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Faudra-t-il
attendre le 5éme jour annoncé dans un précédent
billet, qui donnait le 3 novembre comme point de départ ? Une
sorte de répétition générale a en tout cas eu
lieu hier 15 octobre, la suite sera écrite par ceux qui tiennent la
plume sur le terrain.
A
la manière des manifestations contre la guerre au Vietnam, qui
parcouraient la planète dans les années 60, le mouvement des
indignés s’est sans attendre donné une stature
internationale, à la dimension de la crise dont il dénonce les
acteurs et les effets.
Les
manifestations de la place Saint-Jean de Latran à Rome, de la Puerta del Sol à Madrid,
de Times Square à New York et devant le Parlement à Lisbonne
ont prioritairement retenu l’attention, en raison de leur importance
numérique. Mais cela serait faire injure aux Canadiens, aux
Britanniques, aux Chiliens, aux Grecs et aux Bosniaques, ainsi qu’aux
Hollandais, de ne pas signaler leur participation au mouvement. Ainsi
qu’à beaucoup d’autres, à Johannesburg, à
Mexico, à Bruxelles, à Sydney, à Francfort et à
Hong Kong…
Il
n’y a pas de langue privilégiée pour s’indigner,
pas de lieu qui ne puisse permettre de l’exprimer.
Un
manifeste avait auparavant appelé sur Internet à manifester ce
même jour, recensant 951 villes où des manifestations
étaient prévues, sur le thème « tous ensemble
pour un changement mondial » et proclamant « nous ne
sommes pas des marchandises ! ». Annonçant :
« Unis d’une seule voix, nous allons faire savoir aux
politiciens et aux élites financières qu’ils servent, que
c’est à nous, le peuple, de décider de notre
avenir ».
Faut-il
revenir sur les caractéristiques communes à ces mouvements, par delà leur grande diversité
revendiquée ? En rappelant qu’ils se reconnaissent dans un
même principe d’auto-organisation et sont initiés par des
collectifs sui generis. Qu’ils regroupent large et
s’inscrivent dans la durée. Qu’ils témoignent en
raison de leurs slogans d’une grande liberté de ton, associant
les références à la détresse de beaucoup à
un rejet du monde politique, non sans manier une ironie mordante. Avec un art
consommé de la formule qui remue la génération des
nostalgiques-invétérés-responsables-de-la-crise-actuelle
d’un certain printemps.
Que
retenir d’autre, dès aujourd’hui, de la journée
d’hier ? Le début de l’occupation de la City, devant
la cathédrale Saint-Paul, par des centaines de manifestants, qui
pourrait devenir un nouveau point de fixation ? La puissante relance du
mouvement des Espagnols et des Portugais et la propagation de celui des
Américains, l’entrée en jeu des Italiens, que l’on
a voulu briser dans l’oeuf ? La
déclaration du futur président de la BCE, Mario Draghi, selon laquelle « les jeunes ont raison
d’être indignés », alors que pour la
première fois ils se faisaient entendre devant le siège de la
banque centrale, à Francfort ? Ou bien la présence massive
et générale d’un appareil policier ostentatoire, exhibé
à des fins dissuasives, ainsi que les charges de Rome, dont
l’origine est sujette à interrogation ?
En
mettant l’accent sur la non-violence de leur mouvement, et en
évitant tout ce qui pourrait donner prétexte à une
intervention policière, les indignés font preuve de
maturité. Ils opposent celle-ci à la promesse de violence
aveugle des Robocops et à la
duplicité d’un personnel politique qui craint, non sans raison
et comme les sondages américains le montrent, le retentissement de ces
actions minoritaires mais exemplaires. Cela avait déjà
été le cas en Espagne et pourrait en prendre le chemin dans les
autres pays profondément touchés par les conséquences de
la crise.
« Nous
sommes le peuple, on nous a vendu ! » pouvait-on lire sur une
banderole de toile tendue à Times Square parmi les néons
agressifs qui encadrent la place. A la veille de l’inauguration
d’un Mémorial en hommage à Martin Luther King, la foule
à majorité noire scandait à Washington DC « De
génération à génération, nous continuons
à marcher. Redressez-vous ! Nous sommes les enfants du Dr
King ». Les cinq colonnes de manifestants qui se sont rejointes
sur la Puerta del Sol,
à Madrid, se sont figées dans un « cri
muet » avant d’entendre un orchestre interpréter la IXéme de Beethoven.
« Nous ne sommes pas des marchandises aux mains des
marchés » ont proclamé des pancartes brandies dans
les rues de Lisbonne. Les Athéniens quant à eux ont
scandé « je ne paie plus », en
référence aux nouvelles taxes et au mouvement de
désobéissance civile qui s’amorce.
Billet
rédigé par François Leclerc
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