Une récente étude de Institut fédéral suisse pour l’aménagement,
l’épuration et la protection des eaux (Eawag) a apporté de nouvelles preuves
de l’existence d’or et d’argent en grande quantité dans nos égouts. De quoi
susciter des vocations ?
Avec la disparition progressive et programmée des métiers traditionnels,
certains cherchent de nouveaux débouchés professionnels dans l’évolution des
technologies, dans les services ou encore le développement du e-commerce
mobile. À ce titre, certaines découvertes scientifiques peuvent
également servir de catalyseur à de nouvelles vocations pour des emplois qui
n’existent pas encore mais qui ne demandent qu’à émerger. Parmi ces
découvertes, on avait évoqué en 2016 la présence de métaux précieux
dans les effluents et boues d’épuration, aux États Unis mais aussi un peu
partout dans le monde. Une nouvelle qui avait alors éveillé l’intérêt de
futurs “orpailleurs des égouts” qui
n’attendaient qu’une valorisation précise des quantités recyclables pour
envisager un nouveau marché. En juillet dernier, les chiffres sont tombés.
Des lingots dans nos toilettes
Afin de déterminer pour la première fois de façon systématique quels
éléments chimiques étaient rejetés dans l’environnement avec les eaux usées,
une équipe de chimistes et de biologistes suisses a étudié les boues
d’épuration de 64 stations d’épuration sur mandat de l’Office
fédéral de l’environnement (OFEV). Outre la liste d’une soixantaine de
substances plus ou moins toxiques, allant de l’arsenic au plomb en passant
par le chlore, le nickel ou encore le sélénium (dont certaines peuvent avoir
une origine parfaitement naturelle), les chercheurs ont également découvert
des concentrations non négligeables en métaux précieux, et
en particulier d’or et d’argent.
Compte tenu de la nature des matières traitées, l’origine biologique
humaine est incontestable et ces métaux pourraient provenir des traitements
pharmaceutiques, dentaires et même chirurgicaux effectués sur les populations
des zones analysées. Ainsi, chaque Suisse (mais c’est valable pour à peu près
n’importe quel ressortissant de pays développé) rejetterait en moyenne 350
grammes d’argent et 5 grammes d’or par an en tirant la chasse, avec
des variations importantes suivant les régions.
Rapportés au pays tout entier, les quantités s’élèvent à 3 tonnes
d’argent et 43 kg d’or pour une valeur totale de 3 millions
d’euros. Une somme qui a fait réagir nos voisins helvètes plus
habitués à trouver ces volumes de métaux précieux dans des coffres plutôt que
dans leurs toilettes.
Un recyclage serait-il rentable.
Outre l’or et l’argent, les Suisses tirent la chasse sur
pas moins de 50 millions d’euros de métaux recyclables
chaque année. En France, avec une estimation de 23.5 tonnes d’argent
et 335 kg d’or par an sur la base de l’étude suisse, on arrive à un
marché potentiel global de 300 millions d’euros (plus
modeste que l’approximation américaine de l’an dernier), dont
25 millions pour les seuls métaux précieux. Mais est-ce suffisant
pour justifier leur recyclage ?
Pour comparaison, le marché des services de collecte et de recyclage des
déchets en France représente environ 7,5 milliards d’euros par an,
soit 20 fois plus. Et selon l’Ademe (l’Agence de
l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) on pourrait encore trouver
l’équivalent de cette somme en or et en argent dans nos
vieux téléphones mobiles qui dorment dans nos tiroirs après avoir été frappés
d’obsolescence. Or, avec le cours des métaux (précieux ou non), qui reste
assez morose depuis quelques années, les entreprises de recyclage ont du mal
à rentabiliser leurs investissements.
Autant dire qu’avec leurs quelques millions d’euros de métaux précieux,
nos égouts sont encore loin d’être intéressants pour pour ceux qui
souhaiteraient se lancer dans “l’orpaillage d’épuration”. Une situation
d’autant plus frustrante qu’on ne peut donc pas faire grand chose pour éviter
ce gaspillage de matières précieuses.