Comment la Turquie utilise
l’or pour stimuler la stabilité, réduire les taux d’intérêt et tempérer la
croissance du crédit…
La stratégie semble la même
–s’assoir sur de gros tas de métaux. Mais les objectifs diffèrent, car en
Turquie l’or est beaucoup plus proche du système financier au quotidien. Les
méthodes diffèrent aussi. Car la banque centrale du pays n’a pas acheté et
payé cet or. Les particuliers l’ont acheté et payé.
« Les comptes sur dépôts
basés sur l’or [en Turquie] ont augmenté de 15% cette année jusqu’à la fin
juillet », expliquait en octobre 2012 BusinessWeek,
soit « trois fois la hausse des comptes épargnes standards ».
« Bien que très critiqué
pour son utilisation de « mesures non conventionnelles » », ajoutait
en décembre le Financial
Times, « peu de gens disputeraient la décision l’an
passé de la banque centrale de Turquie de permettre aux banques du pays
d’acheter de l’or n’a été rien de moins qu’un succès retentissant ».
L’achat d’or n’est
pas vraiment le terme correct. Débutant en octobre 2011, la banque centrale a
commencé à autoriser les banques commerciales à détenir une portion de leur
« réserves requises », nécessaires pour réassurer les dépositaires
et les autres créditeurs qu’ils avaient beaucoup d’argent à disposition, sous
forme d’or physique. Commençant à 10%, cette proportion fut ensuite haussée à
30%.
Les citoyens privés ont été de
la même façon encouragés à détenir leur or en dépôt dans leurs banques. Cet
or a été ensuite transféré vers le bilan de la banque centrale. L’or détenu de façon privé
soutient maintenant les finances de la nation. Une idée intelligente, qui
coïncidait avec l’augmentation de la devise de la Turquie, la baisse des taux
d’intérêt, une énorme réduction du compte courant et des obligations d’état
recouvrant leur statut de qualité d’investissement.
Visant publiquement quelques 2
200 tonnes d’or « sous l’oreiller » de la Turquie, selon les
estimations, d’une valeur actuelle de 119 milliards de dollars, le gouverneur
de la Banque centrale de la république de Turquie (BCRT), Erdem Basci, a
entre-temps été récompensé du prix de Banquier central de l’année 2012 par le magazine The Banker. Mais avec tout
cela se passant de façon si facile, est-ce que la Turquie ne risquerait pas
une surchauffe ?
La BCRT a baissé ses taux
d’intérêt cette semaine, et a augmenté le volume d’or, que les banques
commerciales qui choisissent d’utiliser de l’or en réserves requises, doivent
détenir. Ce réglage fin est une tentative pour a) décourager les
investisseurs étrangers d’acheter des lires turques et donc ce qui pousse la
lire trop haut, trop vite, et b) empêcher ces influx stimulant la vitesse de
la croissance du crédit domestique en donnant aux banques trop d’argent pour
s’amuser.
Avec la pagaille de la Turquie
au début des années 2000 maintenant disparaissant des mémoires (elle a enlevé
6 zéros à la lire en 2005), la devise a récemment atteint des hauts de près
de douze mois contre le dollar US et l’euro. « Parmi les afflux
croissant de capitaux » des investisseurs étrangers, a affirmé la banque centrale dans un communiqué mardi, « la
croissance récente du crédit a été plus rapide que prévu. »
« Afin de contenir les
risques à la stabilité financière, la politique correcte serait de garder les
taux d’intérêt à des niveaux bas tout en continuant... d’implémenter une
contraction mesurée [du crédit] à travers des réserves obligatoires. »
Reuters annonce depuis Istanbul que la BCRT a augmenté
ses « coefficients d’options de réserve » pour l’or et les devises
hors lires. En d’autres termes, elle a forcé les prêteurs commerciaux qui
choisissent de détenir une proportion de leurs réserves d’espèces en or ou
devises étrangères à faire plus de dépôts auprès de la banque centrale.
« Les mesures
transfèreront jusqu’à 2,9 milliards de livres sterling en devises étrangères
et or des prêteurs vers les réserves des banques centrales », selon Bloomberg, qui ajoute : et « aussi faire des
retraits de 300 million de lires des marchés de devises locales ».
Les analystes chez Goldman
Sachs ont prévu cette action la semaine dernière prenant en compte (après des
commentaires du gouverneur de la banque centrale de la Turquie, Basci, et
aussi prenant en compte l’augmentation de 2% du mois dernier du taux de
change de la lire par rapport au dollar) que la BCRT « a changé de centre
d'intérêt envers les risques de stabilité financière posés par les afflux
croissant de capitaux. »
En utilisant les taux
d’intérêt et les autres outils, elle « s’appuierait sur les afflux et
leurs pressions subséquentes de valorisation des devises étrangères »,
ont affirmé les analystes de Goldman. La BCRT a baissé cette semaine son taux
annualisé pour les emprunts sur la quinzaine à 8,75%. Ce qui est différent
des 12% d’il y a douze mois, quand l’inflation dépassait les 10% et que la
lire se débattait toujours pour trouver son plancher, a affirmé le blog Emerging
Europe du Wall Street Journal.
Pouvez-vous imaginer une telle
politique, sans compter un tel revirement. Bien sûr, pas toute la politique
sur l’or de la Turquie ne peut être entièrement devinée par les analystes de
l'extérieur, et il y a toujours beaucoup de risques pour la croissance et la
stabilité de la Turquie aussi. Du moins son déficit du compte courant…
peut-être le septième pire en 2012 à 59 milliards de dollars (prévision du FMI).
Toujours est-il, c’est une
amélioration par rapport à la seconde place en 2011, derrière l’éternel
numéro un, les Etats-Unis bien sûr. Cette place a maintenant été prise par le
bon vieux Royaume-Uni, une nation qui a vendu la moitié de ses réserves d’or nationales à des
cours les plus bas depuis des décennies entre 1999 et 2002. Dix ans plus tard
le déficit britannique avec le reste du monde a fait le grand écart à plus de
80 milliards de dollars.
Le Royaume-Uni pourrait bien
sûr appliquer la même technique que la Turquie. En effet, BullionVault a
envoyé une proposition modeste au Parlement plus tôt cette
année.
« Exonérer l’or privé déposé à
la Banque d’Angleterre de la taxe sur les plus-values. Cela augmentera
dramatiquement la puissance de feu financière de la banque à un moment où nos
banques commerciales ont besoin d’être soutenues, tout comme notre devise
[qui aura besoin d’être soutenue] très bientôt. »
Gardons espoir ! Et en
l’absence d’une banque centrale, ou d’un gouvernement, voulant ou étant
capable d’aborder la stabilité en votre nom, les épargnants britanniques
pourront noter ce que l’or a fait pour les ménages turcs quand la lire a
chuté, à plusieurs reprises, sur le marché des devises.