moins
inapplicable.
La
stratégie de désendettement dans laquelle il
persévère a fait la preuve qu’elle ne fonctionne pas,
accentuant un plongeon dans la dépression économique sans
perspective d’en sortir. Les réformes structurelles
n’auront comme principal effet que d’accroitre les marges des
entreprises transnationales et de restreindre les budgets publics nationaux.
Mot doté de pouvoirs magiques, la croissance est d’autant
moins une panacée qu’elle restera introuvable.
On
ne change pas une équipe qui gagne !
Billet
rédigé par François Leclerc
Son
livre, Les CHRONIQUES
DE LA GRANDE PERDITION vient de paraître.
Un « article presslib’ » est
libre de reproduction numérique en tout ou en partie à
condition que le présent alinéa soit reproduit à sa
suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit
exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il
pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui
tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
|