Mes chères contrariées, mes chers contrariens
!
Il se passe des choses absolument passionnantes mais, disons-le, aussi
très inquiétantes. Nos amis de la Chronique Agora titraient
aujourd’hui sur « la grenade japonaise dégoupillée
». Nous allons y revenir car je souhaitais essayer de décrypter
avec vous ce qui se joue actuellement dans le monde financier.
J’aime bien les articles de BFM car on ne peut pas dire
qu’il s’agisse d’un média pessimiste. BFM tente
plutôt de remonter au cric s'il le faut le moral des « zinvestisseurs » français à longueur
d’antenne.
Même
BFM se penche sur le problème des taux obligataires !
« Les opérateurs anticipaient une embellie sur le
marché obligataire américain : elle n'est pas vraiment au
rendez-vous. Les taux longs US se détendent un peu après avoir
flirté avec les 2,2. »
Hier, je vous donnais le lien pour surveiller en temps réel
l’évolution du principal taux qui est celui de l’emprunt
américain à 10 ans.
Lisez attentivement cette phrase car elle vous donne un renseignement
très important sur la gravité de la situation : « Le
rendement du T-Bond 2023 revient à 2,15 % ce soir mais cela
représente encore une chute de -10 % de la valeur nominale de la dette
US depuis vendredi. »
Vous avez bien lu. Si le terme « krach obligataire » est
soigneusement évité dans cet article, lorsqu’en une
journée vous perdez 10 % sur le nominal des obligations que vous
détenez… on peut parler d’un krach !
Le mythe de
la grande rotation !
L’article de BFM poursuit en se posant la question suivante :
« Les obligations baissent, les stratèges avaient raison, la
'Grande Rotation' s'enclenche, la FED a peut-être réussi son
pari ? ou pas ! »
Là aussi vous l’aurez compris, l’important
c’est le « ou pas ! ».
La grande rotation qu’est-ce que c’est ?
C’est le réagencement des portefeuilles de placement de
façon générale, globalisée, et simultanée.
C’est un thème à la mode. En gros, l’idée
c’est que les obligations d’État sont au plus haut (en
valeur) dans la mesure où les taux sont maintenus au plus bas (par les
injections de liquidités des banques centrales). Comme les taux sont
au plus bas et que les obligations ne rapportent plus grand-chose, les
« zinvestisseurs » auraient
intérêt à revendre leurs obligations pour se
précipiter sur le marché actions !
Si cette théorie peut fonctionner lorsque les obligations
donnent des rendements faibles MAIS que le prix des actions est au plus bas,
je ne vois pas l’intérêt, même pour des « zinvestisseurs » lobotomisés et
crétinisés, de se ruer sur des actions qui sont au plus haut
historique de tous les temps… comme s'il n’y avait aucune crise
économique en cours !
La grande rotation est donc un mythe. La réalité
c’est ce à quoi vous assistez et sur lequel j’attire votre
attention depuis plusieurs jours.
Les obligations s’effondrent ! Au Japon comme aux USA !
Le marché actions souffre beaucoup, le Nikkei a encore perdu
plus de 5 % hier. Pour éviter un krach global, ce qui
déboucherait sur une nouvelle crise financière – bien que notre Président nous
explique que la crise financière est vraiment finie – qui ferait
vaciller l’ensemble des banques avant un immense patatras
généralisé, les banques centrales font tourner la
planche à billets à plein régime et soufflent encore
dans la bulle !
Et les zinvestisseurs pris de «
pré »panique foncent acheter… une espèce de relique
barbare que l’on appelle "or", "gold",
"métal jaune"… Ils comprennent vite mais encore
faut-il leur expliquer longtemps. À ce rythme, nous aurons droit
à des séances d’anthologie sur l’or avec des taux
de progression de plus de 50 % par jour !
Des pertes
obligataires qui commencent à faire mal !
Continuons l’analyse de cet article de BFM : « Pour
illustrer la situation : imaginez-vous dans la peau d'un gérant de
fond de retraite qui pratique une stratégie équilibrée :
50 % taux longs US, 50 % d'actions cotées à Wall Street.
Il avait donc gagné 0,6 % sur les actions hier soir et perdu
8,5 % sur les T-Bonds.
Même constat depuis le début de l'année, il a
gagné 18 % sur le 'S&P', il perd 30 % sur son portefeuille
obligataire (on avait commencé l'année à 1,75 % sur le 10 ans US). »
C’est un raisonnement théorique qui a le mérite de
vous montrer l’ampleur des pertes que certains subissent actuellement !
Or nous parlons de variations de taux qui en elles-mêmes sont
très faibles puisque l’on passe de 2 % à 2,20 % mais
beaucoup trop vite !
Plus
personne ne veut des obligations américaines !
Vous connaissez la dialectique classique de nos agences de
désinformation, pardon… de presse ! « Baisse/hausse
surprise ! », ou encore le sempiternel « on ne pouvait pas savoir
» !
On va donc progressivement « découvrir » que
c’est la FED elle-même qui rachète les bons du
Trésor américain, ce que l’on sait depuis 5 ans…
mais vraiment quelle surpriseuuu…
Toujours dans l’article de BFM dont nous trouvons un peu plus
bas : « Et il y a encore plus inquiétant : la dernière
adjudication de bons à 2 ans (c'était mardi soir vers 20H) a
été un fiasco !
