Les Etats-Unis n’ont pas pu
obtenir ce qu’ils voulaient. Mais peut-être ont-ils reçu ce qu’ils
méritaient. Papa est à la maison, il s’est rendu directement dans la chambre
des petits, qui pleurent maintenant d’horreur. Maman n’était finalement qu’une
vieille reine des magouilles qui n’aurait mené la maisonnée que plus près
encore du précipice. Elle attend maintenant solennellement son jugement, avec
nulle part où courir, nulle part où trouver refuge. Les jeunes des
universités ont temporairement perdu la raison face à la situation
domestique, et certains se demandent s’ils s’en remettront un jour.
Trump, papa des Etats-Unis ?
Il semblerait que oui. Pourrait-il faire un bon père ? Beaucoup pensent
que non. Voyez simplement comment il s’est comporté tout au long de sa
campagne : il n’a fait preuve d’aucune tenue. Il vacille même quand il
marche, tel un monstre de Frankenstein. Voilà qui n’est pas rassurant – bien qu’il
ait toutefois élevé sa propre portée d’enfants aujourd’hui devenus des
individus performants. Pas un tatouage ou un piercing parmi eux. Pas de
problème apparent d’identité sexuelle. Et tous occupent une position
responsable au sein de l’entreprise familiale. Alors allez savoir.
A en juger par les
récriminations internes entre partisans du parti démocrate, c’est à croire
que tous se sont réveillés simultanément d’une trance hypnotique pour
réaliser que présenter Hillary Clinton aux élections présidentielles avait
été la pire idée qu’ils aient jamais eue – certains semblent d’être éveillés
à l’absurdité de l’idéologie démocrate de victimologie, des discours
incessants sur la diversité et l’inclusion, comme si la poussière de lutin
était la solution miracle à la dépression nerveuse de leur société. Mais vers
quoi pourront-ils maintenant se tourner ? Je n’en suis pas certain.
En pratique, les deux partis
traditionnels des Etats-Unis ont commis un attentat-suicide. Le parti
démocrate est passé d’un parti de penseurs au parti de la police de la
pensée, et pour cette simple raison, il mérite qu’on l’abandonne dans les égouts
de l’Histoire, où les ineptes qu’étaient les Whigs ont été laissés avant lui.
Les Républicains ont financé leurs propres Jeux olympiques spéciaux, c’est
pourquoi il est compréhensible qu’ils soient désormais devenus les otages de
Trump, qui s’est montré si cavalier envers les principes de leur parti. Reste
à voir si le parti républicain se transformera en un monstre à la tête orange
et assoiffé de vengeance, ou s’il parviendra à former un pont qui pourra nous
mener, sains et saufs, vers la vérité. J’accorde à cette deuxième possibilité
un pourcentage de probabilité infinitésimal.
Maman s’intéresse aux sentiments
alors que le mot d’ordre de papa est l’action. Une autre raison pour laquelle
Trump l’a emporté sur Hillary. Nous en avons suffisamment entendu des
sentiments des gens, qui n’ont plus aucune importance. Vous vous sentez offensé ?
Allez vous faire cuire un œuf. Quelqu’un s’est approprié votre culture ?
Allez brûler votre sombrero. Tout ce qui importe aujourd’hui, c’est la
manière dont nous pourrons nous détacher de la modernité – de l’orgie
techno-industrielle qui perd aujourd’hui ses ressources comme son argent. La
politique de la victimisation sacrée n’a pas sa place ans la politique de la
survie.
Le nouveau président ne le sait
peut-être pas encore, mais ce sont les évènements qui sont aujourd’hui aux
commandes, et pas son personnage à l’égo démesuré. Le commerce et les
activités économiques sont en déclin à l’échelle globale, et commencent à
affecter les marchés financiers maintenus à flots par le crédit. Ils nous transmettent
au travers des obligations un message très fort : la monnaie empruntée
pourrait ne jamais être remboursée, et tout emprunt additionnel finira par
coûter bien plus cher, bien trop cher, au point de plonger la nation
émettrice dans la banqueroute.
Ce simple fait rendra très difficile
pour le président Trump d’accumuler l’argent nécessaire à sa fiesta de
reconstruction des infrastructures américaines. Et s’il parvenait à dévier
des financements d’entre les mains des banquiers, il pourrait donner lieu à
une grippe inflationniste susceptible d’étouffer la monnaie tout autour du
monde. Nous n’aurions alors plus à nous inquiéter des partenariats
transpacifiques, puisque plus aucune lettre de crédit ne serait disponible
pour déplacer les cargaisons d’un point A à un point B. Combien de temps
faudra-t-il attendre ensuite pour que les rayons des supermarchés se vident
complètement ? Et qu’est-ce que le dollar pourra encore permettre d’acheter ?
Il semblerait que le sandwich
aux excréments qu’a si minutieusement préparé le président Obama avant de le
laisser dans le garde-manger de la Maison blanche à l’intention de son
successeur prendra la forme d’une poussée de l’inflation, de la mort de notre
monnaie – ou du moins de notre monnaie papier. Si elle ne mourrait pas
immédiatement, attendez-vous à ne plus pouvoir vous en accaparer. Les marchés
monétaires mureront leurs portes de sortie, et les banques limiteront les
retraits d’espèces.
Bien que ce soit évidemment une
stratégie de perdant, je m’attends à ce que ce qui reste du parti démocrate
persiste dans son identité de revendications au point d’envenimer les
troubles civils sans jamais comprendre les dynamiques économiques qui se
jouent en arrière-plan. Il ne sait pas quoi faire d’autre. Il est l’otage des
racketteurs politiques. Ni Mr Obama ni Mr Trump ne pourra pardonner Hillary
Clinton pour les opérations de rackets qui lui ont permis de financer sa
fondation. Le serveur d’emails n’était que le moindre de ses crimes –ses
ventes d’influence et son accès au Département d’Etat sont au cœur de l’affaire,
et tous ceux qui s’y intéressent le savent, à l’inclusion de l’avocate
générale. Si le chapiteau du cirque Clinton était dressé, Trump pourrait grandement
bénéficier du divertissement qu’il apporterait au public.
Sur internet, les débats se
multiplient autour du Fourth Turning, ou « quatrième tournant »,
de Strauss et Howe. Leur excellent livre, publié il y a vingt ans, se penche
sur la fin turbulente des cycles générationnels de 80 ans (le bloggeur Jim
Quinn s’est penché sur le sujet cette semaine sur The Burning Platform). Les présidents
du dernier Fourth Turning, Lincoln et Roosevelt, ont traîné leur
nation au travers de bains de sang et d’une dislocation économique. Le
personnage de Donald Trump n’a rien à voir avec un Lincoln ou un FDR. Mais il
est parvenu à élever ses enfants, et pour le moment, nous n’avons rien d’autre
à quoi nous accrocher.