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Ouin ouin

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Published : November 22nd, 2016
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Category : Editorials

Les Etats-Unis n’ont pas pu obtenir ce qu’ils voulaient. Mais peut-être ont-ils reçu ce qu’ils méritaient. Papa est à la maison, il s’est rendu directement dans la chambre des petits, qui pleurent maintenant d’horreur. Maman n’était finalement qu’une vieille reine des magouilles qui n’aurait mené la maisonnée que plus près encore du précipice. Elle attend maintenant solennellement son jugement, avec nulle part où courir, nulle part où trouver refuge. Les jeunes des universités ont temporairement perdu la raison face à la situation domestique, et certains se demandent s’ils s’en remettront un jour.

Trump, papa des Etats-Unis ? Il semblerait que oui. Pourrait-il faire un bon père ? Beaucoup pensent que non. Voyez simplement comment il s’est comporté tout au long de sa campagne : il n’a fait preuve d’aucune tenue. Il vacille même quand il marche, tel un monstre de Frankenstein. Voilà qui n’est pas rassurant – bien qu’il ait toutefois élevé sa propre portée d’enfants aujourd’hui devenus des individus performants. Pas un tatouage ou un piercing parmi eux. Pas de problème apparent d’identité sexuelle. Et tous occupent une position responsable au sein de l’entreprise familiale. Alors allez savoir.

A en juger par les récriminations internes entre partisans du parti démocrate, c’est à croire que tous se sont réveillés simultanément d’une trance hypnotique pour réaliser que présenter Hillary Clinton aux élections présidentielles avait été la pire idée qu’ils aient jamais eue – certains semblent d’être éveillés à l’absurdité de l’idéologie démocrate de victimologie, des discours incessants sur la diversité et l’inclusion, comme si la poussière de lutin était la solution miracle à la dépression nerveuse de leur société. Mais vers quoi pourront-ils maintenant se tourner ? Je n’en suis pas certain.

En pratique, les deux partis traditionnels des Etats-Unis ont commis un attentat-suicide. Le parti démocrate est passé d’un parti de penseurs au parti de la police de la pensée, et pour cette simple raison, il mérite qu’on l’abandonne dans les égouts de l’Histoire, où les ineptes qu’étaient les Whigs ont été laissés avant lui. Les Républicains ont financé leurs propres Jeux olympiques spéciaux, c’est pourquoi il est compréhensible qu’ils soient désormais devenus les otages de Trump, qui s’est montré si cavalier envers les principes de leur parti. Reste à voir si le parti républicain se transformera en un monstre à la tête orange et assoiffé de vengeance, ou s’il parviendra à former un pont qui pourra nous mener, sains et saufs, vers la vérité. J’accorde à cette deuxième possibilité un pourcentage de probabilité infinitésimal.

Maman s’intéresse aux sentiments alors que le mot d’ordre de papa est l’action. Une autre raison pour laquelle Trump l’a emporté sur Hillary. Nous en avons suffisamment entendu des sentiments des gens, qui n’ont plus aucune importance. Vous vous sentez offensé ? Allez vous faire cuire un œuf. Quelqu’un s’est approprié votre culture ? Allez brûler votre sombrero. Tout ce qui importe aujourd’hui, c’est la manière dont nous pourrons nous détacher de la modernité – de l’orgie techno-industrielle qui perd aujourd’hui ses ressources comme son argent. La politique de la victimisation sacrée n’a pas sa place ans la politique de la survie.

Le nouveau président ne le sait peut-être pas encore, mais ce sont les évènements qui sont aujourd’hui aux commandes, et pas son personnage à l’égo démesuré. Le commerce et les activités économiques sont en déclin à l’échelle globale, et commencent à affecter les marchés financiers maintenus à flots par le crédit. Ils nous transmettent au travers des obligations un message très fort : la monnaie empruntée pourrait ne jamais être remboursée, et tout emprunt additionnel finira par coûter bien plus cher, bien trop cher, au point de plonger la nation émettrice dans la banqueroute.

Ce simple fait rendra très difficile pour le président Trump d’accumuler l’argent nécessaire à sa fiesta de reconstruction des infrastructures américaines. Et s’il parvenait à dévier des financements d’entre les mains des banquiers, il pourrait donner lieu à une grippe inflationniste susceptible d’étouffer la monnaie tout autour du monde. Nous n’aurions alors plus à nous inquiéter des partenariats transpacifiques, puisque plus aucune lettre de crédit ne serait disponible pour déplacer les cargaisons d’un point A à un point B. Combien de temps faudra-t-il attendre ensuite pour que les rayons des supermarchés se vident complètement ? Et qu’est-ce que le dollar pourra encore permettre d’acheter ?

Il semblerait que le sandwich aux excréments qu’a si minutieusement préparé le président Obama avant de le laisser dans le garde-manger de la Maison blanche à l’intention de son successeur prendra la forme d’une poussée de l’inflation, de la mort de notre monnaie – ou du moins de notre monnaie papier. Si elle ne mourrait pas immédiatement, attendez-vous à ne plus pouvoir vous en accaparer. Les marchés monétaires mureront leurs portes de sortie, et les banques limiteront les retraits d’espèces.

Bien que ce soit évidemment une stratégie de perdant, je m’attends à ce que ce qui reste du parti démocrate persiste dans son identité de revendications au point d’envenimer les troubles civils sans jamais comprendre les dynamiques économiques qui se jouent en arrière-plan. Il ne sait pas quoi faire d’autre. Il est l’otage des racketteurs politiques. Ni Mr Obama ni Mr Trump ne pourra pardonner Hillary Clinton pour les opérations de rackets qui lui ont permis de financer sa fondation. Le serveur d’emails n’était que le moindre de ses crimes –ses ventes d’influence et son accès au Département d’Etat sont au cœur de l’affaire, et tous ceux qui s’y intéressent le savent, à l’inclusion de l’avocate générale. Si le chapiteau du cirque Clinton était dressé, Trump pourrait grandement bénéficier du divertissement qu’il apporterait au public.   

Sur internet, les débats se multiplient autour du Fourth Turning, ou « quatrième tournant », de Strauss et Howe. Leur excellent livre, publié il y a vingt ans, se penche sur la fin turbulente des cycles générationnels de 80 ans (le bloggeur Jim Quinn s’est penché sur le sujet cette semaine sur The Burning Platform). Les présidents du dernier Fourth Turning, Lincoln et Roosevelt, ont traîné leur nation au travers de bains de sang et d’une dislocation économique. Le personnage de Donald Trump n’a rien à voir avec un Lincoln ou un FDR. Mais il est parvenu à élever ses enfants, et pour le moment, nous n’avons rien d’autre à quoi nous accrocher.

 

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James Howard Kunstler est un journaliste qui a travaillé pour de nombreux journaux, dont Rolling Stones Magazine. Dans son dernier livre, The Long Emergency, il décrit les changements auxquels la société américaine devra faire face au cours du 21° siècle. Il envisage un futur prochain fait de crises sociales à répétition, la fin de la Surburbia et du modèle économique associé, une guerre mondiale pour les ressources en énergie. Il prédit la déconstruction des empires européens et américains et pense que, lorsque les convulsions seront terminées, le monde fonctionnera de manière décentralisée et local.
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