La demande domestique n'a couvert que 12,6 % de l'émission
contre 27,8 % en moyenne, et 65 % de l'émission a été
achetée par les primary dealers qui bossent
avec la FED (qui a dû s'empresser de les leur racheter) ».
Le circuit de blanchiment (pardon de financement) est le suivant :
Le gouvernement fédéral US est à découvert
(plus les dettes qu’il faut rembourser avec de nouvelles dettes). Il
émet donc une reconnaissance de dette appelée bon du
Trésor en échange d’argent frais versé par un investisseur.
C’est une reconnaissance de dette avec un taux d’intérêt.
En réalité, le gouvernement US fait commercialiser sa dette par
quelques très grosses banques nommées « primary dealers » ce qui revient, dans le monde de
l’épicerie fine, à parler de grossiste. Ils
achètent en gros les obligations US (et c’est une obligation
contractuelle) pour les revendre au détail. Comme il n’y a plus
de client… c’est la Banque centrale qui finit par reprendre le
stock d’invendu… à hauteur de 65 % ! Mais tout va bien !
Cet article, qui est vraiment une mine d’or, se pose enfin une
bonne question : « La FED aura certainement à cœur de faire
en sorte que l'émission de 35 Mds$ de bons à 5 ans se passe
mieux ce soir (tout sera fait pour éteindre l'incendie)... mais
a-t-elle les moyens de soutenir durablement les cours ? »
La FED est
schizophrène…
Voilà tout le problème. D’un côté, la
FED dit vouloir stopper sa création monétaire
débridée… mais pour pouvoir le faire, il faut
qu’elle injecte encore plus pour racheter les obligations du
Trésor US dont plus personne ne veut.
La ligne de crête permettant de gérer cette situation
désespérée devient de plus en plus étroite et je
serais très surpris que la FED arrive à s’en sortir sans
casse, c’est-à-dire sans krach obligataire provoqué par
une remontée des taux trop rapide.
Il ne faut pas oublier que si les taux vont trop haut, et il n’y
a aucune raison qu’ils n’y aillent pas si on laissait les
marchés définir leur prix, c’est
l’insolvabilité généralisée qui nous attend.
Du coup, les Banques centrales devront bien à nouveau faire
marcher les planches à billets… comme au Japon.
Que se
passe-t-il au Japon ?
Création monétaire débridée, qui conduit
à une dépréciation importante de la devise japonaise.
Cela signifie qu’un porteur d’obligation japonaise (qui ne
rapporte rien) perd en plus 20 % rien qu’avec
le taux de change. Du coup, les marchés souhaitent des taux plus
élevés. Du coup, les obligations chutent et les taux remontent.
Le problème c’est qu’avec 250 % de dettes/PIB, le Japon ne
peut pas voir ses taux d’emprunt doubler, c’est-à-dire
passer de 1 à 2 % sans se retrouver en faillite ! Du coup, la Banque
du Japon imprime encore plus, déclenchant certes une
légère augmentation des exportations mais qui ne compensent pas
la hausse des prix à l’importation et donc une inflation qui va
avoir tendance à se rapprocher furieusement de l’hyperinflation
et vite. Du coup, les « zinvestisseurs
» voudront des taux encore plus élevés… rendant le
Japon encore plus vite insolvable.
Le Japon court donc à la catastrophe, ce que l’on savait
dès que le nouveau Premier ministre a annoncé sa nouvelle
politique monétaire. 70 % des obligations émises par le
gouvernement sont achetées par la Bank Of Japan,
la BoJ, la Banque centrale nipponne. Pourtant, tout
cela n’a empêché personne d’investir sur le Nikkei
qui a pris 70 % en quelques mois sur du vent et de la fausse monnaie.
Nous dansons
donc sur un volcan et l’on entend déjà gronder les
remontées de laves
Encore une fois, il ne faut pas croire qu’il y ait une seule
façon de s’en sortir sans que ce soit douloureux. Il n’y a
aucune bonne solution. L’austérité, nous voyons ce que
cela donne en Europe. En dehors de toute idéologie,
l’austérité ne fonctionne pas et conduit à la
faillite et à l’insolvabilité par la dépression,
comme c’est le cas en Grèce… mais la monnaie a encore de
la valeur, ce qui ne sert à rien puisque toutes les banques et les
États seront en banqueroute, comme à Chypre.
La planche à billets, et le Japon est un peu en avance sur les
USA, nous montre que cela ne fonctionne pas plus et qu’au bout, tout le
monde sera ruiné par une hyperinflation dévastatrice.
Le problème c’est que le niveau de dette atteint est tel
que personne ne les remboursera jamais…mais personne n’aura le
courage de le dire. Cela vous tombera un beau matin sur le coin de la
tête. Les banques seront fermées et nous nous serons tous fait
« Nikkei »… Enfin tous, pas tous, car je connais un petit
village d’irrésistibles Goldois
entourés de camps retranchés bancaires qui résistent
encore et toujours à la grande illusion monétaire.
Charles SANNAT
Editorialiste et rédacteur du Contrarien
Matin
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com
http://www.lecontrarien.com/
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tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit
reproduit à sa suite. Le Contrarien Matin
est un quotidien de décryptage sans concession de
l’actualité économique édité par la
société AuCOFFRE.com. Article écrit par Charles SANNAT,
Directeur des études économiques. Merci de visiter notre
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